Une lumière dans le noir. Irena, l’ange du ghetto
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Une lumière dans le noir.  Irena, l’ange du ghetto

 

« - Pourquoi nous donner des fonds pour soulager la vie de ceux qu’ils ont de toute manière décidé d’exterminer ?

- Je ne suis pas sûre, mais peut-être y en a-t-il parmi eux qui ont encore un peu de compassion.

- On peut aussi voir ça comme le sadisme le plus extrême.

- Tu as raison, mais…à nous de profiter de ça. Quelles que soient leurs raisons, pour aider les prisonniers du ghetto à survivre. Le plus longtemps possible ! »

 

 

 

 

 

 

 

                Comme quasiment tous les jours, Antoni et Irena se rendent au ghetto de Varsovie. Ils font partie du service de l’aide sociale à la mairie de la capitale. En ce mois de mars 1941, une jeune femme de 24 ans meurt en laissant un petit garçon. Irena Sendlerowa va décider de changer le destin des enfants juifs promis à une mort certaine et organiser leurs évasions. Médecin, concierge, pédiatre, nourrice, conducteur, Irena prend tous les risques pour rassembler un ensemble de personnes de confiance. Mais en ces temps troubles, on ne peut être sûr de rien, ni de personne. Les bébés, endormis à la vodka, quittent le ghetto cachés dans des camions de marchandises. Un autre est lancé au-dessus du mur d’enceinte. Des enfants sont passés par les égouts. Un autre est caché dans le manteau et les bottes d’un ouvrier. Au fil du récit, on souffrira avec Irena dans les geôles nazies, on sera meurtris comme elle par les coups des bourreaux. Mais on apprendra aussi que la fin de la guerre ne coïncidera pas avec la fin des ennuis pour les juifs d’Europe de l’Est. Parallèlement, en 1983, Irena raconte sa vie au mémorial de la Shoah à Yad Vashem à Jérusalem, dans l’allée des Justes.

 

 

 

 

© Evrard, Morvan, Tréfouël, Walter - Glénat

 

 

Irena a existé. Résistante et militante polonaise, elle sauva 2500 enfants juifs du ghetto. Les auteurs entreprennent de raconter son combat sous forme de fiction. Séverine Tréfouël et Jean-David Morvan ont cherché à comprendre la vie de la Juste, faisant le tri dans les informations contradictoires qu’ils ont pu rencontrer dans divers ouvrages, afin de transmettre le mieux possible l’esprit de son combat. Irena pourrait être béatifiée. Non seulement, elle sauva les enfants, mais elle organisa tout pour qu’ils retrouvent leurs noms et leurs filiations pour le jour espéré où tout rentrerait dans l’ordre.

 

 

 

 

© Evrard, Morvan, Tréfouël, Walter - Glénat

 

 

                Le parti pris graphique est percutant. Par le biais d’un trait proche de la bande dessinée pour enfant, du « gros nez », David Evrard arrive à tirer des larmes aux lecteurs tellement ses acteurs sont criants de sincérité. Il dessine l’œuvre de sa vie. Irena se dévoile en femme déterminée, sûre d’elle. Antoni a le rôle parfait de la raison, analysant les limites entre la prise de risques et le choix judicieux. L’obersturmführer dégoûline de haine et de détestation. Les enfants sont criants d’innocence et d’émotion. Le découpage en grandes cases amène le lecteur au cœur de l’action et des sentiments, soit par de très gros plans, soit par des compositions à la « Où est Charlie » nous introduisant au cœur même du ghetto, dont l’insalubrité est montrée grâce aux couleurs boueuses de Walter.

 

 

 

 

© Evrard, Morvan, Tréfouël, Walter - Glénat

 

 

La série redéfinit la notion de super-héros. Ce n’est pas avec des super-pouvoirs que l’on sauve le monde, mais avec une âme. Nominée pour le prix Nobel de la paix en 2007, Irena ne l’obtient pas, au profit d’Al Gore, alertant sur l’évolution du climat. Elle mourra l’année suivante. Ce prix, elle le mérite tant qu’il n’est même pas concevable qu’on puisse se demander si seulement elle en aurait été légitime. Alors, si le jury du Nobel est passé à côté, le jury des lecteurs de cette extraordinaire série le lui attribue à l’unanimité.

 

 

 

 

© Evrard, Morvan, Tréfouël, Walter - Glénat

 

 

                Une place de choix est à réserver sur les étagères des bibliothèques à côté du chef-d’œuvre Maus d’Art Spiegelman. Parce que c’est une œuvre de mémoire, parce qu’on ne ressort pas indemne de sa lecture, et de par son sujet, son type de narration et son graphisme, Irena, cinq volumes scénarisés par Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël, dessinés par David Evrard et colorisés par Walter, regroupés ici en intégrale, est et restera la plus grande série des années 2010-2020.

 

 

 

Laurent Lafourcade

 

 

 

 

 

 

 

One shot : Irena, l’ange du ghetto

 

Genre : Drame historique 

 

Scénario : Jean-David Morvan & Séverine Tréfouël 

 

Dessins : David Evrard 

 

Couleurs : Walter 

 

Éditeur : Glénat

 

Nombre de pages : 344 

 

Prix : 35 €

 

ISBN : 9782344050606

 

 



Publié le 08/11/2021.


Source : Bd-best

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