« - Quelle force, je me sens en sécurité !
- Je vais me ramollir, moi aussi j’ai abandonné la boxe.
- Et que fais-tu maintenant ?
- Policier… Il semblerait que j’aie du talent pour ça…
- Alors tu affronteras à nouveau Fournier, maintenant il se dédie au crime.
- Déconne pas…
- Je ne déconnais pas… Et mieux vaut qu’il ne sache rien de nous deux…
- Sinon quoi ?
- Sinon il te tuera. »
Ancien boxeur, Evaristo s’est reconverti dans la police. Les milieux interlopes ne lui font pas peur. Il les connaît, il en joue, il en use pour faire aboutir ses enquêtes. Inspiré d’un personnage ayant existé, Evaristo Meneses, le commissaire mène ses investigations dans l’Argentine des années 60. Des bas-fonds de la ville aux quartiers riches, il nettoie Buenos Aires avec des méthodes souvent nettes et précises.
La politique argentine de l’après-guerre est montrée du doigt. Les auteurs et leurs personnages ne se font pas d’illusions. On a beau redonner de l’eau courantes aux enfants des bidonvilles, ils n’en sortiront jamais. Evaristo croise la route d’Adolf Eichmann, nazi réfugié. La corruption politique et les réseaux mafieux sont au cœur d’une histoire mettant en scène Juan Ruggiero. A l’instar de Morris et de ses scénaristes, Sampayo et son dessinateur prennent des libertés chronologiques pour traiter le sujet. Qu’importe. Des réseaux de prostitution venus de Hongrie, un tueur en série, la dictature de la junte militaire et sa répression sont quelques unes des « aventures » d’Evaristo. Ce n’est pas rien, la vie « banale » d’un policier.
Pour servir les histoires d’un réalisme rude de Carlos Sampayo, Francisco Solano Lopez a assombri son trait. Les hachures du visage d’Evaristo sont autant de cicatrices des meurtrissures de son vécu. Philip Marlow argentin, le commissaire a un recul impressionnant sur les choses. Son visage impassible ne montre pas de sentiments. Sans doute une question de survie.
Ayant pris sa retraite dans les années 70, le véritable Meneses n’appréciait pas tellement son homologue de papier qu’il jugeait trop gros et trop grand.
En 1985 et 1986, Dargaud publia deux albums d’histoires courtes d’Evaristo, loin de recueillir l’ensemble des seize aventures de huit à seize planches. iLatina en propose la totalité dans cette belle intégrale qui fait office d’hommage à Solano Lopez, dessinateur populaire de la trempe d’un Jean-Yves Mitton et qui nous a quitté en 2011.
Evaristo use de la fiction pour mieux raconter l’Histoire de l’Argentine du milieu du XXème siècle en filigrane. Noir et efficace.
Laurent Lafourcade
PS : Nous devons tous rester chez nous, sauf nos amis de la santé et de la distribution alimentaire à qui nous pensons très fort. En ces temps compliqués, quoi de mieux que de lire des BD. Pour acheter ces beaux albums, si les librairies ont dû fermer leurs rideaux, n’oubliez pas que beaucoup d’entre elles proposent des services de vente par correspondance sur leurs sites. Alors, avant de vous précipiter sur les sites d’Amazan ou de la Fnoc, vérifiez si votre libraire de quartier ou de plus loin le fait.
One shot : Evaristo
Genre : Polar
Scénario : Carlos Sampayo
Dessins : Francisco Solano Lopez
Traduction : Thomas Dassance
Éditeur : iLatina
Nombre de pages : 220
Prix : 30 €
ISBN : 9782491042004
©BD-Best v3.5 / 2024 |