« - Bonjour, ça va bien ?
- Ouais, tranquille.
- Vous en amenez combien, cette fois ?
- Sept, pas de femme mais un mineur.
- Oh putain, on va le mettre où ? Ça explose ici ! Bon, on sépare. Vous faites descendre le mineur en premier. »
Ben N’kante a dix-sept ans. Il vient d’arriver à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. C’est la plus grande prison d’Europe. 2857 places, mais 4484 détenus dont 97 mineurs. Cherchez l’erreur. Les flics sont venus chercher Ben dans son lycée à Noisy-le-sec. Dès l’entrée de la prison, on lui enlève ses affaires, on prend ses empreintes et on lui demande de se mettre à nu pour être certain qu’il n’introduise rien dans sa cellule. On lui donne un numéro d’écrou; ce sera sa nouvelle identité. Entre les cours le matin et les promenades, on suit le quotidien de Ben en incarcération pendant un an.
© Dautresme, Bast - Futuropolis
Isabelle Dautresme est journaliste, entre autres, au Monde. Elle est également formatrice de futurs journalistes aux techniques de l’enquête. Elle est spécialisée dans les questions d’éducation des mineurs prisonniers. Chaque année, trois mille mineurs de 13 à 18 ans sont emprisonnés en France, souvent en attente de leur jugement. A travers l’histoire fictionnelle de Ben qui synthétise la vie de plusieurs d’entre eux, Dautresme montre comment la prison aggrave sa condition. Accusé de viol en réunion, il affirme n’avoir rien fait. Il était là mais prétend ne pas avoir touché la victime. Il n’est pas intervenu non plus pour empêcher l’agression. « On m’aurait pris pour un pédé ! », se plaint-il à la juge. Avec Ben, on va assister à la sombre vie en prison, jour après jour. On assistera à des bagarres entre prisonniers et on tentera de supporter le bruit et les cris venant d’autres cellules. On va compter les jours, jusqu’à l’anniversaire des 18 ans. Mais alors, que se passera-t-il ?
© Dautresme, Bast - Futuropolis
Bast a animé un atelier BD pour mineurs à la maison d’arrêt de Gradignan en Gironde. Il l’a raconté dans « En chienneté », paru en 2013 à La boîte à bulles. Avec 17 piges, il met en image cette chronique d’une année en prison. Il montre comment l’état mental et physique de Ben se dégrade. Bast a travaillé l’album en tons sépias. Il n’y a pas de couleurs. Mais comment pourrait-il y en avoir en taule ? La seule lumière colorée qu’il aurait pu y avoir c’est quand le regard de Ben croise celui de sa mère au Palais de Justice, une scène que Bast retranscrit dans un instant suspendu, comme si les acteurs voulaient que cette seconde ne s’arrête jamais.
© Dautresme, Bast - Futuropolis
Dans un dossier final détaillé et objectif, Isabelle Dautresme montre les dégâts de l’incarcération en quartier pour mineurs ou en établissement pénitentiaire pour mineurs et explique que l’enfermement doit être une solution de dernier recours. Le droit à l’éducation n’est pas toujours respecté dans les établissements. Le taux de récidive des jeunes est élevé. Enfin, la journaliste expose la réforme de la justice des mineurs décrétée en septembre 2021.
On pourrait regretter la fin très abrupte du récit mais les auteurs ont respecté le cahier des charges qu’ils se sont imposés au départ : les 17 piges. On voudrait à présent connaître la suite de la vie de Ben. Si la prison s’est refermée, on a envie qu’une suite s’ouvre.
Laurent Lafourcade
One shot : 17 piges Récit d’une année en prison
Genre : Reportage
Scénario : Isabelle Dautresme
Dessins & Couleurs : Bast
Éditeur : Futuropolis
Nombre de pages : 128
Prix : 20 €
ISBN : 9782754829052
©BD-Best v3.5 / 2024 |