« - Tu sais, Edgar, plutôt que de dépenser, on ferait mieux de penser à une manière de gagner notre vie. Si on s’inscrivait à l’Académie par exemple ! Depuis le temps qu’on en parle !
- Pourquoi pas… Je ne suis pas aussi doué que toi pour le dessin… Mais bon… Du moment qu’on ne m’empêche pas d’aller voir des films ou d’assister à des représentations d’opéra ! Ça me va !! »
1921, Edgar Pierre Jacobs et son ami Jacques Van Melkebek prennent une bière chez Leopold à Bruxelles. Les temps sont durs pour les deux jeunes hommes à la recherche d’entrées d’argent régulières. Jacques est passionné de dessin. L’Académie Royale des Beaux-Arts est faite pour lui. Quant à Edgar, il rêve d’opéra. Chanter sur scène, voilà son destin. Mais Edgar est passionné par tous les Arts, que ce soit les Arts antiques qu’il admire dans les Musées ou les arts graphiques. Rattrapé par son talent dans ce dernier domaine, à la faveur de rencontres, son destin l’amène vers le dessin. Edgar passe de l’art lyrique au dessin publicitaire et à l’illustration. 1941, Jacques lui présente un certain Hergé, qu’il assistera. 1942, la guerre empêchant les planches des auteurs américains d’arriver en France, Jacobs se verra proposer de remplacer Alex Raymond. Ainsi naîtra Le rayon U. 1946, c’est avec la naissance du journal Tintin que Blake et Mortimer font leur apparition dans Le secret de l’Espadon.
© Wurm, Rivière, Bekaert - Glénat
La vie de Jacobs est si riche que l’auteur a tout d’un héros de bande dessinée. Le scénariste François Rivière s’est entretenu des heures durant avec lui. Si quelqu’un connaissait bien l’ermite du Bois des Pauvres, c’est bien lui. Il était donc l’homme idéal pour raconter sa vie et faire qu’elle se lise « comme un roman ». On croisera bien sûr Laudy et Hergé, mais aussi Franquin et Martin, Leblanc et Duchâteau, pour ne citer qu’eux. La véritable surprise de l’album ne vient pas tant de Jacobs dont bon nombre de lecteurs connaissaient les grandes lignes de la vie, pas tant non plus de François Rivière qu’on savait excellent scénariste (Albany en particulier), mais de Philippe Wurm. Si le dessinateur n’en est pas à son coup d’essai, il publie depuis 1988, il est la révélation de ce Rêveur d’apocalypse. Wurm donne une ahurissante leçon de ligne claire. L’introduction est merveilleuse. Le final est magistral. Le cœur de l’album est un envoûtement.
© Wurm, Rivière, Bekaert - Glénat
En complément à cet album, on ne peut que conseiller la lecture de deux ouvrages indispensables. Le fouillé Edgar P.Jacobs, un pacte avec Blake et Mortimer, signé François Rivière et Benoît Mouchard paru aux Impressions Nouvelles, raconte dans le menu détail la vie privé et publique de Jacobs. Dans un autre style, l’intimiste Mystère Edgar P.Jacobs, livre signé Jean Knoertzer aux éditions Maïa, permet de pénétrer dans l’intimité du maître, de visiter sa maison, de partir en vacances et d’admirer des expositions avec lui, à travers de nombreuses photos inédites et documents, de découvrir sa vie et ses projets.
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Grâce à Wurm et Rivière, on a vraiment l’impression d’avoir partagé la vie de Jacobs, de l’avoir côtoyé. Jacobs rêvait d’apocalypses. Son œuvre a fait rêvé, fait rêver et fera rêver des générations de lecteurs, à travers ses livres et ceux de ses repreneurs. Par Jacobs, demeure !
Laurent Lafourcade
One shot : Edgar P. Jacobs le rêveur d’apocalypses
Genre : Biographie
Scénario : François Rivière
Dessins : Philippe Wurm
Couleurs : Benoît Bekaert
Éditeur : Glénat
Nombre de pages : 144
Prix : 22,50 €
ISBN : 9782344003916
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