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Après les aventures fantastiques de W.E.S.T, sa série à succès qu’il mène conjointement avec les scénaristes Fabien Nury et Xavier Dorison, Christian Rossi s’est accordé une bouffée d’humour et de légèreté en entament les aventures de Paulette Comète.
De passage à Bruxelles pour la Foire du Livre, Graphivore a profité de l’occasion pour rencontré l’auteur et nous parler de cette nouvelle série.
Bonjour Christian Rossi, vous êtes l’auteur de Paulette Comète et on peut affirmer sans se tromper que cette série est une sorte de bouffée d’oxygène par rapport à l’ambiance que l’on trouve dans votre série W.E.S.T.
Rossi : Oui, c’est une sorte de parenthèse que j’ai sollicité auprès d’un copain scénariste et dessinateur, Mathieu Sapin, dont j’apprécie beaucoup le travail. W.E.S.T. étant une série réaliste avec beaucoup de documentation et de mise en scène, j’ai de temps en temps des bouffées de désir pour le dessin semi-réaliste des origines, tel que le Spirit de Will Eisner ou des choses plus légères. Qui, pourtant, ne sont pas si simple à dessiner mais qui permettent une lecture plus légère.
Un lecteur qui ne connaitrait votre travail uniquement à travers W.E.S.T. pourrait être surpris de vous retrouver dans un projet tel que Paulette Comète mais comme vous l’avez dit, vous aviez déjà fait des choses plus légères telles que Tirésias ou le Capitaine La Guibole.
Oui, j’ai fait des choses plus légères comme à mes débuts chez Dargaud, il y a très longtemps. J’avais réalisé Maraudeur, une histoire de science fiction avec un héros nyctalope et qui était assisté d’un robot. C’était une histoire dans un style très américain.
Le dessin semi-réaliste que j’ai employé pour Tirésias, Capitaine la Guibole ou la Gloire d’Héra est un style de dessin qui demande une forme d’attention et de soin du lecteur, dans le sens qu’il ne faut pas le perdre tout au long de sa lecture ou se moquer de lui. Il faut aussi savoir donner du corps à des histoires qui sont à priori loufoques comme peut l’être l’histoire de Paulette Comète, par exemple.
Paulette Comète n’est pas une héroïne avec des supers pouvoirs comme on peut le voir dans les comics US. Au contraire, elle a du mal à réussir ses missions et elle tombe souvent sous le charme des bandits qu’elle pourchasse.
Si Paulette a quelque chose de super, ce doit être son énergie. A la fois étudiante la journée, vivant chez mémé dans une chambre de bonne, dans un Paris du 13 ou 14ème arrondissement. Elle trouve aussi le moyen de se balader la nuit dans un costume de super héroïne afin d’arrêter les « méchants ». Tout cela est assez loufoque et en référence à des scénarios comme pouvait le faire Will Eisner dans le Spirit ou c’était plus des
histoires d’ambiance que des scénarios sérieux avec des méchants. En fait, nous adressons une sorte d’œillade à ces lectures d’antan pleines de nostalgie. D’un autre côté, on essaie de donner du corps à ce personnage de Paulette Comète qui du coup, avait un vrai corps ! C'est-à-dire que Paulette est une jeune femme ingénue, qui provoque le désir des hommes – et pas seulement des hommes – sans s’en rendre compte. Comme elle ne le fait pas exprès, c’est sensé renforcer son charme. Tout le monde aimerait la posséder sans qu’elle comprenne vraiment de quoi il s’agit.
Il y a une chose qui m’a surpris dans cette série c’est que d’une part, vous nous proposez une histoire assez kitch avec des personnages dignes des clichés : Paulette, Raymond la Science, etc. D’autre part, vous situez cette histoire dans le Paris de 2012 et vous faite même référence à l’iPhone ! N’est ce pas un peu anachronique ?
Ce qui nous fait rire c’est qu’il y a une collision entre les conventions. D’un côté, c’est le Paris du Moulin Rouge, la Tour Eiffel, les bandits qui porte un gros sac avec des billets de banque dedans. On pense plus aux Rapetou qu’à de vrais criminels ! Mais dans le même sens, on peut trouver une poésie à ce Paris des conventions. A ces noms qui sonnent bon la nostalgie comme Raymond la Science, le Cerveau, etc. Et on pourrait aussi trouver une certaine poésie à l’iPhone ! Je pense qu’il faut jouer le jeu et c’est vrai que l’on ne se pose pas toujours la question du vieillissement de nos lecteurs, ni même de la série ! On fait un peu avec ce que l’on a, en mélangeant les cartes et en proposant des personnages qui sont assez déconnectés de cette actualité. Sauf à travers des formes, des attitudes puisque dans le tome 2, Paulette a à faire à une ligue de Gentilshommes Invisibles, qui sont aussi des redresseurs de torts. Des justiciers par arrondissements. Mais qui ont aussi une moralité absolument détestable ! Ce sont des gens qui sont à priori des gens « à particule », qui sont de la haute et qui rendent une justice qui punit les plus faibles ! A travers cela, Mathieu pointe un état de nos mœurs qui prévaut maintenant ou il est plus facile de blâmer les plus faibles plutôt que de lutter contre la criminalité en col blanc, alors que c’est celle qui commet le plus de dégâts ! C’est un des aspects que j’aime beaucoup chez Mathieu Sapin, avec sa manière de ne pas y toucher, il pointe une forme de réalité d’un état démocratique assez puissant mais ou pourtant il y a de grandes différences de niveaux social.
