« - Ma perception de la planche réussie n’a pas changée avec le temps. Je garde à l’esprit tous les bons conseils de Franquin, mais il est clair que la façon de dessiner de la BD a évolué. Si je reste d’un grand classicisme, je me suis quelque peu adapté, aidé par le découpage de Stéphan Colman, notamment. Mais l’essentiel - la géométrie, l’efficacité, le dosage des expressions - suit la ligne franquinienne. »
Quand, en 1996, Franquin prédit à Batem qu’il aura des années de plaisir à dessiner et inventer des histoires pour faire rire et sourire bon nombre de lecteurs, son successeur ne se doutait pas que vingt-six plus tard, il y serait encore. A l’époque, Batem dessine le Marsupilami depuis déjà neuf ans. Batem a adopté le Marsupilami depuis déjà trente-cinq ans ! Ce n’est pas parce qu’on prend la suite d’un des meilleurs dessinateurs du monde qu’on est condamné à rester dans son ombre. En association, les éditions Dupuis et Champaka offrent à Batem une rétrospective sur sa carrière au dessin de l’animal bondissant dans un magnifique livre. Batem n’est pas que l’auteur du Marsupilami, mais c’est sa vie en tant que père adoptif de la bête qui nous intéresse ici.
© Batem - Dupuis / Champaka
Lorsqu’en 1968, Franquin abandonne Spirou et Fantasio, il a l’idée de génie de garder les droits du Marsupilami, personnages qu’il a créé. Il l’animera pendant quelques gags et histoires courtes, mais le succès de Gaston l’empêchera d’exploiter le Marsu comme il le méritait. En 1987, il prit donc Luc Collin alias Batem sous son aile pour lancer une série-titre autour de l’animal, avec Greg au scénario. Le chasseur Bring M.Backalive allait avoir du souci à se faire. Yann prendra la suite de Greg au troisième épisode en mettant en vedette un Marsupilami noir. Suivront d’autres scénaristes comme Xavier Fauche et Eric Adam, Batem lui-même, Olivier Saive, Vincent Dugomier, puis depuis quinze albums Stéphan Colman.
Le Marsupilami ne s’est pas contenté d’une carrière en bande dessinée. Séries de dessins animés, adaptation live, tout cela a rythmé la carrière de Batem. Entre model sheet, bible graphique pour les producteurs de dessin animé, et mise en BD du film d’Alain Chabat : Sur la piste du Marsupilami, Batem n’a pas eu le temps de s’ennuyer.
© Batem - Dupuis / Champaka
Après une première partie consacrée à la carrière palombienne de Batem, la suite survole les albums un par un. Planches originales en noir et blanc, cases agrandies, illustrations en couleurs directes, la qualité d’impression éditoriale est remarquable. Au milieu de tout ça, Batem fait des clins d’œil à l’art dans des dessins façon estampe japonaise, à la Kandinski ou bien Miro. Même si l’histoire fusionnelle entre Batem et le Marsupilami est loin d’être terminée, un chapitre de conclusion aurait été bienvenu pour parfaire ce splendide livre d’art.
© Batem - Dupuis / Champaka
Batem Le Marsupilami Une vie en dessins est un Artbook indispensable à tous les amoureux de l’école Franquin. Enfin un livre rend hommage au travail fidèle et rigoureux de Batem, celui qui a été adoubé par le Maître en personne.
Laurent Lafourcade
Série : Une vie en dessins
Tome : Batem Le Marsupilami
Genre : Artbook
Éditeur : Dupuis / Champaka
Nombre de pages : 256
Prix : 45 €
ISBN : 9782390410140
« - Je suis le maître de ce château et vous aurez à répondre de vos actes !
- Vous faites erreur mon cher, le Seigneur de ce château, c’est moi !
- D’ailleurs… Je le suis aussi !!!
- Ainsi que moi au féminin, bien entendu !
- Et le Duc l’était avant de chuter de la tour !
