« - Fabian ! Peux-tu arrêter de faire le pitre ? Juste deux secondes s’il te plaît !
DING ! DONG ! DING ! DONG !
- Tout le monde nous attend dans la nef, on va rater le baptême de mon neveu.
- Hé ! Hé ! C’est pas lui qu’on baptise aujourd’hui, c’est moi !
- Quoi ?
- Oui, à partir de « maintenant », mon nom de plume est « Cravans » comme ton village ou plutôt… « Cravan » sans « s », ça sonne mieux ! Et mon prénom est « Arthur » comme le roi, le roi des poètes. Arthur Cravan, je me baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! »
1910 : Colosse fantasque, Fabian Llyoyd, champion de France de Boxe, n’a qu’une ambition : devenir le champion du monde des poètes.
Paris Renée, Barcelone Very Boxe, New York Mina Loy, Mexico sont les quatre chapitres de la vie passionnante de ce mythomane, escroc et aventurier, qui se conclura par un épilogue tragique.
Avec cette biographie d’Arthur Cravan, Jack Manini sort de l’oubli un poète sportif, un touche-à-tout de génie et de provocation.
S’il avait vécu dans la deuxième moitié du XXème siècle, Cravan aurait côtoyé Antoine Blondin. Il aurait participé à des joutes verbales avec Jean-Edern Hallier dont il aurait été ami-ennemi. Il aurait combattu les Luchadores au Mexique. Il aurait passé des nuits blanches en sortant de l’enregistrement d’émissions de télé d’Ardisson et aurait palabré des heures avec Frédéric Beigbeder dans des vapeurs illicites.
Mais Cravan est une « vedette » du début du siècle. Il s’est fait une place dans la société à grands coups d’uppercuts blessants et de plume acide. L’homme est amoureux, amoureux des femmes et de la vie. Il ne fait pas de cadeau avec les sentiments. Sa mère pourrait en témoigner.
Cravan s’est fait un nom d’une part avec la boxe, affrontant les plus grands champions de l’époque. Il faut dire que 2 m et 125 kg, ça affute un homme. D’autre part, auteur du journal « Maintenant », il n’hésite pas à se payer les têtes d’affiche du monde de l’art, étrillant les plus grands peintres, assassinant les artistes de tout poil. Mais, paradoxalement, il peut aussi se foutre de son public, pouvant ne pas se présenter sur scène selon son humeur.
Jack Manini a passé deux ans de sa vie avec Fabian Lloyd alias Arthur Cravan. Cet album offre au personnage une postérité méritée. L’auteur a mis tout son cœur dans cet hommage. Avec un découpage éclairé et dynamique, Manini allie un graphisme bondissant et solide, à la manière de son héros.
Un seul point laisse perplexe : la couverture est-elle une idée de génie ou une erreur de marketing ? Le fond présentant les fonctions, qualités et défauts de Cravan est efficace. Mais la représentation du personnage coupé à la taille par le titre de l’album est une moins bonne idée. Il ne faudrait pas que cela freine à l’ouverture du livre sur l’étalage des librairies.
Dans tous les cas, cet ouvrage est à ranger à côté des meilleures biographies en BD, entre le Joséphine Baker de Catel et Bocquet et le Ishanti ! de Golo.
« Je ne meurs jamais ou presque. » clame Arthur Cravan. C’est « Maintenant » chose certaine grâce à Jack Manini.
Laurent Lafourcade
One shot : Arthur Cravan
Collection : Grand angle
Genre : Biographie aventureuse
Scénario, Dessins & Couleurs : Manini
Éditeur : Bamboo
Nombre de pages : 216
Prix : 21,90 €
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