Rencontre avec Etienne Borges pour l'Aviatrice.
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Rencontre avec Etienne Borges pour l'Aviatrice.

Nora, l'Aviatrice, un album dont la parution de déroulera chez Paquet le 28 mai 2014 et qui est le résultat de la collaboration de François Walthéry, Bruno Di Sano et d'Etienne Borgers. C'est ce dernier que nous sommes aller rencontrer par le biais de Jean-Jacques Procureur afin d'avoir son point de vue sur cette nouvelle série dont il a écrit le scénario et de survoler par la même occasion sa vie et sa carrière dans la bande dessinée.

 

 

Étienne peux tu nous raconter en quelques mots ton parcours avant l'écriture...

Passionné de littérature depuis ma prime jeunesse, celle de genres mais aussi celle qu'on qualifie à tort de sérieuse, dès l'adolescence. Et puis il y avait eu très vite la BD, à commencer par les albums de Tintin de l'après-guerre, rapidement suivis des recueils du journal Spirou (1947-48, une vraie découverte) et puis par tout ce que je trouvais en BD en Belgique à l'époque...

Tout cela a fait que j'ai écrit assez tôt, puis de manière plus insistante à partir de 18-19 ans.

Mais j'avais encore d'autres centres d'intérêt : ce qui était scientifique m'attirait tout autant, surtout l'électronique... Bref, je suis devenu ingénieur industriel, et si l'écrit est passé alors au second plan (sans être oublié) la lecture est toujours restée une de mes grandes passions. Romans en tous genres, évidemment, mais aussi dans tout le restant comme : histoire, politique, faits récents, criminalité...

 

Comment a débuté cette passion de l’écrit ? Peux-tu citer quelques auteurs qui sont des références pour toi ?

Par la lecture comme déjà expliqué, et par les chocs créés par certains auteurs exceptionnels.

Ça allait de Steinbeck et Faulkner à Céline, en passant par le sulfureux et extraordinaire Henry Miller. Et aussi d'autres comme Maupassant, Zola ou Stendhal. En parallèle je découvrais la Série Noire, où au delà de romans bâclés se baladaient de véritables diamants noirs. Une seconde vague de chocs ! Et plus durables que ce que j'avais trouvé dans la SF spéculative de qualité des années 1940 à 60, essentiellement américaine.

La SN m'a fait découvrir des auteurs exceptionnels comme Dashiell Hammett, Raymond Chandler, Jim Thompson, Albert Simonin, José Giovanni, A.D.G. et plus tard le tout grand J-P Manchette. Et quelques romans époustouflants d'auteurs de qualité comme Charles Williams, Jean Amila ou John D. MacDonald...et d'autres. A noter que beaucoup plus tard, j'ai relu Chandler en anglais : re-choc ! Un style d'écriture incomparable et efficace, une ambiance qui en résultait et qui ne passait pas toujours dans les traductions françaises...

Mais lire de très grands auteurs peut aussi être paralysant pour quelqu'un qui écrit: que faire après des pointures pareilles ?...Vous vous sentez ridicule ou présomptueux... Mais ça se surmonte !

Et comme on parle de BD, là un de ceux que j'apprécie le plus et depuis très longtemps (je devais avoir environ 11-12 ans) c'est Maurice Tillieux -et encore plus sa période des années 50, les aventures et enquêtes de Félix (l’ancêtre mal élevé de Gil Jourdan). C'est sans doute Tillieux qui m'a fait très vite aimer le roman policier de qualité, surtout le roman noir... et l'envers du décor !!

Mais il y avait aussi Franquin dans sa période Spirou, les débuts de Buck Dany, et même l'aspect documentaire de l'Oncle Paul. Plus tard j'ai découvert Will Eisner et ses formidables récits graphiques policiers, Et encore plus tard Frank Miller. En 1959- 60 j'ai été aussi fort impressionné par les dessinateurs américains surdoués que je découvre dans 'Mad Magazine' : cinglés, mordants et ravageurs !

 

 

 



Et ta rencontre avec François Walthéry ? Votre collaboration...