- J’ai par devers moi un parchemin qui prouve que…
- Le Roi vous a fait cadeau du château comme à nous tous ! »
En route pour le château qu’il vient de recevoir en cadeau par le Roi, Percevan, accompagné de son fidèle compagnon Kervin, tombe sur un vieil homme courant dans la forêt. Ce mécréant s’est enfui du château. C’est du moins ce que disent les gardes qui arrivent et qui comptent bien le ramener contre son gré. Percevan se présente aussitôt comme propriétaire du château. Il apprend que les lieux ont également été « offerts » à quatre autres personnes : le Duc de Rochecombes, le Seigneur de Blorimond, le mage Mabon et la Comtesse Cordille. Lorsque le Roi débarque, il leur annonce que le château sera à celui qui retrouvera, la couronne de Konogan, premier Roi de ce Royaume et qui ne le fut que le temps d’un crépuscule. Entre sortilèges et malédictions, Percevan va se trouver au cœur de bien des convoitises.
© Luguy, Léturgie, Rypert - Editions du Tiroir
Après une histoire très voire trop classique (La magicienne des eaux profondes), Percevan revient dans un excellent épisode. Les poncifs de la série sont au rendez-vous : de l’heroïc-fantasy avec, non pas tant des créatures fantastique, mais de la magie, beaucoup de magie et de sorcellerie. Pour autant, les auteurs n’ont pas tenté de faire rentrer avec des forceps tous les personnages de la série comme ça a pu être le cas dans certains tomes. Pas de Mortepierre et Polémic par exemple. On les retrouvera plus tard avec encore plus de plaisir.
Percevan n’a jamais été un simple héros spectateur. Jean Léturgie n’a jamais hésité à lui faire mouiller sa tunique. Là encore, et peut-être plus que d’habitude, Percevan est impliqué personnellement dans l’aventure. Il est au même niveau que les éphémères personnages secondaires avec qui il recherche la fameuse couronne. Il risque autant qu’eux. Il n’a pas de super-pouvoirs qui lui permettront plus que les autres de franchir les obstacles. Il est peut-être tout simplement plus intelligent que certains, étant capable de faire le choix de la raison plutôt que celui du profit.
© Luguy, Léturgie, Rypert - Editions du Tiroir
Le trait de Philippe Luguy est toujours aussi minutieux. Il a toujours privilégié la qualité à la quantité. 17 albums en quarante ans. On ne peut pas dire que l’auteur soit prolifique. Mais quel plaisir à chaque fois de pénétrer dans de sombres forêts sombres, d’entrer dans des châteaux somptueux ou délabrés par le temps.
Luguy glisse plusieurs clins d’œil dans cet album. François Walthéry apparaît en guest star, gardien de geôle. Le délire de Kervin avec le chaudron a un petit goût de celui d’Obélix dans Les 12 travaux d’Astérix. Quand l’appétit va, tout va ! Enfin, la petite fille de l’exorciste joue dans le final inquiétant.
© Luguy, Léturgie, Rypert - Editions du Tiroir
La sombre couronne du crépuscule offre à Percevan un retour brillant. Rubine, Caroline Baldwin, Percevan : démontrant que le patrimoine n’est pas une affaire du passé, les éditions du Tiroir sont le nouvel écrin de séries qui ont passionné des milliers de lecteurs.
Laurent Lafourcade
Série : Percevan
Tome : 17 - La couronne du crépuscule
Genre : Heroïc-Fantasy
Scénario : Jean Léturgie
Dessins : Philippe Luguy
Couleurs : Fabien Rypert
Éditeur : Editions du Tiroir
Nombre de pages : 48
Prix : 12 €
ISBN : 9782931027400
« - Très bien ! Si vous avez décidé de me faire payer pour cet accident, je suis sans défense. Tout bon gentleman sait qu’il se doit d’éviter une scène. Donnez-moi votre prix. D’accord, cent livres pour la famille. Attendez-moi un moment devant cette porte.
- J’espère qu’il ne se moque pas de nous.
- Ne vous en faites pas, il ne pourrait pas aller bien loin.
- Un chèque signé par le Docteur Jekyll ? Comment savoir que ce n’est pas un faux? Et vous, qui êtes-vous ?
- Maintenant, vous savez où j’habite. Le Docteur Jekyll répond de moi. Mon nom est Edward Hyde. »
Londres, le Docteur Jekyll semble protéger Edward Hyde, un sombre bonhomme. Ce type vient de molester une pauvre gamine qui l’a heurté au détour d’un angle de rue. Un bon chèque fera bien taire la famille. Un autre jour, ce Hyde embrasse de force une femme avant de fracasser une bouteille sur la tête d’un homme qui tente de le raisonner. En fait, Jekyll et Hyde ne font qu’un. Une potion préparée par le Docteur Jekyll transforme le timide médecin en un type abject osant tout. Le jour où Monsieur Utterson, notaire londonien, va voir son ami Jekyll pour qu’il prenne enfin conscience de la mauvaise fréquentation qu’est Hyde, il trouve un cadavre et une lettre. C’est une lettre confession qui avoue que le Docteur Jekyll et Mister Hyde sont une seule et même personne.
