Winsor McCay à Cherbourg : LA grande rétrospective
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Winsor McCay à Cherbourg : LA grande rétrospective

Du 23 juin au 1er octobre, la 8e Biennale du 9e art, portée par la Ville de Cherbourg-en-Cotentin, met à l’honneur Winsor McCay, père de la bande dessinée américaine. L’occasion d’initier un cycle sur les auteurs américains et de relier Cherbourg à son histoire transatlantique. François Schuiten et Benoît Peeters sont du voyage, côté commissariat et scénographie. Cette magnifique rétrospective présentera une soixantaine d’originaux, dont la moitié de Little Nemo.


Présente-t-on encore Winsor McCay, le créateur de Little Nemo, personnage parmi les plus emblématiques de la bande dessinée et des arts graphiques américains, dont il fut l’un des pères fondateurs ? Ce pionnier du dessin animé est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands auteurs et illustrateurs du siècle dernier. Pourtant, les rares expositions monographiques qui ont pu lui être consacrées sont restées au sein de galeries ou de musées spécialisés dans la bande dessinée. La Ville de Cherbourg-en-Cotentin a choisi de lui rendre hommage à travers une grande rétrospective au sein de son musée des beauxarts, le 3e de Normandie. Elle replace l’œuvre de Winsor McCay dans le contexte artistique, économique et social de son époque, et met en perspective son héritage, considérable dans le domaine des arts visuels. L’exposition ne sera pas qu’historique. À travers les regards et les voix de Schuiten et Peeters, qui accompagneront le visiteur tout au long du parcours, elle fera dialoguer les chefs-d’œuvre créés par Winsor McCay et la création d’aujourd’hui.

60 planches originales et des archives inédites De nombreuses planches de McCay ont disparu au fil du temps. D’abord détruites par son fils, Robert, qui en découpa dans l’espoir de créer de nouvelles séquences, puis par des inondations et d’autres problèmes de conservation, les planches originales de Winsor McCay se font rares. Pour la plupart conservées par des collectionneurs privés, certaines n’ont jamais été montrées au public.

 

 

 

 

L’exposition cherbourgeoise présentera, pour la première fois, un ensemble exceptionnel de planches originales, toutes issues de collections privées, réunies par Bernard Mahé, expert, galeriste et collectionneur qui prête son concours aux commissaires de l’exposition, François Schuiten et Benoît Peeters. Ces originaux – soixante pièces, dont une trentaine de planches de Little Nemo – dialogueront avec les planches de contemporains de Winsor McCay (de Richard F. Outcault à Cliff Sterrett) et des Sunday pages en couleur, mais aussi avec des photographies, des affiches, des journaux et des films d’époque. Une place singulière sera également accordée aux dessins animés réalisés par McCay, à travers notamment la projection de son film sur la catastrophe du Lusitania.
Carte blanche à François Schuiten et Benoît Peeters La Ville de Cherbourg-en-Cotentin a donné carte blanche à François Schuiten et Benoît Peeters pour mettre en relief l’univers onirique et novateur de Winsor McCay. Pour ces amateurs d’utopie portuaire, déjà accueillis à Cherbourg comme invités d’honneur de la Biennale 2004, être commissaires de l’exposition est un défi enthousiasmant : « nous avons été immédiatement séduits par cette proposition. Réaliser cette exposition à Cherbourg-en-Cotentin constitue une évidence par rapport à l’histoire de la ville, son lien avec les Amériques, affirme François Schuiten. C’est une façon originale de revenir ici en proposant notre regard sur l’œuvre d’un dessinateur prodigieux, artiste avant-gardiste et protéiforme, qui a inventé le film d’animation, introduit la couleur dans les journaux américains…». Cette admiration pour Winsor McCay, son complice Benoît Peeters la partage amplement : « la dimension transatlantique, les échanges entre Cherbourg et les Etats-Unis, l’approche muséographique, sont très séduisants, de même que l’idée d’associer le regard d’un expert et collectionneur – Bernard Mahé qui prêtera les œuvres – avec un regard contemporain ».



Windsor MCcay par Benoît Peeters

 

La vie de Winsor McCay pourrait se résumer en deux mots : il dessina. « Je ne pouvais pas m’empêcher de dessiner tout et n’importe quoi », raconta-t-il un jour. Figure majeure de la bande dessinée américaine, père de Little Nemo in Slumberland (1905), pionnier du dessin animé, McCay était un précurseur, inspiré par New York et Chicago, par les villes portuaires et les utopies urbaines...