On s'est rencontrés à l'armée, en décembre 1964, en Allemagne, tout fraîchement incorporés comme soldats miliciens. Je venais de finir mes études, lui, 18 ans, était appelé par l'âge ; il était déjà dessinateur pour Peyo. On s'est retrouvé dans la même chambrée avec une quinzaine d'autres soldats. J'avais une valise pleine de bouquins et de BD, lui une valise de gauffres prépares par sa mère. Un jour de grandes corvées sans fin, on s'est retrouvés seuls et on a pu échanger le contenu de nos valises : Mad ? Il avait vu certaines des pages... Tilleux : alors là on était d'accord, un des meilleurs, un des grands !... François, de naturel farceur et loustic, ne passait pas inaperçu à l'armée, et on est vite devenus copains car, en plus, on partageait d'autres sujets d'intérêt : lui, le rock des années 50-60, celui qui déménage, moi le jazz moderne et le RnB (le vrai, pas la soupe actuelle baptisée au n'importe quoi), et tous deux pensions que le yé-yé ne comprenait pas que des génies. Puis, le bon cinéma l'intéressait... Tout ça ne pouvait que nous rapprocher dans cet environnement surréaliste qu'est l'infanterie (2e Cycliste) en temps de paix.

Après l'armée, j'ai trouvé du boulot dans une grosse usine des environs de Bruxelles, et François logeait durant la semaine à Uccle pour être proche de Peyo. On s'est revu régulièrement, au moins une fois par semaine et de copains on est devenus amis. Tant qu'il a résidé à Bruxelles, le contact était très régulier, on allait ensemble au cinéma et il passait souvent chez moi, dans le centre de Bruxelles C'est comme ça, qu'en manque de scénario il tombe un jour sur une nouvelle policière que j'écrivais et m'a demandé de pouvoir l'adapter pour Natacha. Au début j'étais réticent, car l'univers de cette nouvelle n'était ni celui de Dupuis ni de Natacha. Mais il a réussi à me convaincre, je l'ai adaptée et modifiée... Et c'est devenu La mémoire de Métal (Natcha n°3).

Quelques années plus tard, le sujet de la robotique mêlée au quotidien des gens me trottait dans la tête... En commençant l'écriture, je me suis dit que ça ferait un meilleur scénario plutôt qu'un roman, à cause du côté visuel d'une BD. En en parlant avec François, il l'a accepté pour le côté mystère et aventures, la SF ne le dérangeant pas pour sa série. Et, avec la proche collaboration de Jidéhem pour les décors et gadgets, ce furent les albums Instantanés pour Caltech et Les machines incertaines (Natacha 8 et 9)...

Je lui ai encore fourni l'un ou l'autre scénario complet par la suite, toujours en attente...

En 89, pour mon boulot lié à la grande exportation, je m'expatrie en Asie du Sud-Est, puis en Nouvelle Zélande. Durant cette longue période (je suis revenu en Belgique courant 2001), on est resté en contact régulier par fax et téléphone, mais on ne se revoyait qu'une fois par an... Par contre, j'avais difficile de rester actif dans le monde de la BD belgo-française, vu l'éloignement...

Il y a deux ans, il m'a proposé d'écrire quelque chose pour une héroine venant du monde de l'aviation d'avant-guerre, une pilote de préférence...

 

 

 

 



...Et c'est devenu l'album qui vient de paraître (mai 2014 ) aux éditions Paquet , L'Aviatrice !

On y retrouve Francois Walthéry et Bruno Di Sano, au dessin , et toi-même à l'écriture du scénario. Comment vous est venue l'idée définitive pour cette histoire ?

L'éditeur, Paquet, voulait obtenir la collaboration de Walthéry dans sa collection Cockpit consacrée à des histoires se déroulant toujours dans un contexte d'aviation. Vu la carrière de Francois, un personnage féminin leur semblait évident, ils en parlent à Di Sano qui avait déjà collaboré avec François (entre autres pour les derniers Rubine). En en discutant avec François, ils arrivent à l'idée de mettre en scène l'aviation des années 1920-30, avec un personnage de pilote similaire à ces femmes du ciel très célèbres (Maryse Bastié, Hélène Boucher...). François accepta de se lancer dans ce projet, mais avec l'aide de Bruno pour le dessin. Et il insista auprès de l'éditeur pour que je m'occupe du scénario. Comme c'est une période qui m'intéresse vraiment et que le monde des aviateurs de l'époque est riche en événements incroyables, François a pu me convaincre rapidement de me joindre à l'équipe...

 

Pour cette histoire, c'est moi qui ai choisi l'année 1935 qui est au coeur d'une période très intéressante pour l’aviation commerciale en plein essor et en pleine mutations techniques, dans une Europe plutôt tourmentée.