© Alba - Bang
Ce n’est pas la première fois que la nouvelle de Robert Louis Stevenson est adaptée en bande dessinée. Guido Crepax l’a fait, ainsi que Lorenzo Mattotti. Il y a pire comme références. L’espagnol Tyto Alba s’y frotte avec élégance. Dans un style proche de Jean Harambat, il fait ressortir toute l’essence psychologique du récit. L’album est divisé en deux parties. La première est relativement classique. La bourgeoisie britannique s’étonne et s’inquiète des agissements d’un homme en noir qui bafoue la bienséance et le respect. Le deuxième acte est remarquable. Tyto Alba s’approprie le duo maudit pour le retranscrire en dessin. Une planche met deux cases en miroir montrant la face cachée de Hyde. Une case démontre que la tête de Jekyll est occupée par plusieurs entités multiples, antinomiques et autonomes. L’un est le complément de l’autre, comme le jour et la nuit, comme le yin et le yang. L’autre sort des entrailles de un comme si ses boyaux hurlaient. Tout ça, Tyto ne le raconte pas qu’avec des mots, il le concrétise en dessin. On rêverait de le voir adapater ainsi Le Horla de Maupassant.
© Alba - Bang
L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde, titre originel donné par Stevenson, a été également adapté à la télévision, au théâtre et au cinéma, soit in extenso, soit en en reprenant les personnages, avec plus ou moins de réussite. Une de ces adaptations se détache des autres. Elle n’a pas eu le succès qu’elle méritait. Il s’agit de Mary Reilly, l’excellent film de Stephen Frears, avec John Malkovich dans le double rôle et Julia Roberts dans celui de sa servante.
© Alba - Bang
Ça fait quelques années que les éditions Bang nous font découvrir différents auteurs espagnols. La bande dessinée ibérique est en grande forme. Bang s’attaque à présent aux classiques revisités. Si les titres suivants sont de la même trempe que Jekyll & Hyde, cela promet une bien belle collection.
Laurent Lafourcade
One shot : Jekyll & Hyde
Genre : Fantastique
Scénario, Dessins & Couleurs : Tyto Alba
D’après : Robert-Louis Stevenson
Traduction : Léa Jaillard
Éditeur : Bang
Collection : BD classique
Nombre de pages : 52
Prix : 15 €
ISBN : 9788413714172
« - Calme-toi, Brutus !
- Me calmer alors que ma mère meurt d’avoir porté cette perle ?! Tu ne la reconnais pas ?!
- Bien sûr que si, c’est la « perle de feu » ! C’est bien moi qui la lui ai offerte autrefois. Je revenais de la guerre des Gaules… Il y avait des mois que nous ne nous étions pas vus… Elle est toujours aussi lourde, aussi chaude aussi… Est-ce qu’il y a toujours cette petite flamme à l’intérieur qui brille dans la nuit ? »
Rome, nuit d’orage. Une pluie diluvienne s’abat sur la capitale. Servilia est réveillée par le pendentif de son collier qui la brûle. Affolé, son fils le lui arrache et va voir son père. Ce fils, c’est Brutus. Son père s’appelle César. C’est lui qui a offert le bijou à sa maîtresse Servilia. Quelqu’un aurait-il empoisonné le joyau afin de cibler César ? Brutus est décidé à retrouver les coupables. Son père choisit deux hommes de confiance, loyaux et courageux, pour partir avec lui : Alix et Enak.
© Mangin, Millien, Martin - Casterman
Direction Massilia. C’est dans cette vieille ville grecque que César a acheté la perle de feu. Le trio y débarque en toute discrétion. « La cité a été conquise il n’y a pas longtemps et beaucoup doivent encore en vouloir aux Romains. » explique Alix. La situation est plus complexe que cela. Les grecs en veulent surtout aux légions de César car ce dernier a pris le parti de Pompée pendant la guerre civile. Alix et ses compagnons vont réveiller les foudres des orfèvres de la mort dans une course poursuite qui va les mener jusqu’en Crète.
