« - C’en est assez ! Tout cela est hors de propos… Si nous sommes réunis ce soir, c’est avant tout pour savoir ce qu’il en coûte d’enfreindre nos interdits encore et encore.
- Oui, nous devons reconnaître que nous n’avons plus d’influence sur cette jeune, et cette nouvelle récidive met le conseil dans une position très délicate.
- Ainsi, devant tous, ce soir, nous vous soumettons le jugement suivant : toi, Rameau des Mille Feuilles, tu es exclue du bois ! Tu vivras désormais en exil. Mais si tu regrettes tes actes et que tu souhaites revenir au sein de la communauté, alors tu devras prouver ta bonne foi. Pour cela, il te faudra découvrir par toi-même pourquoi ces géants que tu aimes tant ont le cœur malade.
- Et pourquoi ils font le mal autour d’eux.
- Si tu ne trouves pas la réponse à cette question, alors tu devras rester en exil, hors des limites du bois, pour toujours… »
Rameau a bravé les interdits du petit peuple de la forêt auquel elle appartient. S’étant trop approchée du monde des humains, elle est envoyée dans leur civilisation afin de se rendre compte du danger qu’ils représentent. Rameau ne sera pas seule dans son périple. Un vieux sage aveugle décide de l’accompagner. L’homme est coiffé d’une grenouille qui a une dette envers lui et lui sert d’yeux. C’est ainsi que sur le dos de divers animaux, ils vont rejoindre la capitale britannique.
© Phicil - Soleil
Le grand voyage de Rameau est un album qui porte bien son nom. Le lecteur n’est en aucun cas trompé sur la marchandise. Phicil emmène ses personnages et ses lecteurs dans une odyssée à la Nils Holgersson de la campagne anglaise jusqu’aux ruelles londoniennes. Le récit comporte pléthore de références victoriennes: Lewis Carroll, Oscar Wilde et Jack l’éventreur sont parmi les plus célèbres. On découvre aussi d’autres personnalités moins connues du grand public comme l’écrivain révolutionnaire William Morris.
Dès que l’on met en scène un petit peuple, on ne peut s’empêcher de penser à Pierre Dubois, elficologue distingué, qui a notamment écrit pour René Hausman. On y retrouve quelques « codes » qui ont fait le sel de ses histoires. Nul doute qu’il apprécierait celle-ci.
© Phicil - Soleil
Graphiquement, Phicil fait partie d’une mouvance allant de Guillaume Bianco à Grégory Panaccione, avec quelques incursions chez Anne Montel. Les grandes cases permettent de s’immerger à hauteur de Rameau, presque comme si on vivait l’aventure à sa hauteur. A Londres, Phicil intègre ses personnages dans quelques tableaux de maîtres dont il se sert de décor. Mc Neill Whistler et Monet participent ainsi au voyage. D’autres cases sont inspirées d’illustrateurs de renom comme John Bauer ou Gustave Doré.
Phicil a conçu son album comme bien plus qu’une bande dessinée. Il ose une introduction narrée, illustrée, à la manière de l’incipit du Seigneur des Anneaux, plaçant le petit peuple dans son contexte. Il en est de même pour la forme de l’épilogue.
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Que dire du magnifique travail éditorial des éditions Soleil sur cet album ? La collection Métamorphose est déjà soignée, mais ce pavé de 216 pages est particulièrement beau. Les directrices de collection Barbara Canepa et Clotilde Vu, ainsi que les maquettistes, présentent un ouvrage magnifique. L’écrin est à la hauteur de l’histoire.
Laurent Lafourcade
One shot : Le grand voyage de Rameau
Collection : Métamorphose
Genre : Aventure fantastique
Scénario, Dessins & Couleurs : Phicil
Éditeur : Soleil
Nombre de pages : 216
Prix : 26 €
ISBN : 9782302090170
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