Rencontre avec Arthur De Pins & Maïa Mazaurette
Flux RSSFlux RSS

         Toute l'actualité

 

La série Pêchés Mignons parue chez Fluide Glacial jouit d'un très bon succès ces derniers temps. A cet effet, une rencontre à eu lieu entre les auteurs et notre journaliste Christian Missia pour nous éclairer sur leur travaux et leur collaboration.

Vous collaborez ensemble depuis le troisième tome de la série Péchés Mignons. Pouvez-vous nous raconter votre rencontre ?


 MM : C’était pour la saint valentin, il y a trois ans. Donc en 2008.
Arthur cherchait une scénariste pour l’aider avec le personnage de Clara, car c’est un personnage féminin très obsédé sexuel. Arthur avait peur de maltraiter ce personnage, donc il cherchait une fille pour lui donner des idées. Il est tombé sur mon blog suite à une interview que j’avais fait de lui pour un autre site. Tout de suite, il s’est dit : « Seigneur, Marie, Joseph ! C’est exactement cette fille qu’il me faut dans ma vie, pour toujours ! » (Rires) Donc, il m’a contacté et il m’a demandé si cela ne me tentait pas d’être scénariste de BD. Je me suis dit que je pouvais essayer mais sans prétentions aucunes. Il se trouve que ça a collé et nous voici toujours trois ans plus tard à travailler ensemble.


Parallèlement aux albums Péchés Mignons, vous avez aussi sorti deux livres, dont un est consacré au Kâma-Sûtra. Pouvez-vous nous en parler ?


ADP : En fait, c’était un désir de notre éditrice de ne pas faire que des albums de BD. Elle voulait aussi faire du rédactionnel, par opposition au dessin BD. Donc, elle a chargé Maïa de faire un bouquin sur le thème du Kâma-Sûtra - c’était le premier bouquin -  Et Maïa a dit qu’elle allait plutôt faire un livre anti Kâma-Sûtra. En l’occurrence, c’est un peu un manifeste qui dynamite le thème du Kâma-Sûtra. Le Kâma-Sûtra, finalement, c’est un bouquin qui enquiquine dans notre vie privée et qui donne des complexes à tout le monde.
Donc, Maïa, dans un premier temps, a écrit ce livre. Ensuite, je l’ai illustré à partir de ses thèmes.
Finalement, c’est un bouquin que je recommande chaudement car je l’ai beaucoup apprécié !
Après, il y a eu « le Guide du Râteau » qui est venu dans la même collection. Un troisième livre est prévu, fin 2011 ou début 2012.


Comment en êtes vous arrivé à traiter régulièrement de sexualité dans vos différents travaux ?


MM : En ce qui me concerne, c’est lorsque j’étais jeune journaliste car il y avait beaucoup de débouchés professionnels. Paradoxalement, peu de personnes veulent travailler sur le sexe. Moi, c’est un sujet qui m’intéresse et qui ne me met pas mal à l’aise du tout.
Donc, après avoir bossé pour France 3, de manière très conventionnelle, les premières personnes qui m’ont embauché ce sont les gens de Newlook, qui est dans le même groupe que Play Boy.
Une fois que la porte était ouverte, je me suis engouffrée dans la brèche parce que c’était facile, marrant et je sentais que j’avais des choses à raconter sur ce sujet là. Les choses se sont faites hyper naturellement.
J’avais peur d’être un peu enfermé dans la cage sexe à force de devenir « spécialiste ». Maintenant, je ne fais plus que ça. Et j’avais peur que cela devienne un boulet dans ma carrière mais c’est plutôt l’inverse. C’est plutôt un accélérateur redoutable !


ADP : C’est marrant car c’est un peu le même cheminement que Maïa, sauf que moi ce n’était pas la presse écrite mais l’illustration.
Durant mes études aux Arts-déco, j’avais fait une spécialisation en dessin animé. J’ai aussi fait de l’illustration et j’ai remarqué que  l’on était formé en illustration pour enfants ou dans l’illustration de presse mais jamais en rapport avec le sexe, ce qui est paradoxal parce que la première chose que tout dessinateur fait c’est des dessins de femmes, y compris les dessinatrices !
En devenant illustrateur, j’ai fait des dessins érotiques et je suis tombé sur la maison d’édition la Musardine qui m’a dit qu’elle avait beaucoup de mal à trouver des illustrateurs sur ce thème là mais avec la composante humoristique. Du coup, je me suis engouffré là dedans en passant par la presse notamment. Dans mon cas, c’était le magazine Max, qui a disparu aujourd’hui, qui m’a permis de commencer la série Péchés Mignons, mais qui portait un autre nom à l’époque.
Finalement, c’était une envie mais aussi une opportunité parce qu’il manquait quelque chose, ce qui m’a permis de m’engouffrer dans la brèche.