© Mangin, Millien, Martin - Casterman
Valérie Mangin, l’incroyable scénariste de l’excellent Alix Senator, se frotte aux aventures du héros de Jacques Martin dans la série classique. Elle y instille tout le dynamisme de ses récits sur un fond historique précis. Alix n’est pas un héros avec lequel on peut faire n’importe quoi et elle l’a très bien compris, quitte à parfois semer le trouble aux frontières d’un fantastique tangent. Martin lui-même l’a fait avec des albums comme Le Dieu sauvage. Ce n’est pas étonnant que ce soit l’épisode préféré de Valérie Mangin. L’œil du Minotaure bénéficie d’une construction scénaristique impeccable. Pas un temps mort. L’action et la tension montent crescendo jusqu’à un final grandiose.
Nouveau venu dans la famille Alix, Chrys Millien adopte un graphisme époque milieu de carrière de Jacques Martin. Les visages sont fidèles. Les décors sont minutieux. Les cases sont peut être un peu plus zoomées, ce qui nous rapproche de l’habillage d’Alix Senator. Et cela n’est certainement pas innocent car le prochain Alix Senator ramènera Alix sur les traces du Minotaure. Millien n’a pas eu la tâche facile. Il s’en sort avec brio dans des scènes parfois très compliquées à représenter comme celle où Alix est pourchassé par un troupeau de taureaux en tentant de rattraper Deucalion et son masque de Minotaure.
© Mangin, Millien, Martin - Casterman
En voyant Alix face au Minotaure, on ne peut s’empêcher de penser à un autre héros mythique qui l’a affronté et qui mériterait lui aussi un aussi bon revival : Papyrus, de Lucien De Gieter. Qui sait ? Cela donnera peut-être des idées. En attendant, Alix est en forme, en très grande forme, ce qui prouve que les héros sont éternels.
Laurent Lafourcade
Série : Alix
Tome : 40 - L’œil du Minotaure
Genre : Histoire Antiquité
Scénario : Valérie Mangin
Dessins & Couleurs : Chrys Millien
D’après : Jacques Martin
Éditeur : Casteman
Nombre de pages : 48
Prix : 11,95 €
ISBN : 9782203221765
« - John ?! Que vous arrive-t-il ?
- C’est une idée de génie, Mary…
- Je vous l’avais dit : je n’arrivais pas à dormir, hier soir, et mon imagination s’est mise à vagabonder… Mais c’est vous, John ! C’est vous !
- Moi ?!
- Vos expériences ! Le galvanisme, Aldini, Darwin, l’électricité ! Faire revenir des corps à la vie, créer la vie… C’est vous ! Je n’ai fait qu’imaginer la suite de vos expériences !
- Non, Mary ! Vous avez eu une idée de génie, celle de l’assemblage de membres humains ! »
1815, une femme serre dans ses bras sa fille morte. Sa jolie joue ne prolongera pas le galbe de sa poitrine gonflée. Ses grands yeux bleus ne sonderont plus le tréfonds de son âme. C’est en fait un linceul vide qu’elle tient au creux de ses mains. Sa fille est morte l’année dernière déjà. Cette femme s’appelle Mary Shelley. A-t-elle été punie d’avoir séduit un homme marié et déjà père ? Lorsque Percy lui promet d’autres enfants, elle lui répond qu’elle rêve de ramener celui qu’elle a perdu à la vie. Quatre ans plus tard, à Rome, c’est son troisième enfant qu’elle perdra. Son salut et ses espoirs viendront de John Polidori dont elle s’éprendra. Il a réussi à donner la vie à des tissus morts grâce au courant électrique. Mais à jouer avec la vie, on risque d’atteindre les frontières de la folie.
© Pelaez, Puerta - Ankama
Philippe Pelaez poursuit sa trilogie à rebours qui a débuté par un Zaroff dont l’action se passait en 2019 et s’est poursuivie en 1848 avec Moreau, l’histoire d’un savant fou se prenant pour un dieu et qui joue avec les manipulations génétiques. Avec Shelley, il prend en otage l’autrice de Frankenstein pour justifier toutes les expériences humaines menées dans les histoires précédentes. Il en donne ainsi une toute autre lecture. Si le scénario de Pelaez semble parfois abrupt, on en lit une autre dimension lorsqu’on le resitue dans la trilogie Maudit sois-tu. Si les trois albums peuvent être lus indépendamment, tout l’intérêt est cette trilogie qu’ils constituent.
