Rencontre avec Philippe Geluck pour Geluck enfonce le clou.
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Rencontre avec Philippe Geluck pour Geluck enfonce le clou.

Deux ans après Geluck se lâche, best-seller dans lequel l’auteur du Chat dévoilait sa part la plus sombre, il en remet une couche avec ce nouvel ouvrage intitulé à juste titre « Geluck enfonce le clou ».

A cette occasion, Graphivore vous propose de découvrir cette interview réalisée par notre journaliste Christian Missia qui a rencontré pour vous cette artiste au talent protéiforme.

 

 

 


 

Est-on plus exposé à la critique lorsque l’on est un auteur à succès ?

Geluck : J’ose espérer que oui. Je pense même que la notoriété fait en sorte que l’on prête plus attention à mon travail et on le critique aussi plus facilement ! Ils se disent qu’effectivement, jusque là ils avaient aimé ce que je fais mais avec ce nouveau bouquin, on demande à voir ! Il n’y a pas d’absolution ou un blanc seing pour tout ce que je vais faire, au contraire ! Tout ce que je fais est scruté à la loupe. Et les erreurs seront amplifiées.

Jusqu’ou pouvez vous aller dans l’humour ?

Geluck : Je ne sais pas. A chaque fois c’est un test. Ici, je me suis imposé aucunes limites et on verra si ça passe. Mais en même temps, on me pousse. Je me souviens du temps ou j’avais sorti Geluck se lâche, les gens me disaient d’y aller encore plus fort.

C’est vrai aussi que je suis plus violent dans mes gags et mes critiques car le monde devient plus violent et puis, il y a de la demande. C’est comme dans les magazines people ou autres. Il parait que ce sont les lecteurs qui demandent des sujets plus violents et trash.

Comment le public a réagi lorsqu’il a découvert votre dessin sur le déni de grossesse ?

Geluck : Le public fait un grand « hooo » indigné mais en vérité, ça le fait marrer ! En fait, quand je fais des dessins sur l’enfance, la religion ou d’autres sujets sensibles, c’est dans le but de choquer et de susciter une réaction, une réflexion.

Dans certains dessins, vous représenté un couple gay musulman-juif ou dans un autre, vous dessinez les chrétiens, juifs et musulmans en tant qu’animaux de la ferme. En fait, vous êtes totalement opposé aux religions. C’est ça ?

Geluck : Je ne suis pas contre les religions lorsqu’elles ne font pas de mal autour d’elles. Mais, j’apporte quand même la preuve définitive que Dieu n’existe pas dans un dessin sur le père Noël. Quand on est petit, on croit au père Noël. Puis en grandissant, on se rend compte que ce sont nos parents qui jouent au père Noël. Finalement, Dieu, c’est nos parents. C’est eux qui nous ont créé. Et nos parents sont mortels !

Mais j’aime la religion lorsqu’elle sert à philosopher, quand elle créé un lien social ou quand elle n’est pas prosélyte et qu’elle n’exclue personne.

 

 


Travailler avec Michel Drucker ou Laurent Ruquier aide-t-il à faire vendre plus de livres aux Français ?

Geluck : Oui ! Au début, la France ne s’intéressait pas beaucoup au Chat. Puis, ça a commencé à monter graduellement au point d’être un succès. Mais quand j’ai fait de la télé là bas, le succès a été multiplié par cinq ou six !

Qu’est ce qui vous plait le plus ? Le dessin ou le texte ?

Geluck : Ce sont deux choses différentes. Je vais prendre l’exemple de la douche et du bain. Le dessin est comme une douche, c’est immédiat comme effet ! Tandis que le texte, c’est comme un bon bain chaud dans lequel on rentre et que l’on apprécie progressivement. Et les deux on leur intérêt !

Et puis, lorsque j’écris, c’est toujours à la première personne. Je donne mon avis. Mais lorsque je dessine, il y a toujours un personnage qui prend la parole. Même si c’est vrai que parfois, je me livre. Par exemple, lorsque je parle de mon enfance et que je me dessine en gamin.

Vous êtes un tintinophile reconnu. Que pensez-vous de la polémique autour de Tintin au Congo ? Pensez vous que le point de vu du plaignant se défend ou au contraire, c’est un débat dépassé ?

Geluck : Je comprends tout à fait le point de vu du plaignant. Je l’ai d’ailleurs déjà dit publiquement. Je ne sais pas si cela vaut vraiment la peine d’encombrer les tribunaux avec cette affaire mais d’un autre côté, c’était peut être le seul moyen de susciter le débat.

Le point de vu du plaignant est intéressant. Il dit ceci : Une œuvre a existé et s’est justifié dans le contexte de son époque. On ne peut pas censurer le passé.

