« - John Difool, eek… écoute ! Attends ! J’ai quelque chose pour toi !
- Ah ouais !Heu… Et… Mais… Dis donc, comment tu connais mon nom ?
- Prends ça ! J… John Difool !... C’est important.
- Alors, cette chose connaît mon nom… Ça, c’est la meilleure !
- Vite ! Garde-le précieusement !... De cet objet dépend non seulement le sort de cette planète, mais celui de cet univers !
- De cet univers ? Qu’est-ce qu’il y a dans cette foutue boîte ?
- L’inc… l’incal ! Arggh.
- L’incal !? Qu’est-ce que c’est que cet engin, encore ? »
Un alien mourant confie à John Difool, minable détective de classe R, un petite boîte sans rien de particulier, à part une curieuse sensation… Le curieux l’ouvre et met le doigt dans un engrenage à emmerdements d’une taille réellement cosmique.
Quand on a l’Incal a soit, le métabolisme est modifié et la puissance vitale décuplée. On n’est plus tout à fait le même. L’Incal est fait ainsi. Tétraèdre lumineux, il ne parle jamais le premier. Il n’est pas un ordinateur, il est vivant. Il a uni ses lignes de forces avec celles de Difool pour que s’accomplisse la justice. Le détective est bien loin de ces considérations, mais l’entité lui renvoie devant ses questionnements existentiels en lui demandant qui est John Difool et combien sont-ils ?
Flanqué de compagnons d’(in)fortune aux tempéraments aussi divers que variés, Difool mène une quête initiatique, à la fois chassé et chasseur, dont l’Incal est le mystérieux objet de toutes les convoitises. Deepo, sorte de mini-ptérodactyle, est son Milou. Un Méta-Baron, à la carrure d’armoire à glaces, cherche à récupérer son fils Solune, détenu par une Reine qui en fait une monnaie d’échange contre la tête de Difool. Un butor à tête de chien, dévoué à sa Reine, agit crocs devant, sûrement mais bêtement. Un Prince insouciant, l’Ophidité Majeure, ne songe qu’à préserver sa beauté. Animah, déesse sublime , détient des clefs qui permettront à tous d’avancer et de comprendre.
John Difool est né de la rencontre entre Moebius et Jodorowsky. Après l’échec du projet Dune sur lequel ils travaillaient ensemble, les deux hommes occupent les pages de Métal Hurlant avec ce personnage, héros de courts récits reliés entre eux et qui formeront la saga de ce qui est aujourd’hui l’Incal. A l’heure des séries-concept qui font florès depuis quelques années (Le triangle secret, Alter Ego, Le décalogue,…), l’Incal fait figure de dinosaure, de source, d’exemple. En effet, Jodo enchaînera par Avant l’Incal avec Janjetov et La caste des Meta-barons, avec Juan Gimenez, faisant de la série un univers tentaculaire, riche et mystérieux.
L’Incal est une œuvre qui se mérite. Il ne faut pas la lire trop tôt sous peine de n’en desceller qu’un grand n’importe quoi. Chaque personnage a son importance propre dont les agissements induisent des interactions avec lui-même et avec les autres, pouvant bouleverser des destins. En grand ordonnateur, Jodorowski maîtrise son univers ésotérique, spatial et spécial. L’Incal est à la bande dessinée ce que Star Wars est au cinéma : un principe fondateur sur lequel reposent bien de leurs successeurs.
Cette intégrale en noir et blanc met en lumière le graphisme de Moëbius, qui, en parallèle à la rigueur et à l’exactitude d’un Jean Giraud, transpire la folie et la modernité.
L’univers de L’Incal est tout sauf manichéen. Son essence est d’une richesse incroyable : aventure, quête de soi, politique-action. Son statut de chef-d’œuvre est loin d’être volé.
Laurent Lafourcade
One shot : L’Incal—Intégrale Noir & Blanc
Genre : Aventure fantastique
Scénario : Alexandro Jodorowsky
Dessins : Moëbius
Éditeur : Les Humanoïdes associés
Nombre de pages : 320
Prix : 69,99 €
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