Kid Toussaint : Magic 7 tiendra en dix tomes mais ses droits ont été achetés pour une série animée
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Kid Toussaint :  Magic 7 tiendra en dix tomes mais ses droits ont été achetés pour une série animée

Ces derniers temps, vous n’avez pu passer à côté d’une des séries les plus ambitieuses du Journal Spirou : Magic 7. Se dévoilant d’album en album, la série qui suit sept nouveaux mages devant s’unir contre des forces maléfiques et énigmatiques prend un nouveau tour (de magie, bien sûr), en s’engouffrant dans la genèse de ces dons dont les super-héros DC et Marvel ne voudraient sans doute pas. S’alliant à quelques dessinateurs emblématiques du neuvième art, en Europe comme outre-Atlantique, Kid Toussaint met à mal ses héros. Interview avec un auteur namurois qui entend bien offrir plus que du spectacle.

 

 

 

 

 

 

 

 

©Toussaint/Raapack/Villarrubia chez Dupuis





Bonjour Kid ! Avant toute chose, quelle est la genèse de Magic 7 ?

J’avais une envie d’épique, de vraies aventures avec des super-pouvoirs. Mais pas comme ceux des grands héros de comics. Je voulais donner à mes personnages des pouvoirs qui ne soient pas terribles. Parler aux fantômes, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux quand certains peuvent voler ou ont une force incroyable. Mais bon, avoir Houdini comme ami, ça peut aider quand vous vous faites enfermer dans un casier de votre école par une bande de vauriens.

 

 

 

 

Un extrait du tome 5 © Toussaint/Ruiz/Noiry à paraître chez Dupuis

 

Ça c’était le pitch du premier tome. Nous en sommes déjà au quatrième avec une flopée de dessinateurs de premier plan qui font leur entrée dans cette aventure.

Kid Toussaint : C’est vrai, j’épuise plein de dessinateurs sur cette série (rires). Rien que dans ce quatrième tome, huit nouveaux dessinateurs interviennent.

Ce quatrième tome compile donc des histoires courtes mises en lien dans la continuité des trois tomes précédents. L’histoire se poursuit mais on se permet des flash-backs lointains qui vont aider à mieux comprendre l’histoire. Chacun des dessinateurs invités intervient donc sur quelques planches.

 

 

 

 

Une recherche de personnage par Chris Evenhuis

 

Ces histoires courtes sont donc reliées entre elles. Ce qui ne fait pas de cet album un simple recueil. Vous prévoyiez ça d’emblée ?

Tout à fait. Cela fait un moment que j’ai en tête les dix albums de la série. Je n’irai pas plus loin, j’aurais l’impression de me mentir à moi-même. Puis, si je connais la trame des épisodes, je me réserve des surprises. Par contre, je connais la dernière phrase, celle qui mettra un point final à tout ça. Mais, il est vrai que je prévoyais Magic 7 en sept tomes et… trois hors-séries. Ce quatrième album devait être le premier hors-série, tout comme le septième et le dixième. L’éditeur m’en a dissuadé. Apparemment, quand un album est vendu en hors-série, les lecteurs ont tendance à passer à côté, pensant que ce ne sont que des bonus, pas nécessaires pour comprendre le reste de l’histoire. Donc ces hors-séries ont été intégré dans la série régulière.

Dans ce quatrième opus, le mécanisme est différent et le fil rouge va nous emmener dans sept récits dans le récit.

 

 

 

 

© Toussaint/Beroy chez Dupuis

 

Avec un casting ambitieux, européen mais aussi américain. Avec Clarke, Raapack, Denis Bodart…

Pour le casting, bien sûr, j’avais des idées. Je n’ai pas pu avoir tout le monde. Mais j’ai Je n’ai pas vu ça tellement en termes de grands noms, mais plutôt en termes de gens avec qui je voulais collaborer. Pas tellement des idoles, car ce n’est pas si productif que cela. Il y a un rapport de soumission, de l’intimidation. Ce n’est pas évident à gérer.

Bref, tout ce petit monde a reçu la proposition par l’éditeur, sans a priori, sans savoir à quoi ressemblerait la série : le tome 1 était en chantier, rien n’était sorti. Mais tous ont réussi à apporter leur pierre à l’édifice.

Benoît Ers m’a demandé de la doc.

