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A l’occasion de la sortie de Polina, le scénariste dessinateur Bastien Vivès m’a accordé une interview exclusive. L’album raconte le parcours de Polina Oulinov. Polina, une petite fille de six ans, passe une audition à l’académie de danse. Son professeur, Monsieur Bojinski trouve qu’elle n’est pas très souple ! A-t-il déjà repéré le talent de celle qui, quelques années plus tard, deviendra une chorégraphe reconnue de tous ? Sans doute, Bojinski a l’œil sûr et l’exigence haute. A ses côtés Polina apprend durement la danse. Sans concession ! Quand Polina rejoint le théâtre, elle, si douée, n’entend rien aux recommandations de Madame Litovski. Pourtant, elle aussi a vu le génie de la jeune danseuse… A 26 ans, et après déjà une bonne dizaine de livres, Vivès vient peut-être de signer son livre le plus personnel. Bien sûr, Elles, Le Goût du chlore, Dans mes yeux, Amitiés étroites, tous autour de la question du sentiment amoureux, avaient quelque chose à voir avec la vie personnelle de leur auteur. Mais, en choisissant l’univers de la danse, Vivès a fait un pas de côté, pris de la distance. A travers le parcours d’une jeune femme sur le chemin de la maturité, il témoigne de sa vision de l’apprentissage et de son propre parcours d’auteur de bande dessinée. Se livrant pour la première fois à une histoire sur une durée de temps aussi longue, il n’a pas hésité à manier l’ellipse franche, laissant au lecteur l’essentiel de son propos. Ceux qui trop vite avaient rangé Vivès du côté des virtuoses doués apprendront que son talent est le travail. Vivès dessine des histoires, Polina danse pour l’émotion. Elle est son manifeste. Une œuvre forte, puissante qui se dévore d’un trait…
Marc Bauloye : Comment vous est venue l’idée de Polina ?
Bastien Vivès : Et bien, l’idée de Polina m’est venue parce que j’ai vu une vidéo d’une danseuse qui s’appelait Polina Semionova. J’ai vu cette vidéo et j’ai trouvé qu’elle dansait avec une légèreté et une grâce incroyable. Cette vidéo m’est restée dans un coin de la tête. Je voulais faire un album avec une relation maître élève, une histoire dense sur la danse. Très vite, j’ai commencé à fouiller cette relation maître élève en rapport avec la danse. Ces relations se sont croisées et cela a donné Polina.
MB : Polina est-il un livre sur la danse ?
BV : C’est un livre où la danse est en toile de fond. Mais, ce n’est pas un livre sur la danse. Polina, c’est comme un film sur cette relation maître élève, sur l’apprentissage, sur la notion de l’art, et de ce que c’est d’être un artiste. Cela parle de cette question. La danse, c’est la trame de fond et l’univers de Polina.
MB : Quel rapport entre votre Polina et la danseuse russe Polina Semionova ?
BV : En fait, elles n’ont de commun que le nom. Par contre, à propos de la manière de danser de Semionova, à propos de sa légèreté, je voulais que Polina danse pareil. J’ai pas mal utilisé de vidéos. J’ai fait des recherches. J’ai regardé sa chorégraphie et la manière dont elle bougeait. J’ai calqué la manière de bouger de Polina sur cette danseuse. J’ai transposé tout cela à Polina. Mais, elles ont quand même un point commun : elles sont toutes les deux passées par Berlin. Sinon, il n’y a pas l’idée de faire un récit autobiographique sur la vie de Polina Semionova.
MB : Parlez-nous de votre parcours…
BV : J’ai fait du dessin depuis que je suis petit. Ensuite, j’ai axé mes études sur le dessin. Donc, j’ai fait du graphisme puis du dessin animé. En 2006, j’ai lâché le dessin animé pour me consacrer à la bande dessinée. Cela fait cinq ans.
MB : Où trouvez-vous l’inspiration ?
BV : Dans tout. Dans les choses que je vois. Par exemple, pour mon prochain projet, cela vient du fait que je joue à un jeu sur PC tous les jours. C’est un jeu vidéo de baston. Donc, cela me donne envie. Cela me donne plein d’idées pour faire un manga de baston. Quant à Polina, elle ressemble à une copine que j’ai. Mais, tout peut être source d’inspiration.
MB : Comment vous êtes vous documenté ?
BV : J’ai regardé des documentaires sur la danse. J’avais aussi vu des petits rats qui étaient sortis de l’école d’opéra. Cela a donné un peu le cadre. Puis ensuite, j’ai acheté des livres comme Les premiers pas de danse classique. Ainsi, j’ai appris ce que c’était la danse classique. Je n’ai pas lu de biographie. Je ne me suis pas intéressé à la vie des danseurs. Je voulais juste voir ce que c’était la danse.
MB : Décrivez votre style graphique…
BV : Et bien, pour Polina, j’ai utilisé le style graphique que j’ai sur mon blog. J’ai un blog sur lequel je publie des strips humoristiques. J’ai ce style graphique un peu jeté, un peu rapide. Je voulais l’utiliser pour Polina car je savais j’allais avoir 200 pages à faire. C’est un style qui donne le plus d’amplitude possible. Un style pour pouvoir dessiner le mouvement. C’est pour cela que les premières pages de Polina sont assez noires. Au fur à mesure, cela se précise et cela s’épanouit. J’ai utilisé ce style là parce que je voulais aller assez vite. Ensuite, je suis rentré dans le dessin.
MB : Pouvez-vous nous dire un mot sur les couleurs ?
BV : J’utilise les couleurs grises. C’est assez simple. J’installe une bichromie. Je n’ai pas mis de couleurs. La bichromie me sert à avoir de la lisibilité. En gros, j’ai trois lieux, trois moments différents. J’ai le quotidien où tout va être gris notamment les visages. Quand elle danse, elle est en blanc sur fond gris. Dans les moments de spectacle, c’est blanc sur fond noir. J’utilise cette technique pour pouvoir aider le lecteur dans sa lecture.
MB : En quoi cet album est-il différent des autres ?
BV : Je pense que c’est celui qui a pris le plus de temps au niveau de l’écriture. J’ai eu plus de recul sur ce que je faisais. Cet album est différent comme le sont les autres. C’est dans la continuité de ce que je fais. Dans les albums sortis cher KSTR c’est la suite logique.
MB : Quels sont vos projets ?
BV : Monter un petit studio et essayer de m’attaquer au format manga. C’est prévu pour la fin de l’année. J’aimerais bien avoir cette liberté de format et essayer d’avoir des récits très longs. Mon prochain album BD, qui sort en avril, c’est le troisième et dernier volet de L’Empire. Sinon, entretemps, je vais faire un album avec Ruppert et Mulot. Ce sont des membres de la maison d’édition l’Association. Ce sera une histoire de gangsters.
Propos recueillis par Marc Bauloye
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