« - Pourquoi il vit tout seul, Papa ?
- Je ne sais pas, moi !... Peut-être parce que ton papa aimait beaucoup ta maman et quand elle est… euh… partie, il a préféré lui rester fidèle…
- Ah oui, fidèle ! Oui mais, après tout ce temps, il pourrait quand même se remarier !
- Tu sais, ton père n’a pas l’air si malheureux ! Il a sa vie de plombier qui l’occupe beaucoup. C’est rendez-vous sur rendez-vous ! »
Cinq grandes aventures de Jojo viennent clôturer la réédition en intégrale des aventures du gamin en salopette rouge et à la casquette immense. Précédées d’un dossier introductif de Morgan Di Salvia, elles sont chacune un petit caillou blanc sur le chemin de la carrière du regretté André Geerts.
Ce gros volume commence par La Ballade des quatre saisons, chronique intemporelle sur le temps qui passe, joli paradoxe. On y suit Jojo tout au long d’une année. De l’automne-cimetière à l’hiver-Noël, du printemps-amitiés à l’été-assoiffé. Toute l’essence de la série est réunie dans cet épisode atypique.
Dans Une fiancée pour papa, Jojo se sent investi d’une mission de la plus haute importance : trouver une fiancée pour son père. Le petit garçon a perdu sa maman il y a bien longtemps. Nous, lecteurs, ne l’avons jamais connu. Jojo a toujours habité chez sa mamie pendant que son père plombier était au turbin. Et qui mieux que Gros-Louis, le pote de toujours, pour l’aider dans ses recherches ? Pour son premier scénario de la série, Sergio Salma se glisse dans les bottes de Geerts avec respect, délicatesse et humour.
Dans une série qui parle aux enfants, quoi de mieux pour les toucher que de leur parler d’animaux ? C’est l’idée de génie de Jojo vétérinaire. Une histoire avec un certain Patatras qui est loin de faire patatras. Mais attention, Monsieur le Directeur n’est pas d’accord pour que l’école devienne un zoo.
Confisqué ! Ça chauffe pour Jojo le jour où le directeur de l’école, encore lui, est pris de confisquionite aiguë. Adieu la montre ancienne de plus de cent trente ans de son arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père ! Le petit garçon réussira-t-il à la récupérer ?
C’est à une mamie dépressive à cause de son grand âge que Jojo doit remonter le moral dans Mamy Blues. La croisière en méditerranée qu’elle vient de gagner va-t-elle lui redonner un petit coup de boost ? Cet épisode sur la maladie résonne comme un écho à celle contre laquelle André Geerts est en train de se battre. Il lui faudra l’aide d’Alain Mauricet et de Renaud Collin pour terminer cette histoire signée Sergio Salma.
L’actuel rédacteur en chef du journal Spirou Morgan Di Salvia signe le dossier introductif. Il ne nous cache rien de la vie privée de Geerts et des conséquences que cela a pu avoir sur son œuvre, de sa séparation jusqu’à la maladie qui l’a emporté. Il y parle également de l’engagement de l’auteur dans La BD contre le silence, traitant du difficile sujet du Sida chez les enfants, projet réalisé sous la houlette de Thierry Tinlot. Enfin, cette intégrale ne serait pas complète sans la nouvelle illustrée La visite de Mickaël Moore, petite perle qui justifie à elle seule l’intérêt d’une telle intégrale.
Cet ultime volume de l’intégrale Jojo laisse une saveur particulière, un goût bizarre quand on réalise que le mot Fin est en fait le mot Adieu. André Geerts nous a quitté en 2010 et Jojo est parti avec lui. Cette série avait tant de son créateur que toute reprise aurait été inenvisageable. Par bonheur, il nous reste toutes ces belles histoires de Jojo.
Jojo, c’est la jeunesse éternelle, celle que les vraies personnes, c’est-à-dire celles qui ne sont jamais devenues adultes, n’ont pas quitté l’enfance.
Jojo, c’est l’histoire d’un temps où l’on prenait le temps insufflé dans notre époque moderne. Ce n’est déjà plus comme autrefois mais ce n’est pas vraiment comme aujourd’hui. Si on aperçoit un téléphone portable ou un lecteur mp3, on écoute encore la maîtresse et on joue à la balançoire. Ainsi, Jojo, c’est presque un paradoxe temporel qui se fait dans un naturel tel que l’on ne se pose pas de question.
« Nul ne guérit de son enfance. » chantait Jean Ferrat. Mais à quoi bon si c’est pour vivre celle de Jojo.
Laurent Lafourcade
Geerts © Dupuis
Série : Jojo
Tome : Intégrale 4 - 2004-2010
Genre : Aventures humoristiques
Scénario : André Geerts, Sergio Salma
Dessins & Couleurs : André Geerts
Collection : Patrimoine
Éditeur : Dupuis
Nombre de pages : 312
Prix : 35 €
ISBN : 9791034747832
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