 

 

 

 

© Toussaint/Ers chez Dupuis

 

Raapack a tiré son trait vers l’horreur : j’avais oublié à quel point il aimait les monstres. Et, au final, ses planches font bien plus peur que je ne l’avais imaginé. Cela dit, je pense que le jeune lecteur a déjà vu pire et que le média BD impose plus de recul que les images vivantes. On ne fait pas de cauchemar avec des BD’s.

 

 

 

 

© Toussaint/Raapack/Villarubia chez Dupuis

 

Clarke, lui, je n’ai pas eu le temps de discuter avec lui, il a respecté à la lettre mon découpage.

 

 

 

 

© Clarke

 

Et pourtant, on y décèle tout ce qui fait son originalité, sa noirceur, sa vision des choses. Puis, outre les dessinateurs invités, il y en a un autre qui va s’installer durablement : Kenny Ruiz qui dessine ici toute la partie contemporaine.

Oui, jusqu’ici, nous travaillions avec deux auteurs italiens, Giuseppe Quattrocchi et Rosa La Barbera mais on ne se comprenait pas. Du coup, on a changé. Et ce tome 4 fait charnière. Ils ont passé le relais à Kenny Ruiz. Lui a très bien chopé le scénario, les personnages. Mieux, ils se permettaient des gags, nourrissaient l’avant- et l’arrière-plan. Il y avait des allers-retours entre nous. Il devient donc le dessinateur officiel, avec Noiry aux couleurs.
Case extraite du tome 5 © Toussaint/Ruiz/Noiry à paraître chez Dupuis

 

 

 

 

© Kid Toussaint/Kenny Ruiz


 

Puis qu’est-ce qu’il va vite ! Il vient de la même région que José Luis Munuera et à mon avis dans leur coin, il doit y avoir quelque chose dans l’eau. Ce n’est pas possible autrement.

La vitesse, c’est une des caractéristiques de la série. En même pas un an, quatre albums sont sortis. Et ce n’est pas près de s’atténuer. Toujours est-il que, dès le départ, la série était ambitieuse et se prévoyait sur le long cours. Un pari ?

Oui, et ça a bien pris. La série est bien reçue, puis tous les week-ends, je suis en festivals. J’ai fait le tour de la France, j’en connais les moindres recoins. D’ailleurs, Google Maps a enregistré mes déplacements, quand je suis tombé dessus, j’ai halluciné. Si j’avais su, j’aurais pris mon vélo et mis un maillot jaune. J’ai dû faire trente étapes, de Metz à Antibes en passant par St Malo et Narbonne.

Puis, autre bonne nouvelle, une boîte de production en animation a acquis les droits de Magic 7 pour l’adapter en série animée. Le pilote est en route. Naturellement, il ne faut pas être pressé, ça prend du temps. J’ai écrit la BD, j’étais prêt à m’investir dans la série mais ils n’ont pas voulu. Cela dit, il y a une charte à respecter.

 

 

 

 

© Toussaint/Ruiz/Noiry chez Dupuis

 

 

Si une telle série est un pari, je ne sais pas. Depuis plus de dix ans que je suis dans le milieu, j’ai tout entendu : que je devais faire un one-shot, ou alors un diptyque ou encore une série. Le diptyque, je l’ai fait avec À l’ombre du convoi, c’était une erreur. On ne peut pas faire deux albums avec un one-shot même si les éditeurs pensent, si ça marche, pouvoir vendre deux fois la même histoire, le même bouquin. Cela dit, je pense que tout dépend du moment et de l’éditeur, de la tendance.

Avec Magic 7, je voulais que ça aille vite aussi parce que les lecteurs grandissent vite. À cet âge, on passe vite à autre chose.

 

 

 

 

© Toussaint/Ruiz/Noiry chez Dupuis

 

Il y a le risque que tout s’arrête avant la conclusion, non ?

Je ne regarde plus de série télé. Et quand j’en regarde, je vois toutes les ficelles, de toute façon. Cela dit, je suis frustré à chaque fois. Bien des séries posent des questions auxquelles elles ne répondront jamais. Je ne voulais pas que ça arrive à Magic 7. Et s’il devait y avoir une fin prématurée, j’avais calculé, vu les délais de parution rapprochés, qu’elle n’interviendrait pas avant le quatrième tome. Du coup, j’avais prévu des portes de sortie aux tomes 4, 7 et 10, forcément. Cela dit, chez Dupuis, on ne m’a jamais parlé dans ces termes : « Si ça ne marche pas, on arrêtera ». Il y avait de la confiance. Quant à savoir si les sorties ne sont pas trop rapprochées et si ce n’est pas demander aux lecteurs de dépenser beaucoup en très peu de temps, je pense que la demande va dans le sens de la rapidité.