J'ai imaginé aussi un raid aérien vers l'extrême-orient, courant à l'époque et qu'une femme avait aussi réalisé dans ces anées-là : Maryse Hilsz. Cette femme a eu une vie assez mouvementée : partie de rien, elle devient pilote grâce à des cours qu'elle paye en faisant des démos de sauts en parachute, très dangereux pour l'époque ! Sa famille, plus que modeste ne peut pas l'aider. Pour son premier raid vers l'Asie, dans un avion au moteur ridicule, elle part seule, guidée par des cartes qu'elle a recopiées à la main car elle ne pouvait pas se les payer ! Et...elle réussit son exploit. Vous comprendrez que cela peut inspirer... Sans se croire obligés de singer la vraie Maryse Hilsz.
D'où l’héroïne que j'ai créée : Nora Stalle, pilote de performances, experte et indépendante de caractère... Et son complice forcé : Théo Norville, mécanicien d'aviation expérimenté, doué, grande gueule libertaire et ancien de 14-18.

Personnages que François et Bruno ont parfaitement réussi à traduire en dessin.

 

Y aura-t-il une suite à cet album ou d'autres projets ?

Oui, une suite. L'histoire que nous avions envie de raconter aurait été trop à l'étroit dans 46 planches ! Heureusement, tout le monde fut d'accord, y compris l'éditeur, pour prévoir une histoire qui s'étale sur deux tomes. Le tome 1 vient donc de sortir et je peux vous confirmer que la plus grande partie du scénario du tome 2 est finalisée. Et que François et Bruno 'planchent' déjà sur les 10 premières pages de ce deuxième tome... Je dois dire que je comprends qu'ils y mettent le temps, car ça remue et c'est de plus en plus exotique, y compris pour les avions !

Par contre, si nous gagnons la confiance du public et si l'éditeur accepte de continuer, il n'y a aucun problème pour prévoir d'autres futurs épisodes aux aventures de Nora Stalle. Une ou deux idées sont déjà en germe pour un tome 3... et François et Bruno aussi sont partants !



As tu d'autres livres ou roman à annoncer ou prévus pour bientôt ?

Le dernier livre que j'ai publié est sous forme numérique. C'est un essai consacré à un éditeur français d'après-guerre, célèbre pour avoir publié les premiers romans policiers de Boris Vian sous pseudonyme, et beaucoup d'autres choses intéressantes : Les éditions du Scorpion  - plus d'infos sur ce livre : Cliquez Ici ; dans une annexe j'y parle du canular de Vian qui s'est fait passer pour le traducteur d'un auteur américain (Vernon Sullivan), canular qui s'est retourné contre lui puisqu'il a fallu écrire un faux original en anglais vu le succès phénoménal de la « traduction » française : J'irai cracher sur vos tombes.

Depuis une quinzaine d'année, je m'occupe du roman noir policier, comme chroniqueur, interviewer essayiste et critique, et de plus je tiens un site en français qui y est consacré POLAR NOIR (pour ceux que cela intéresse, le site est à http://polarnoir.net16.net/ ). Tout est dans le titre, mais on y examine aussi les influences du roman noir sur la BD, les films...etc.

Tout cela me prend pas mal de temps, et avec la BD et L'Aviatrice s'y ajoutant je ne peux prévoir de nouveau livre dans un délai proche.



En plus de tout cela, Étienne, as tu une autre passion à laquelle tu tiens énormément?

Je crois qu'on obtient un ex aequo  ! La musique et le très bon cinéma.

La musique : le jazz moderne surtout et depuis très longtemps. Bill Evans, Miles Davis, Coltrane,

Gerry Mulligan, Philip Catherine, Paul Bley, Charlie Haden, Toots Thielemenans, Jim Hall, Anita O' Day, Bill Charlap ... la liste est trop longue, on va lasser !

Pour le cinéma, les grands comme les Scorsese de la première époque, Sam Peckinpah, Stanley Kubrik, Jean Renoir, Melville, Clouzot, Carné, Howard Hawks, John Boorman, Godard, Lautner, Fritz Lang, ... ainsi que beaucoup d'autres.

Et une tendresse particulière pour Laurel et Hardy, les Marx Brothers, Peter Sellers, Pierre Richard et le réalisateur de comédies d'exception, Blake Edwards... sans oublier son homologue français : Yves Robert.


Pour finir une devise ?

Je ne suis pas très devise... Mais par contre, dans les maximes, j'aime bien :

« Le pouvoir corrompt.... » . La maxime ne se termine pas là, mais le lecteur en connait certainement la chute traditionnelle ... Sinon, qu'il regarde autour de lui !

 



Publié le 26/05/2014.


Source : Bd-best

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