Arthur de Pins, vous avez sorti dernièrement le premier tome de Zombillénium chez Dupuis, un album réalisé autour d’un autre thème et vous Maïa Mazaurette, vous écrivez aussi des romans de science-fiction… Malgré le succès que vous rencontrez dans vos carrières respectives, est-ce facile pour vous de vous détachez de cette étiquette « sulfureuse » et proposer d’autres types d’histoires ?


ADP : C’est une bonne question ! Effectivement, j’ai aussi envie de faire autre chose. J’aime beaucoup Péchés Mignons mais j’ai toujours eu envie de développer d’autres univers. En plus, je n’ai pas envie d’être catalogué « dessinateur érotique ».
Pour le projet Zombillénium c’est différent car je connaissais déjà le rédac’chef de Spirou et c’est à partir d’une illustration qu’il m’a proposé de développer cet univers. Donc là, je n’ai eu aucun mal à faire cet album.
En revanche, pour ma troisième série, la Marche du Crabe, j’ai eu beaucoup de refus de la part des éditeurs. C’est comme si j’étais reparti à zéro !
Comme quoi, quand on est déjà catalogué dans un style, cela n’ouvre pas du tout des portes, au contraire ! C’est comme si on était nouveau sur le marché, en étant vierge de tout bouquins.


MM : Oui, c’est à peu près pareil pour moi qui suis retourné plusieurs fois à la case départ dans ma vie. Mais, c'est-à-dire que, en même temps il n’y a aucunes portes ouvertes en plus mais il n’y a aucunes portes ouvertes en moins. C'est-à-dire qu’il n’y a pas non plus de refus absolu.
Je vais aussi travailler avec Spirou dans quelques mois. Je vais passer de Péchés Mignons à une série pour enfants, vraiment ambiance familiale (rires) !
Mais je pense que les gens ne font pas la différence. Ce sont plutôt les journalistes qui me demandent si ce n’est pas un peu bizarre de passer du sexe à la BD jeunesse (rires).
Il n’y a pas de facilités supplémentaires mais on ne m’a jamais claqué la porte au nez sous prétexte que je fais du sexe et qu’ensuite je veuille faire de la fantasy ou de la science-fiction.
En plus, c’est marrant car les univers ne se croisent pas trop.
Lorsque j’étais à Angoulême, j’ai donné mon roman de fantasy aux gens de chez Spirou, qui viennent de le lire. Ca leur a vachement plu ! Et j’essaye un peu de faire croiser les univers parce que pour moi, tout cela est cohérent avec ma personnalité, tout simplement. Je n’ai pas envie de compartimenter à l’infini. Mais cela ne se fait pas naturellement et il n’y a pas de blocages non plus.
Lorsque je faisais de la science-fiction, j’ai aussi fais une anthologie de la science-fiction sexuelle. A moi ensuite de prendre les opportunités quand elles se présentent.

 

 

Arthur De Pins & Maïa Mazaurette



Lorsque je vous écoute, je constate que c’est plutôt Arthur qui a eu des difficultés, contrairement à Maïa. On pourrait s’attendre à voir une femme cataloguée alors que dans votre cas, c’est le contraire !


MM : Je pense que c’est aussi une question de timing. Je pense que nous avons fait, tout les deux, le même pourcentage de sexe/pas sexe. Sauf que moi, j’ai tout de suite cassé mon image « sexuelle » avec tout de suite autre chose contrairement à toi, Arthur.


ADP : Oui, c’est vrai. Péchés Mignons représente une phase ou j’avais fait un peu de dessin animé avant. Entretemps, j’ai aussi fait des illustrations mais c’est vrai que pendant 4 ans, je n’ai fait pratiquement que ça et j’ai été finalement connu que pour ça. C’est vrai qu’après, c’est assez dur.
En plus, comme c’est du dessin, je parle en fait du style graphique de Péchés Mignons, c’est quelque chose qui m’a collé longtemps aux baskets parce que c’est quelque chose dont les gens se souviennent plus que pour un scénario ou un scénariste. C’est vrai que là, ces deux autres BD sont arrivées à point nommé.
Encore une fois, je ne renie pas Péchés Mignons du tout. Seulement, je suis vachement content de faire autre chose.