Vous avez aussi été visionnaires dans votre série… (Rossi me coupe par un grand éclat de rire) !
Evidemment, dans le 1er tome, Mathieu met en scène une jeune chanteuse à la mode, Amy Winehouse, qui tente de se suicider en disant que les vrais icones de la musique meurent à 27 ans et qu’est ce qui arrive …? C’est terrible !
Depuis, j’ai dit à Mathieu de ne plus du tout faire allusion à des artistes dépressifs parce que sinon il y aura une sorte de calamité, un sort sur ces gens qui ont déjà assez de problèmes comme cela. Mais sur ce coup là, il faut reconnaitre qu’il a été TRES visionnaire !
En revenant sur votre parcours professionnel, on réalise que vous n’étiez pas destiné à faire de la bande dessinée. Qu’est ce que vous inspire tout cela ?
J’ai toujours vu le dessin comme un grand terrain de jeu à faces multiples. Je suis tombé dans la BD grâce à deux ou trois rencontres, Lucky Luke, Astérix et surtout Blueberry ! J’ai eu la folie de croire que l’on pouvait faire ce métier, comme beaucoup de collègues qui sont lancé dans cette profession. Mais la vrai motivation pour moi était de ressentir de « l’intérieur une BD », c'est-à-dire en la dessinant parce que j’imaginais que les sensations que je vivais en tant que lecteur étaient décuplées lorsque l’on créait une BD. Je m’imaginais à la place de mes auteurs préférés et je mettais une échelle de valeurs. A certains, je la mettais très haut parce que je me disais qu’eux avaient compris quelque chose. Je m’imaginais que si j’étais dans leur peau, j’aurais une énorme aisance à comprendre le monde. Donc, j’ai vraiment travaillé dans ce sens là.
Quand je regarde mon parcours, je ne regrette rien mais je suis juste désolé d’être aussi bête et de ne pas arrivé à progresser autant que je voudrais car je commets des erreurs récurrentes. J’aurais aussi aimé sauter le pas en tant que scénariste et raconter mes propres histoires mais le dessin me prend tellement de temps et d’attention... Et puis, on ne pond pas un scénario comme ça ! Créer un récit, un univers qui pourrait amener le lecteur dans une vraie rêverie demande vraiment du travail.
C’est juste mon niveau qui continue de me poser des problèmes car mon orgueil me dit que je dois continuer à vouloir dépasser mes limites mais en même temps, il faut sans cesse travailler pour ne pas retomber au bas de l’échelle ! Il faut toujours s’entrainer afin de ne pas perdre son niveau ! C’est comme un pianiste qui passe son temps à faire des gammes pour maintenir son niveau de maîtrise. Rien n’est jamais acquis et je ressens cela comme une grande leçon d’humilité. On ne fait pas que progresser, on a aussi de vraies chutes, qui sont liés aux accidents de la vie et à la motivation. Du coup, je démarre toujours un album en disant que cette fois-ci, j’y arriverai ! Je me dis que je vais progresser à chaque album mais après coup, je réalise qu’il y a encore des choses qui m’échappent. Mais bon, ce sont les erreurs qui font le style. On essaie de faire en sorte que tout à coulé de source mais c’est assez dur à vivre en tant qu’artiste.
J’imagine qu’après Paulette Comète, vous allez retourner à votre série W.E.S.T ?
Non. W.E.S.T. est en sommeil car les deux scénaristes ont des avis divergeant sur l’évolution de l’histoire. Donc, nous avons décidé de prendre du temps afin de nous retrouver sur de vraies idées.
Cela me permet de travailler sur un nouveau projet. Un one-shot. Un western intimiste qui se passé pendant la guerre civile. C’est une histoire d’amour de 80 pages en couleurs directes et c’est scénarisé par Laurent Frédéric Bollée (le scénariste d’Apocalypse Mania, ndr). Ca devrait sortir l’année prochaine chez Glénat.
Interview © Graphivore-Christian Missia 2012
Images © Dargaud -Rossi 2012
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