 

 

 

 

© Toussaint/Ruiz/Noiry chez Dupuis dans le tome 5 à paraître chez Dupuis

 

Si Magic 7 s’adresse avant tout aux enfants, les parents ne sont pas en reste. Et la relation entre les deux joue aussi son rôle.

C’est le but. En séances de rencontres-dédicaces, j’adore voir les enfants arriver. Ils ont souvent des questions intelligentes, les enfants. Je me souviens d’un petit bonhomme, il semblait faire la gueule. Du coup, je pensais que son papa l’avait traîné là pour avoir son exemplaire dédicacé. La discussion s’est engagé et je me suis rendu compte qu’il en connaissait un bout sur Magic 7. Et notamment sur les fantômes célèbres auxquels parle Léo. Des fantômes connus, d’Errol Flynn à Tesla en passant par Sugar Ray Robinson. Des célébrités passées que le papa ne connaissait pas. Ce petit garçon avait bossé les biographies de ces fantômes sur Wikipédia.

 

 

 

 

© Toussaint/Quattrocchi/La Barbera

 

Et dieu sait à quel point il est important ce réflexe à l’heure où on a trop tendance à prendre pour argent comptant ce que donne le web, sans creuser.

Ces fantômes, ce sont des portes ouvertes pour les gamins curieux. Un peu comme celui que j’étais et qui avais piqué le dico des noms propres. Je me familiarisais avec Houdini, Sugar Ray Robinson, Nikola Tesla. Des gens à qui je voulais consacrer des biopics, fut un temps. Bon, ça n’a pas pris, je les ai rappelés maintenant !

Il y a des Pokémon, aussi, et de la place pour l’histoire.

Oui je suis un fan d’histoire. Et finalement, ce quatrième album, sous des dehors fantastiques, retrace l’épidémie de la peste au Moyen Âge. Mais j’ai conçu Magic 7 de manière bien plus vaste, avec des sujets entiers comme l’héritage, la responsabilité. Tout en interrogeant l’enfant, le jeune qui lit cette BD sur ce qu’il veut et va faire de sa vie. « Si tu avais un pouvoir, qu’en ferais-tu ? » Tout est une question de choix. Et cette thématique était déjà à l’oeuvre dans À l’ombre du convoi, entre les Allemands destinés à faire des Nazis, des Belges devenant résistants et les autres.

 

 

 

 

© Toussaint/Upchurch chez Dupuis

 

Une obsession ?

Une réflexion qui m’intéresse. M le Maudit de Fritz Lang m’a pas mal marqué quand je l’ai vu. Pendant le plus clair de notre temps, on en veut à ce tueur en série qui tue des enfants. On veut sa peau. Puis, à la fin, ce serial killer devient la proie et là le spectateur est en empathie avec lui. Je mets un point d’orgue, dans mes oeuvres, à ne pas mettre que du noir ou que du blanc.

Vous aimez parler aux enfants à travers vos livres. À côté de la BD, il y a aussi eu des livres pour enfants.

Je n’en ferai plus. C’est un autre monde dans lequel j’ai l’impression qu’on infantilise encore plus le très jeune lecteur. Les éditeurs requièrent qu’on parle toujours au présent. Jamais au passé simple. Car… « L’enfant ne comprendra pas. » Ça m’est insupportable. Il ne faut pas prendre l’enfant pour plus bête qu’il ne l’est. D’autant plus qu’il est capable de reconnaître les terminaisons, le futur, l’imparfait. Même s’il accommode parfois les mots à sa sauce, qu’il invente leur orthographe, il a compris la règle.

 

 

 

 

© Toussaint/Ruiz/Noiry chez Dupuis

 

À côté de Magic 7, il y a de nouvelles séries populaires comme FRNCK, dans le Journal de Spirou. Vous êtes rivaux ?