Parlez nous de la revue Fluide G. dans laquelle vous semblez avoir quelques responsabilités…


MM : Alors, cela dépend de ce que l’on appel « responsabilités ».
Quand notre éditrice a créé ce magazine, elle a tout de suite demandé si nous avions des idées pour le recrutement des personnes qui travailleraient dedans. Donc, j’ai ramené trois personnes qui travaillent dans le magazine…
Oui, j’estime avoir de la responsabilité mais je n’ai aucun poste de rédacteur en chef. Mais j’ai mes quatre rubriques quand même et cela fait pas mal de boulot. Je m’occupe du régime, des cosmétiques. D’une grosse chronique « Mégalomaïa » et des consultations de sexologie.
Oui, finalement, j’ai un petit peu de responsabilités et il y a mon investissement émotionnel car j’aime beaucoup ce que l’on fait. Je trouve que c’est quelque chose qui manquait beaucoup au paysage français. Un truc à la fois féminin, hyper pêchu et irrévérencieux. Qui arrête de présenter les femmes comme des princesses. On est en train de bousculer l’image des femmes et je crois que cela tient beaucoup à cœur à toutes les personnes qui travaillent dessus de jouer les pétasses superficielles et d’arriver aussi avec des gros mots. Des trucs qui tachent, etc.


Finalement, c’est un projet dans l’air du temps puisque la BD érotique a retrouvé un second souffle grâce à l’arrivée de plusieurs femmes auteurs qui investissent ce créneau.


MM : Oui et c’est marrant parce que lorsque cette tendance là est arrivée dans la littérature il y a dix ans, tout le monde disait que c’était de la sous littérature et j’ai l’impression qu’il y a eu un petit peu ce débat là quand les filles sont arrivées avec des livres tels que « Lollipop » ou «Princesse Chocolat ». On disait que n’était pas vraiment de la BD parce que c’était plus caustient. Parce que c’était des thématiques qui relevaient moins du fantasme que de la description humoristique avec une sexualité caustienne. Ce n’est pas la super héroïne avec des seins énormes et qui couche avec douze mecs. C’est plutôt la fille d’à côté qui est un peu moche, avec de la cellulite.
A mon sens, ce n’est pas moins érotique, c’est juste différent. Mais c’est marrant de voir les réticences que le milieu peu avoir et puis, après les ventes que ces BD là font au bout de deux ou trois ans, c’est marrant de voir qu’il n’y a plus personne pour crier au loup (rires).


ADP : effectivement, il y a ce côté trash que l’on retrouve très peu, surtout dans la presse féminine et qui est assez agréable. Et encore, ce n’est que le début et tant mieux !
Ce qui est amusant, c’est plutôt nous les hommes qui bossons dans Fluide G, qui sommes les enfants sages et c’est plutôt les femmes qui bouleversent les tabous, donc c’est assez rigolo !


Quels sont vos prochains projets ?


MM : J’ai une série qui va commencer chez Spirou. La publication dans le magazine commence en mai et l’album devrait sortir en janvier-février 2012. C’est une série pour les enfants qui s’appelle « Sale Bête », avec Jean-Paul Krassinsky.
Ensuite, avec Arthur et Fluide Glacial, encore un guide d’éducation sexuel.
Et de mon côté, un livre… Enfin, un vrai roman pour parler de sexe.


ADP : De mon côté, pas de Péchés Mignons 5 de prévu mais je suis en train de terminer le tome 2 de Zombillénium. Puis, je vais enchaîner avec le tome 2 des Crabes. Ils sont prévus, pour le premier, en septembre 2011 et le deuxième en novembre 2011.
Ca fait beaucoup car cela représente deux albums en un an ! D’habitude, je fais deux albums en un an et demi, mais là c’est un rythme assez soutenu. Je ne sais pas si je partirai en vacances mais je pense à mes lecteurs. Il faut dire que je suis quelqu’un de très altruiste et je sacrifie ma vie pour mes lecteurs (rires).

 

 

 

La dédicace

 

Interview © Graphivore-Christian Missia 2011

Photos © Christian Missia 2011

Image © Fluide Glacial 2011



Publié le 28/06/2011.


Source : Graphivore

        Toute l'actualité

©BD-Best v3.5 / 2025