© Pelaez, Puerta - Ankama
Carlos Puerta joue dans l’hyperréalisme. Et comme l’histoire flirte avec le fantastique, tout en gardant un côté scientifique, le résultat n’en est que plus efficace et inquiétant. La scène du cobaye recevant l’impulsion électrique dans la cuve est particulièrement impressionnante. Puerta va jusqu’à représenter une éblouissante lumière divine à travers un vitrail ensoleillé. Lorsque le révérend dit à John Polidori : « Je ne peux que vous consoler, pas vous pardonner, seul Dieu le peut. », on lit sur le dessin la confirmation du créateur. Le final en mer est digne des meilleures planches maritimes d’un Follet ou d’un Lepage. Un cahier graphique final montre les couvertures de la trilogie à l’état de crayonnés.
© Pelaez, Puerta - Ankama
Maudit sois-tu est une série qui donne envie de se replonger dans toutes les références dont elle se nourrit. Elle prouve la puissance de ces œuvres. Les bonnes histoires ne traversent pas les époques pour rien. Maudit sois-tu est aussi une série qui se relit, en l’occurrence en sens inverse de parution pour mieux comprendre les conséquences des actes des personnages sur leurs avenirs.
Laurent Lafourcade
Série : Maudit sois-tu
Tome : 3 - Shelley
Genre : Fantastique
Scénario : Philippe Pelaez
Dessins & Couleurs : Carlos Puerta
Éditeur : Ankama
Nombre de pages : 64
Prix : 15,90 €
ISBN : 9791033512967
« - Aaah ! Ça avance bien ! Déjà 15 vœux de ma liste accomplis. Je ne pensais pas que ça irait aussi vite ! En continuant comme ça, on devrait pouvoir arriver à 100 en un mois !
- Si c’est pour se faire bouffer par les zombies aussitôt fait… j’ai du mal à m’en réjouir... »
Akira, Kenichiro et Shizuka poursuivent leur périple à travers un Japon gangréné par une invasion de zombies. Akira Tendo, 24 ans, ancien employé d’une entreprise esclavagiste, a dressé la liste des 100 souhaits qu’il espère réaliser avant de mourir. Libéré de la dictature d’un chef de service toxique, les hordes de créatures qui errent ça et là ne lui font pas peur tellement il est soulagé de goûter à une liberté, qui a ses limites, certes, mais une liberté nouvelle. Avec ses camarades le fantasque Kenichiro et la raisonnée Shizuka, Akira tente de rejoindre le village de ses parents à bord d’un camping-car.
© 2019 Haro ASO, Kotaro TAKATA
© KANA 2021
Les auteurs Haro Aso et Kotaro Takata réalisent dans ce quatrième volume quatre vœux de leur héros, à savoir : manger des sushis dans un bon resto, se baigner dans des sources thermales chaudes, construire une maison dans les arbres et rejoindre son village d’enfance pour passer du bon temps en famille. Au passage, il sera initié au SUP Yoga et fera la fête dans un cabaret burlesque. Les auteurs adjoignent au trio un quatrième membre. Aux côtés de la brune, il fallait bien une blonde. Voilà que débarque Béatrix Amerhauser, une allemande passionnée de culture japonaise. Kyoto, le mont Fuji, la cérémonie du thé, l’ikebana, tout cela n’a aucun secret pour elle. Loin d’être réservée, elle est à 100 bucket list of the dead ce que Michonne est à Walking Dead. L’étudiante n’a pas peur de dessouder du zombie.
© 2019 Haro ASO, Kotaro TAKATA
© KANA 2021
Il y a tous les codes du manga dans cette série, de scènes hyper réalistes façon Seinen à des expressions de visages démesurées kawaï Shojo. On passe par tous les sentiments. Les apparitions des inquiétants zombies sont contrebalancées par le recul qu’ont les personnages sur ce qui leur arrive. Beatrix, loin d’être pudique, ne laisse pas Akira et Kenichiro de marbre. Ce dernier n’hésite pas non plus à exhiber ses petites fesses rebondies. On voit là tout l’humour spécifique japonais sur le sujet. Le tout n’est jamais vulgaire et reste toujours très drôle.
© 2019 Haro ASO, Kotaro TAKATA
© KANA 2021
100 bucket list of the dead est le meilleur remède au burn out. Elle démontre que dans les situations les plus périlleuses, il y a toujours moyen de s’évader. On n’attend plus qu’une adaptation en anime pour donner à la série la dimension supplémentaire qu’elle mérite.
