Nicolas Otero: « Mes derniers albums sont sortis de mes tripes, sans compromission, ni volonté de séduire »
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Nicolas Otero: « Mes derniers albums sont sortis de mes tripes, sans compromission, ni volonté de séduire »

Une morsure de chat et c’est toute une vie qui se trouve changée, métamorphosée entre la violence, un mal qui ronge un peu plus chaque jour et tentative de retrouver la quiétude. Sur base de sa propre expérience, Nicolas Otero livre une fiction fantastique, horrifique, entre les griffes de l’humainement inacceptable. Après le Fox-Boy de Laurent Lefeuvre, ce « Cat-Boy » dont le mal-être s’exprime par giclée de sang est un récit dont on ne ressort pas indemne. Interview de Nicolas Otero.  

Avant toute chose, qu’est-ce que c’est que cette histoire de chat qui vous est réellement arrivé ?

J’ai en effet été attaqué par un chat enragé à l’âge de quatre ans, au Maroc. Et sans la bonne réaction de mes parents qui étaient au fait de cas de rage avérés et qui ont fait pratiquer la première injection du traitement antirabique, je ne serais clairement plus là pour répondre à ces questions.

 

 

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© Otero chez Glénat

 

Quels souvenirs gardez-vous de ce drame ? Cela a changé votre vie (ou du moins votre enfance) ?

Étrangement, des souvenirs très précis, racontés dans le livre de la façon exacte dont je m’en rappelais. Quant aux changements, j’ai évité d’approcher le moindre félidé pendant de nombreuses années!!! Après, j’ai toujours été quelqu’un de sanguin, aussi loin que je me souvienne alors je ne sais pas si le fait d’avoir été infecté par ce virus a pu changer quoi que ce soit.

Ça veut dire que vous partez de cet expérience cauchemardesque mais néanmoins personnelle pour nous embarquer dans un récit de fiction et d’anti-super-héros (ou de super-anti-héros) ?

Oui, la part autobiographique étant déjà très forte, j’ai pris le parti de développer un récit plus fantastique et initiatique, tout en injectant beaucoup d’anecdotes personnelles.

 

 

 

© Otero chez Glénat

 


© Otero chez Glénat

 

À partir de quel moment, la fiction commence-t-elle du coup ?

La fiction commence après les cauchemars, et se développe lors des « transformations » du jeune personnage.

Cela faisait longtemps que vous vouliez réaliser cette histoire ?

Oui, je portais ce récit en moi depuis très longtemps, mais je ne savais pas quel axe choisir et je n’avais pas vraiment envie de dévoiler cette part autobiographique. Le temps et l’expérience ont débloqué tous les verrous…

Dès l’écriture du scénario, tout est apparu comme une évidence. Traiter de la différence, de la construction d’un être en souffrance, inadapté aux autres et pourtant plein d’amour, parler d’universalité de la souffrance…

 

 

© Otero chez Glénat

 

 

 

© Otero chez Glénat

 

Mais tout en ce faisant, vous apportez aussi une sérieuse crédibilité à votre récit en faisant intervenir, à chaque « mort » du personnage principal, un docteur émérite ? Pourquoi ? Cela vous a demandé de la documentation, j’imagine ?

Le personnage du scientifique amène une respiration dans le récit ainsi qu’une crédibilité au propos, la rage restant finalement une maladie assez mal connue. Il soulève la question de la folie potentielle de Liam, également.

Si l’on prend cette magnifique couverture, on a la surprise de découvrir votre seul nom au-dessus du titre. Après l’adaptation du Roman de Boddah, vous êtes passé auteur complet, cela vous tenait à cœur ? Le moment était venu de franchir le pas ?

J’avais déjà franchi le pas avec le livre sur Kurt Cobain, celui-ci en est le prolongement naturel. Et tout ceci correspond à une envie que j’avais depuis longtemps, j’étais enfin prêt!!!

 

 

 

 

© Otero chez Glénat

 

 

Le roman de Boddah © Otero chez Glénat

 

Est-ce aussi venu d’un désir d’ailleurs que les scénaristes avec lesquels vous travailliez ne pouvaient vous offrir ?

Peut-être, j’avais aussi besoin de renouveler mon trait et mon désir, et je voulais le faire seul, grandir par l’écriture et me faire plaisir en mettant en scène mes propres histoires, sans autre contrainte que mon exigence.