On essaie de ne pas se sentir concurrents et Dupuis arrive très bien à instaurer un climat de famille plus que de compétition. Ça s’en ressent sur les salons où nous allons. Par exemple à Puteaux, Magic 7 et FRNCK ont fini derrière Mystery de Ced et Stivo. On connait bien Ced, qui signe les strips Kahl&Pörth avec Ztnarf dans Spirou. Du coup, on était tous contents pour eux. Bon, après, j’ai poussé Ced dans les escaliers, faut pas déconner non plus.

Des prix, Magic 7 en a eu aussi, non ?

Oui, trois jusqu’ici. Dont deux le même week-end à deux endroits différents : les prix jeunesse à Anzin-st Aubin et à Bulles d’océan à Rochefort. Puis, avant, il y avait eu un prix à Rouan. Mais ça ne rapporte jamais de l’argent (Rires). Mais ma fierté, c’est que ce sont des prix donnés par le public, pour lesquelles les lecteurs ont voté. C’est valorisant.

 

 

 

 

© Toussaint/Ruiz/Noiry chez Dupuis dans le tome 5 à paraître chez Dupuis

 

Plus qu’une bonne critique d’un journaliste ?

Ça, c’est très comique. Avec ce tome 4, vu que des auteurs qui ont la carte y ont contribué, les critiques se sont intéressés à la série. Ainsi, on m’appelle plus souvent pour me poser des questions. Puis quand je lis des critiques, je vois que « Magic 7 franchit un nouveau palier ». Ce n’est peut-être pas faux mais moi, je n’en ai pas l’impression.

Un album-charnière quand même ?

Dans le sens où il répond à énormément de questions, peut-être. Mais il en pose plein d’autres.

 

 

 

 

Recherches pour un des récits du tome 4 © Beroy

 

Que nous promet la suite, du coup ?

Le tome 5, en octobre, le 6 au printemps. Léo rentre de vacances qui, nous l’avons vu dans le 4, ne se sont pas très bien passées et avec un élément neuf qui lui fait remettre en cause la nécessité et le but des Magic 7. Leur association tient-elle encore debout ? Quelle va être leur réaction ?

 

 

 

 

© Toussaint/Ruiz/Noiry chez Dupuis dans le tome 5 à paraître chez Dupuis

 

Dans le reste de l’actu, j’ai pas mal d’autres choses à venir. En septembre, le troisième tome de Holly Ann, avec Stéphane Servain. Nous sommes partis sur cinq tomes, au moins.

 

 

 

 

© Toussaint/Servain chez Casterman

 

En novembre puis mai, il y aura le diptyque 40 Éléphants chez Grand Angle avec Virginie Augustin, avec qui je suis tellement heureux de collaborer. Nous nous retrouverons dans le Londres des années 20 en compagnie du premier gang de femmes, adepte des braquages et des vols, qui s’était donné le nom des Forty Elephants, en référence aux Quarante voleurs. Nous allons remettre cela dans ce contexte de sortie de la guerre. Les femmes ont pris la place des hommes et quand les hommes reviennent, ils comptent bien reprendre leur vie comme avant. Les femmes, elles ne l’entendent pas de cette oreille. C’est l’occasion d’aborder des thèmes comme les suffragettes, l’émancipation des femmes…

 

 

 

 

© Toussaint/Augustin


 

Il y aura aussi Brûlez Moscou qui est en préparation avec Stéphane Perger qui est, je le confirme, une machine de guerre. Nous nous immiscerons dans le climat de la prise de Moscou par Napoléon sans traiter ça du point de vue de l’Histoire pure et dure. Nous sommes curieux de voir les réactions.

 

 

 

 

© Stéphane Perger


 

Enfin, comme Kenny Ruiz est arrivé sur Magic 7, série en cours, je vais lui offrir sa série avec Télémaque. Fan de l’Odyssée et de l’Illiade, je n’ai jamais retrouvé tout ce que j’aimais dans les adaptations jusqu’ici. Du coup, je fais ma propre adaptation de la vie du fils d’Ulysse. Avec du respect mais aussi de l’humour, des surprises. Un peu Game of thrones, m’a-t-on dit. Je ne sais pas, je ne regarde pas ! Ce sera une série jeunesse.

Que de projets prometteurs. Merci Kid !

 

Propos recueillis par Alexis Seny



Publié le 22/06/2017.


Source : Bd-best

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