Laurent Lafourcade
Série : 100 bucket list of the dead
Tome : 4
Genre : Zombies
Scénario : Haro Aso
Dessins : Kotaro Takata
Éditeur : Kana
Collection : Big Kana
Nombre de pages : 160
Prix : 7,45 €
ISBN : 9782505112259
Une bonne tranche de rire, facile parfois, coquin ici et là, potache et bon enfant certainement !
Annie va à la fac et son papounet chéri la conduit à son kot … Et on ne peut pas dire que son arrivée passe inaperçue ! Ses colocs et les étudiants du kot d’en face comptent bien, dès le départ, l’entraîner dans les plaisirs de la vie estudiantine.
Malgré les recommandations très précises de son papounet, Annie n’est pas contre. Un rien naïve mais pas bigote pour autant, elle est de bonne volonté pour s’intégrer à cette nouvelle vie.
© LeON – Vincenzo Cucca - Tabou
Tout ceci à la plus grande joie de Tina et de Benji … « plus grande joie » … façon de parler, car ces 2 gai-lurons légèrement dévergondés risquent rapidement de découvrir qu’Annie aurait un « ange gardien » pour la « protéger », elle et sa moralité.
Les histoirettes se suivent sans difficultés avec néanmoins au détour de l’une ou l’autre, l’irruption très « protectrice » de cet ange gardien un peu mystérieux.
Humour sans prise de tête, saynètes cocasses, un érotisme plus que light et un minimum grivois, on sourit et s’amuse de la première à la dernière page aux mésaventures de la jeune Annie.
© LeON – Vincenzo Cucca - Tabou
LeON nous plonge dans ces caricatures d’idées reçues de la jeune provinciale débarquant à la fac et se laissant embarquer sans arrière-pensée et sans voir le mal dans des situations burlesques. C’est tellement rafraîchissant qu’on en redemanderait sans hésitation.
© LeON – Vincenzo Cucca - Tabou
Il faut reconnaître que le dessin de Vincenzo Cucca s’adapte parfaitement à l’ambiance. Différent dans son style que dans « Colonisation », il prend visiblement bien du plaisir avec son trait cartoonesque, ses couleurs vives, sa mise en page vivante et aérée. Le tout donne cette petite légèreté si agréable à l’ensemble.
Bref, une chouette petite lecture … qui nous pousserait presque à vouloir retourner à cette vie estudiantine si palpitante !
Thierry Ligot
Titre : Annie va à la fac
Editeur : Tabou
Genre : Érotique
Scénario : LeON
Dessin : Vincenzo Cucca
Nombre de pages : 48
Prix : 17,00 €
ISBN : 9782359541809
« - Tu sais, Edgar, plutôt que de dépenser, on ferait mieux de penser à une manière de gagner notre vie. Si on s’inscrivait à l’Académie par exemple ! Depuis le temps qu’on en parle !
- Pourquoi pas… Je ne suis pas aussi doué que toi pour le dessin… Mais bon… Du moment qu’on ne m’empêche pas d’aller voir des films ou d’assister à des représentations d’opéra ! Ça me va !! »
1921, Edgar Pierre Jacobs et son ami Jacques Van Melkebek prennent une bière chez Leopold à Bruxelles. Les temps sont durs pour les deux jeunes hommes à la recherche d’entrées d’argent régulières. Jacques est passionné de dessin. L’Académie Royale des Beaux-Arts est faite pour lui. Quant à Edgar, il rêve d’opéra. Chanter sur scène, voilà son destin. Mais Edgar est passionné par tous les Arts, que ce soit les Arts antiques qu’il admire dans les Musées ou les arts graphiques. Rattrapé par son talent dans ce dernier domaine, à la faveur de rencontres, son destin l’amène vers le dessin. Edgar passe de l’art lyrique au dessin publicitaire et à l’illustration. 1941, Jacques lui présente un certain Hergé, qu’il assistera. 1942, la guerre empêchant les planches des auteurs américains d’arriver en France, Jacobs se verra proposer de remplacer Alex Raymond. Ainsi naîtra Le rayon U. 1946, c’est avec la naissance du journal Tintin que Blake et Mortimer font leur apparition dans Le secret de l’Espadon.