Autre stupéfaction, depuis deux albums (je pense au Roman de Boddah), on est bien loin du style auquel vous nous aviez habitués dans Amerikkka, par exemple. C’est littéralement du comics, non ?

Ça rejoint ce que je disais plus haut, ces deux albums me représentent entièrement, sans compromission, sans volonté de séduire, ils sont entiers, et sortis de mes tripes. Quant au comics, je n’ai pas analysé le truc, j’ai juste laissé glisser la plume!!!
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© Otero chez Glénat

 

Un virage pris grâce à la collection 1000 feuilles ?

Certainement, Franck Marguin, créateur et éditeur de cette collection me pousse depuis des années pour une affirmation de mon style et le fait de raconter mes histoires, je lui dois beaucoup, il a su me donner confiance.

À ce niveau, plutôt franco-belge ou comics ? Quels ont été vos premiers émois ? Et que lisez-vous aujourd’hui ?

Je lisais de tout étant plus jeune, absolument de tout, ce qui rend peut-être mon style singulier puisqu’il est le condensé de tout ça, aujourd’hui il est vrai que j’ai moins de temps pour lire de la bd et peut-être aussi un regard trop analytique pour en profiter pleinement, je dévore donc des romans, essais, nouvelles en ce moment.

Quels ont été les défis sur cet album ? Le définiriez-vous comme un tournant ?

Il n ‘y a pas vraiment eu de défi si ce n’est de se replonger dans ces douloureux souvenirs d’enfance, pour le reste j’ai vraiment pris du plaisir à faire ce livre, me rappelant sans cesse que finalement, on me payait pour faire ma thérapie alors que d’habitude c’est l’inverse!! Cette simple pensée suffisait à me donner le sourire sur mes pages.

 

 

 

© Otero chez Glénat

 

 

© Otero chez Glénat

 

Puis il y a le travail des couleurs, vous travaillez en étroite collaboration avec quelqu’un qui vous est cher si j’ai bien compris ?

Tout à fait, mon épouse que je vénère pour ce travail incroyable effectué, tant sur la couverture dont je suis littéralement dingue que pour le contenu coloré du livre qui vient appuyer et sublimer mon dessin de façon remarquable. Le kiff total!!

Elle a signé la couverture. Vu son talent en peinture et en couleurs, je savais qu’elle arriverait à faire passer en une seule image toute la puissance et l’ambiguïté du récit. Regardez les yeux du chat, tout est là.

En lisant Confessions d’un enragé, on a l’impression que votre marge de progression après plus de dix ans de BD est encore énorme. Où comptez-vous vous arrêter ?

Je ne compte pas m’arrêter!! La vie est un mouvement perpétuel, je m’accroche aux branches et je profite du voyage, le sent sur le visage!! Il y’a tant de belles et puissantes histoires à raconter encore!

Et quel est votre background, comment avez-vous fait votre chemin vers le Neuvième Art ?

Beaucoup de tâtons et de conneries avant de décider de me consacrer pleinement au dessin, mais je ne développerai pas ici, vous trouverez tout dans le livre…

 

 

 

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© Otero

 

Des coups de cœur récemment en BD ?

Tellement de belles choses avec des dessinateurs incroyables sortent chaque semaine, c’est compliqué… J’ai beaucoup aimé le Lucky Lucke de Matthieu Bonhomme ou les deux tomes de Rio de Cotentin Rouge, Fabcaro m’a fait marrer comme un fou…etc. etc.

Quels sont vos projets ?

Je travaille actuellement sur un autre roman graphique de 120 pages environ, la libre adaptation à la sauce Otero du bouquin de Stefan Zweig, 24 heures de la vie d’une femme et je prends un pied d’enfer!! Une histoire de passion destructrice, amour, jeu, violence des sentiments, tout pour me plaire.

Êtes-vous toujours un enragé ? Pourquoi ?

Oui, je le serais toujours, parce que la rage est un moteur quand on sait la dompter. C’est ce que j’ai appris à faire avec le temps, je suis apaisé mais toujours virulent!

 

Propos recueillis par Alexis Seny

 



Publié le 04/11/2016.


Source : Bd-best

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