« - Un paquet recommandé pour vous, Madame Prune.
- Dites-moi, Madame l’hôtesse, vous l’attendiez ce paquet ?
- Ma foi, non, Monsieur Poche.
- Attendez pour l’ouvrir ! Pas d’imprudences, Madame Prune ! Répondez-moi franchement, vous connaissez-vous des ennemis ? Etes-vous certaine que personne ne veut votre perte ?
- Vous me faites peur, Monsieur Poche ! »
Quand on a des amis comme Monsieur Poche, pas besoin d’ennemi. Sa dame de maison, Madame Prune, si elle ne s’en était pas rendu compte avant, en prendra conscience lorsqu’elle recevra ce paquet qui, vous vous en doutez, s’avèrera anodin. Sacré, Monsieur Poche. Le bonhomme est « bonhomme ». Gaffeur, il n’est pas très futé. Sûr de lui, il est hautain. En un mot, il est con, au sens noble du terme, celui de la chanson et du temps de Georges Brassens.
Monsieur Poche est le prototype du célibataire quinquagénaire urbain. Un beau jour, il reçoit par la poste un énorme cadeau de son oncle d’Océanie : un kangourou bien plus fin que lui qui sera baptisé Salsifis. Le petit monde de Monsieur Poche est balisé de personnages secondaires au premier rang desquels on trouve Ratafia, jeune garçon des rues auquel le lecteur peut aisément s’identifier. Son pendant féminin est Kiti, permettant aux petites lectrices de se sentir également concernées.
Les gags de Poche sont à remettre dans leur contexte historique. La bande dessinée en est à ses balbutiements et peu de publications s’adressent directement à la jeunesse. Il est donc complexe mais nécessaire de se mettre dans l’esprit d’un enfant de l’entre-deux-guerres pour lire la série. Pour le lecteur d’aujourd’hui, les situations sont souvent simplettes et rarement drôles. Poche part à la chasse. Il a pensé à tout, sauf qu’on était lundi, jour de fermeture des marchands de gibier. Ratafia se moque de Poche qui rate sa boule au croquet. Ce dernier lui colle une gifle, lui demandant si celle-là il l’avait manqué. Ouaf ! Ouaf ! Pourtant, il y a dans cette collection de gags des années 30 une magie incompréhensible qui en rend la lecture fluide et agréable.
En octobre 1934, Monsieur Poche succède à Zig et Puce dans les pages de l’hebdomadaire Dimanche illustré. Hachette en extraira quatre albums en fin de décennie.
Avec Poche, Alain Saint-Ogan se moque du petit bourgeois casanier se complaisant dans sa situation de privilégié dans la société.
Qu’aurait été Hergé sans Alain Saint-Ogan ? L’homme qui a donné son nom à la première récompense du festival d’Angoulême, les statuettes étant nommées des Alfred du nom du pingouin de Zig et Puce, chose qui n’aurait jamais dû s’arrêter, est aujourd’hui un peu trop oublié. Et pourtant, il fait partie des auteurs de la grammaire du 9ème art. Si l’auteur est écarté des radars, c’est certainement parce que son humour est désuet. Mais quel charme ! Et si l’on parle encore de Zig et Puce, seuls les férus de l’histoire de la bande dessinée connaissent Monsieur Poche.
Les éditions Revival rendent hommage à ce personnage qui n’a aucun rapport avec le Docteur du même nom créé par Wasterlain. L’album est composé de 157 planches issues non seulement des albums Hachette mais aussi de planches parues dans la presse de l’époque et numérisées par le musée de la bande dessinée d’Angoulême. Les pages sont en bichromie : noir et rouge. Une préface de Julien Baudry présente l’auteur et la série. En postface, on peut lire un texte de Greg rendant hommage à son mentor. On ne peut d’ailleurs pas s’empêcher de penser à Achille Talon en lisant Poche.
La maquette de la collection dans laquelle on trouve diverses productions aussi diverses que variées tant au niveau des époques de parutions que du genre des récits n’est pas des plus originales. Le contenu des livres l’est tellement qu’on aurait aimé qu’elle le soit plus.
Poche méritait amplement d’être remis ainsi sur le devant de la scène. Au fait, le bougre ne serait-il pas le tout premier anti-héros de la bande dessinée ?
Laurent Lafourcade
One shot : M.Poche
Genre : Humour désuet
Scénario & Dessins : Saint-Ogan
Éditeur : Revival
Nombre de pages : 174
Prix : 29 €
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