© Wurm, Rivière, Bekaert - Glénat
La vie de Jacobs est si riche que l’auteur a tout d’un héros de bande dessinée. Le scénariste François Rivière s’est entretenu des heures durant avec lui. Si quelqu’un connaissait bien l’ermite du Bois des Pauvres, c’est bien lui. Il était donc l’homme idéal pour raconter sa vie et faire qu’elle se lise « comme un roman ». On croisera bien sûr Laudy et Hergé, mais aussi Franquin et Martin, Leblanc et Duchâteau, pour ne citer qu’eux. La véritable surprise de l’album ne vient pas tant de Jacobs dont bon nombre de lecteurs connaissaient les grandes lignes de la vie, pas tant non plus de François Rivière qu’on savait excellent scénariste (Albany en particulier), mais de Philippe Wurm. Si le dessinateur n’en est pas à son coup d’essai, il publie depuis 1988, il est la révélation de ce Rêveur d’apocalypse. Wurm donne une ahurissante leçon de ligne claire. L’introduction est merveilleuse. Le final est magistral. Le cœur de l’album est un envoûtement.
© Wurm, Rivière, Bekaert - Glénat
En complément à cet album, on ne peut que conseiller la lecture de deux ouvrages indispensables. Le fouillé Edgar P.Jacobs, un pacte avec Blake et Mortimer, signé François Rivière et Benoît Mouchard paru aux Impressions Nouvelles, raconte dans le menu détail la vie privé et publique de Jacobs. Dans un autre style, l’intimiste Mystère Edgar P.Jacobs, livre signé Jean Knoertzer aux éditions Maïa, permet de pénétrer dans l’intimité du maître, de visiter sa maison, de partir en vacances et d’admirer des expositions avec lui, à travers de nombreuses photos inédites et documents, de découvrir sa vie et ses projets.
© Wurm, Rivière, Bekaert - Glénat
Grâce à Wurm et Rivière, on a vraiment l’impression d’avoir partagé la vie de Jacobs, de l’avoir côtoyé. Jacobs rêvait d’apocalypses. Son œuvre a fait rêvé, fait rêver et fera rêver des générations de lecteurs, à travers ses livres et ceux de ses repreneurs. Par Jacobs, demeure !
Laurent Lafourcade
One shot : Edgar P. Jacobs le rêveur d’apocalypses
Genre : Biographie
Scénario : François Rivière
Dessins : Philippe Wurm
Couleurs : Benoît Bekaert
Éditeur : Glénat
Nombre de pages : 144
Prix : 22,50 €
ISBN : 9782344003916
« - J’aimerais mettre tout le monde d’accord.
- Je ne suis pas d’accord. »
Réfléchir aux grandes questions de la vie, voici le but de ce petit précis philosophique. Assis à une table en terrasse, allongé sur le divan d’un psy ou agenouillé devant leur progéniture, des hommes et des femmes assènent des sentences implacables. On ne sait pas si toutes les vérités sont bonnes à dire, là n’est pas la question, mais toutes les vérités sont dites, que ce soit par un adulte, un enfant, un chien, un miroir ou même Dieu. Tous ces acteurs ont pour seul but que de nous montrer le sens de la vie.
© Personne - Delcourt
« Miroir, miroir, qui est la plus belle ? » « Pousse-toi, tu es devant. » répond l’objet. « Pourquoi renvoie-t-il toujours la baballe ? » demande un chien à sa psy. « Le bonheur ne fait pas l’argent » annonce le milliardaire. Tout ça se fait dans un soufflement de narines. Mais qu’est-ce qu’un soufflement de narines, au juste ? C’est à la fois un réflexe physique permettant de contenir un rire, c’est aussi une manifestation du dépit. Si les situations de ce livre peuvent, pour certaines, amener à se retrouver dans la situation 2, le lecteur ne se trouvera jamais dans la situation 1. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est si drôle qu’il est impossible d’étouffer les rires qui sont provoqués.
© Personne - Delcourt
« Les gens qui font des généralités sont des cons. » « J’ai envie de tout arrêter mais je n’ai rien commencé... » « C’est important d’être sûr de soi. Enfin, je crois... » J.Personne enchaîne les strips avec sobriété. Sur des fonds de couleurs uniformes, les personnages en ombres chinoises, avec quelques touches de blanc sur leurs habits ou dans le décor, expriment leurs soufflements. De soufflements super en soufflements sur le sens de la vie, ils ont un regard, à la fois sur leur passé, et sur leur avenir. Comme un oxymore, les « Avant j’étais triste... » sont les séquences les plus drôles.
