« - Qui c’est qui t’a donné l’idée de faire ces fleurs ?
- C’est au service, à Antibes. J’ai vu des paysans qui en faisaient… J’ai un peu regardé et j’ai pensé qu’ici ça viendrait bien…
- Les œillets, ça vient bien partout, à condition qu’il ne gèle pas…
- Et surtout, il faut beaucoup d’eau… De l’eau à volonté… Lui, il a la chance d’avoir retrouvé la source.
- Celle que le pauvre bossu a tant cherchée. Moi, je l’ai vu avec sa baguette… Il avait l’air mystérieux comme un sorcier… - Et il est passé à côté... »
Il en a de la chance, Ugolin, d’avoir trouvé une source dans le domaine qu’il a racheté à la veuve de Jean de Florette, ce pauvre bossu qui s’est tué d’épuisement à force de tenter d’exploiter un terrain aride. Il en a de la chance, Ugolin, grâce à cette source miraculeuse, il peut arroser sa plantation d’œillets. Sauf que cette source qu’il a déniché, c’est son Papet et lui qui l’avaient camouflée pour décourager le bossu. Ça fait maintenant dix ans que le pauvre homme est mort. Ugolin vend ses magnifiques œillets qui n’ont jamais soif. Il est temps pour lui à présent de se marier. Il n’a d’yeux que pour la jolie jeune fille des collines, Manon, qui n’est autre que la fille du bossu.
© Scotto, Stoffel, Galland, Guillé - Bamboo
Les éditions Bamboo poursuivent leur intégrale en bande dessinée de l’œuvre de Marcel Pagnol. Même si les deux parties de L’eau des collines, Jean de Florette et Manon des sources, avaient été magistralement adaptées par Jacques Ferrandez chez Casterman-La Treille en 1997, Bamboo ne pouvait pas passer à côté. Alors, pour se démarquer de celle-ci, il fallait faire plus. Le seul moyen de faire plus était de laisser plus de place. Serge Scotto et Eric Stoffel étalent leur diptyque sur quatre albums au lieu de deux, ce qui leur permet de coller d’encore plus près au texte et aux dialogues de Pagnol.
© Scotto, Stoffel, Galland, Guillé - Bamboo
Graphiquement, le trait de Christelle Galland est plus sage que celui de Ferrandez, presque pas assez poussiéreux parfois. Pourtant, sur certains points, elle se rapproche plus finement des descriptions de Pagnol, quand par exemple Ugolin met de beaux habits. La chance d’une telle pagination lui permet de mettre en valeur les paysages provençaux. Des scènes cruciales prennent toute la place nécessaire comme celle où Ugolin, enfermé dans sa maison, avoue au Papet de qui il est tombé amoureux : alors que Ferrandez devait resserrer sur deux planches, Galland en prend cinq, sans lasser, grâce à une diversité de cadrages et de points de vue.
Voici quelques comparatifs :
© Ferrandez - Casterman/La Treille
© Scotto, Stoffel, Galland, Guillé - Bamboo
La postface raconte que, contrairement à la « tradition », le film Manon des sources a précédé l’écriture du livre par Marcel Pagnol. L’écrivain-cinéaste a d’abord réalisé Manon des sources et Ugolin, avant d’écrire un pré-quel : Jean de Florette, puis l’adaptation littéraire Manon des Sources, l’ensemble formant L’eau des collines. Sa femme, Jacqueline Bouvier, tenait le rôle principal.
© Scotto, Stoffel, Galland, Guillé - Bamboo
De la même façon que l’adaptation cinématographique de Claude Berri dans les années 80 apportait une autre dimension aux films d’origine de Pagnol, cette adaptation BD apporte une autre dimension à la bande dessinée de Ferrandez. Dans un cas comme dans l’autre, l’une n’efface pas l’autre, ne la remplace pas, mais la « complémente » et lui permet d’acquérir un nouveau public dans le plus grand respect de l’immense Marcel Pagnol et de son œuvre.
Laurent Lafourcade
Série : Marcel Pagnol
Titre : Manon des sources 1ère partie
Genre : Chronique provençale
Scénario : Serge Scotto & Eric Stoffel
Dessins : Christelle Galland
Couleurs : Yoann Guillé
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
Nombre de pages : 72
Prix : 16,90 €
ISBN : 9782818974797
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