Mais cette affaire devait être jugée devant un juge de paix, selon moi. Et au lieu de censurer l’œuvre, il faudrait y ajouter un avertissement. Certains diront alors qu’il faudrait le faire avec pleins d’autres livres. Je dis oui, faisons le ! Voltaire a écrit des récits antisémites. Il faut le dire aussi. Céline aussi, pourtant c’est un immense écrivain !

 

 

 


Oui, la question s’est posé aussi pour Céline il y a quelques temps…

Geluck : C’est exact. Pour en revenir à Tintin, il faut rappeler que cette BD a été réalisée à une époque ou il y avait des expositions coloniales à Bruxelles et à Paris. A Bruxelles, on faisait venir des Congolais pour les faire habiter dans des villages reconstitués lors d’expositions coloniales et les gens venaient les observer ! Je pense qu’il faut condamner cette vision mais on ne peut pas la gommer. Il faut y apporter un regard critique et je pense qu’un avertissement, simple, bien rédigé et compréhensible par les enfants devrait y être ajouté.

Comment se porte la Minute du Chat, ces capsules humoristiques diffusée sur la RTBF et France 2 ?

Geluck : Ca se passe bien. La Minute a été prolongée. Sur France 2, on a eu des piques d’audiences de 2 400 000 téléspectateurs de moyenne. On a aussi fait des jours avec plus de 3 000 000. Je pense que c’est un programme qui doit s’installer dans le long terme mais c’est très difficile avec un programme aussi court.

Pour cette saison, nous avions produit 150 épisodes mais si les télés sont toujours intéressées, on est prêt à produire une seconde saison mais il faudrait qu’elles se déclarent assez vite parce que c’est un très long travail de préparation.

Il y a un DVD qui sortira en février avec notamment, les épisodes de six minutes que nous avions réalisé.

C’est un projet que vous portez ?

Geluck : Oui, je suis le producteur principal car je voulais avoir le contrôle de mon œuvre.

J’ai lu que lorsque vous préparez vous interventions à la télé et en radio, vous le faite le jour même. Peut-on dire que vous êtes un fainéant intelligent ?

Geluck : Intelligent, je ne sais pas mais rapide, oui (rires) ! Du temps de Drucker, j’écrivais le jour même. Et du temps du Jeux des Dictionnaires, j’écrivais mes six émissions d’une traite, le jour même aussi. Donc, je dirais que je suis organisé et rapide aussi.

Travailler ainsi, c’est aussi une manière de se mettre en danger et de stimuler la création ?

Geluck : Oui. Je pourrais écrire deux jours avant, mais il faudrait que ce soit en une journée pour pas que ça ne déborde sur les autres jours. Sinon, si je m’accorde trois jours d’écriture, je vais travailler le premier jour et je serai tenté d’y revenir les jours suivants afin de le retravailler.

C’est pourquoi je vous qualifie de fainéant-intelligent.

Geluck : Et moi j’y ajoute, rapide (rires).

Vous avez une carrière assez éclectique. Pensez-vous qu’être multi-casquettes comme vous est encore possible pour un jeune qui se lancerait aujourd’hui ? Si oui, quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaiteraient suivre le chemin que vous avez tracé ?

Geluck : Il y a un moteur qui est la passion. Il faut des capacités et si possible, du talent. Et à une époque ce n’était pas nécessaire mais j’estimais qu’il était important d’avoir trois métiers. J’étais comédien. Je dessinais. Et puis, j’ai commencé à faire de la télé et de la radio. J’ai toujours eu trois métiers en parallèle.

Au départ, c’était purement alimentaire parce qu’à l’époque, on n’avait pas d’argent ma femme et moi. J’acceptais un rôle au théâtre. Ca durait trois mois puis je n’avais plus rien, donc je faisais du dessin. La radio est venue par la suite. Et puis le mécanisme s’est mis lentement en route. D’ailleurs, je raconte souvent à mes enfants que le succès est arrivé lorsque j’avais 45 ans !

En plus, j’ai arrêté des choses qui étaient très rémunératrices en télé parce que j’estimais qu’il était temps de s’arrêter ou que cela prenait trop de place sur le reste de mon travail créatif. Par exemple, j’ai arrêté Drucker pour lancer dans mon projet de dessin animé du Chat.

Donc, je fais trois métiers afin que l’on ne bride pas ma liberté créatrice. Si je fais une caricature qui ne plait pas, je peux toujours retomber sur mes pattes en faisant de la télé ou du théâtre. En plus, j’ai une famille et je dois avoir de quoi faire chauffer la marmite tout les soirs. Si on m’emmerde dans un métier, il m’en reste deux autres. Si on m’emmerde dans deux métiers, il m’en restera toujours un. Mais cela m’étonnerait que l’on m’emmerde dans les trois métiers en même temps, mais dans ce cas j’aurais encore rebondi d’une autre manière !

 

Interview © Graphivore-Christian Missia  2011

Images © Geluck 2011


 



Publié le 08/11/2011.


Source : Graphivore

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