© Personne - Delcourt
Des collections d’humour qui fleurissent chez divers éditeurs, Pataquès est de loin la plus drôle. Soufflement de narines est une petite perle qui ne pouvait trouver meilleur écrin.
Laurent Lafourcade
One shot : Soufflement de narines
Genre : Humour
Scénario, Dessins & Couleurs : J.Personne
Éditeur : Delcourt
Collection : Pataquès
Nombre de pages : 96
Prix : 14,50 €
ISBN : 9782413041009
« C’est l’une des caractéristiques les plus frappantes de l’œuvre d’Hergé (…) que d’avoir été immédiatement publiée. On pourrait même dire qu’elle fut publiée avant d’être publiable. Toute sa formation se fit à découvert : sous les yeux de ses premiers lecteurs. »
Cette phrase est due à l’un des plus grands spécialistes d’Hergé : Benoît Peeters. L’homme a longuement interview le maître, connaît son œuvre sur le bout des doigts et a écrit plusieurs ouvrages sur son univers. Cette phrase résume à elle seule l’intérêt d’un ouvrage comme celui de Geoffroy Kursner. L’œuvre d’Hergé s’est forgée dans la presse. On pourrait même dire qu’elle a contribué à la formation de la presse du XXème siècle. De journaux en magazines, de revues en publications diverses, l’œuvre d’Hergé est concomitante à l’Histoire de la presse. Hergé a commencé à publier dans la presse scoute dès 1925. il n’a alors que dix-huit ans. Le Petit Vingtième, Cœurs Vaillants, L’Echo Illustré, Le Soir, ne sont que quelques uns des plus célèbres périodiques dans lesquels on a pu lire ses planches.
Geoffroy Kursner a réalisé un véritable travail de fourmi pour recenser les parutions des bandes dessinées d’Hergé dans la presse du monde entier. L’auteur aurait pu se contenter de la Belgique et de la France, voire des pays francophones. Non, on ira en Allemagne, au Portugal et même de l’autre côté de l’Atlantique. De son vivant, Hergé a été édité dans plus de trois cents journaux et revues de quarante-quatre pays. On ne parlera pas que de Tintin, mais aussi de Jo & Zette, Quick & Flupke ou Popol & Virginie. Ainsi, une première partie raconte, comme un roman, l’histoire des parutions dans la presse. La deuxième partie est plus « administrative ». Kursner y traite des aspects contractuels, techniques et promotionnels. Il ne se contente pas des publications complètes, mais aborde aussi les projets qui n’ont pas abouti. La dernière partie est un inventaire exhaustif des parutions dans la presse du monde entier du vivant d’Hergé. Un addenda propose cependant ce qui s’est passé au-delà.
© Les impressions nouvelles
L’après-guerre a été décisif dans les rapports d’Hergé avec la presse. L’abbé Norbert Wallez a usé de son réseau pour tenter de le faire publier chez Dupuis, dans Spirou. Après moultes discussions, la famille Dupuis renoncera à le publier à cause du passé peu recommandable du créateur de Tintin. La face de l’histoire de la BD franco-belge a été à deux doigts d’être fort différente de celle que nous avons connue. S’ensuivra la création du journal Tintin grâce à Raymond Leblanc. On assistera ensuite à la création des Studios Hergé, avec Bob de Moor, Edgar P.Jacobs, Jacques Martin, Roger Leloup et bien d’autres.
Les adaptations des dessins animés et des films dans la presse ne sont pas non plus oubliées, ni même les projets refusés par Hergé et/ou Casterman, pas plus que les parutions non autorisées, les plagiats et les pastiches.
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Livre d’Histoire et histoires de livres, Hergé et la presse est un ouvrage indispensable à tout tintinophile qui se respecte, ainsi qu’à tous les curieux désireux de comprendre comment s’est construite l’œuvre de celui qui a posé les bases de la bande dessinée franco-belge. Et après ça, on n’a qu’une seule envie. Relire Tintin et les autres histoires d’Hergé. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
Laurent Lafourcade
One shot : Hergé et la presse
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Geoffroy Kursner
Éditeur : Les impressions nouvelles
Collection : Réflexions faites
Nombre de pages : 616
Prix : 36 €
ISBN : 9782874499210
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