 

 

Né en 1869 au Canada (même s’il y a des incertitudes sur l’année et le lieu de naissance), il passe son enfance à Spring Lake, Michigan, dans un milieu rural et plutôt modeste. Désertant les cours, il fréquente les spectacles fantastiques d’un Wonderland, le parc d’attractions local très en vogue à l’époque. C’est là, vers 1887, que son amour immodéré du dessin trouve ses premières applications pratiques : les portraits et les caricatures qu’il brosse d’une main rapide trouvent facilement acquéreur. C’est là aussi que sa technique se perfectionne : McCay étudie passionnément la perspective auprès de John Goodison, professeur de dessin, qui déclare bientôt : « Si ce jeune homme ne fume pas trop de cigarettes, le monde va entendre parler de lui. Il a absorbé tout mon enseignement ».
Après un bref séjour à Chicago, dont l’architecture le marque profondément, McCay s’installe à Cincinnati, réalisant enseignes, affiches et toiles peintes pour le Vine Street Dime Museum. En 1898, le directeur d’un journal local propose au jeune artiste de rejoindre son équipe. Les exigences des journaux pour lesquels il travaille vont lui donner l’occasion d’expérimenter les techniques et les styles les plus divers, du dessin d’humour aux fresques patriotiques.

Parfois, il propose une séquence de cinq ou six dessins, ou une page intégrant texte et images de manière décorative. En 1903, il s’installe à New York et rejoint le New York Herald que dirige James Gordon Bennett. Pour concurrencer les journaux de Joseph Pulitzer, et surtout de William Randolph Hearst qui a vu dans la bande dessinée le plus sûr moyen de séduire de nouveaux lecteurs, Bennett demande à McCay de concevoir ses propres bandes. Après l’éphémère Mr Goodenough, le dessinateur crée en juillet 1904 sa première série importante, Little Sammy Sneeze, l’histoire d’un petit garçon affligé d’une redoutable capacité d’éternuement. Trois mois plus tard naissent les superbes et audacieux Dreams of the Rarebit Fiend (Cauchemars de l’amateur de fondue au chester), première œuvre de McCay à explorer les possibilités du rêve ; ces innombrables planches en noir et blanc, à l’imaginaire adulte et au ton souvent sombre, étaient signées du pseudonyme Silas. Pendant les premiers mois de 1905, le dessinateur crée encore The Story of Hungry Henrietta, ainsi qu’une nouvelle bande « pour adultes » : A Pilgrim’s Progress by Mister Bunion. Enfin, le 15 octobre 1905, Little Nemo in Slumberland fait son entrée, tout en couleurs, dans le supplément dominical du New York Herald. Dès la première planche, l’essentiel du système Nemo est en place : la première case occupée par le lit à la stricte géométrie, et la dernière montrant invariablement Little Nemo au pied de son lit. Six années durant, McCay fera explorer à son petit personnage, inspiré de son fils Robert, l’étrange territoire de Slumberland, prouvant semaine après semaine à quel point l’imagination véritable peut se nourrir de contraintes.
Comme beaucoup de précurseurs, McCay touche d’emblée au cœur du médium qu’il découvre. L’invention se double chez lui d’un véritable inventaire : ne cessant de s’étonner des figures qu’il met au jour, il explore de manière quasi méthodique les spécificités de la bande dessinée. Loin de penser ses cases de manière indépendante, McCay les conçoit d’emblée


comme les pièces d’un plus vaste dispositif : la planche. Le vaste espace de la Sunday page du New York Herald — large d’environ 40 cm et haut de 56 —, devait répondre à une double exigence : assez spectaculaire pour accrocher l’œil de celui qui feuilletait le journal d’une main distraite, il devait être suffisamment intrigant pour l’inciter à la lecture. Au fil des semaines, McCay multiplie les principes d’organisation de ses gigantesques planches. Quant à l’usage de la couleur, c’est l’un des plus accomplis de l’histoire de la bande dessinée. Servi par les tons à la fois vifs et subtils que des artisans hors pair obtiennent à partir de ses indications, McCay joue, en toute liberté, des effets de rupture et de continuité. Le plus stupéfiant est peut-être que la série ait pu maintenir un tel niveau de qualité, malgré le rythme de travail de McCay. Harcelé par son éditeur et contraint par une épouse dépensière, le dessinateur  pouvait travailler jusqu’à dix-huit heures par jour. Pendant ces années 1905-1910, durant lesquelles voient le jour beaucoup de ses chefs-d’œuvre, il livre chaque semaine, en plus d’une planche de Nemo, une demi-page des Cauchemars et d’innombrables illustrations. Le succès de Little Nemo est considérable et contribue largement à accroître l’audience du New York Herald. Traduite en sept langues, la série inspire un grand nombre de produits dérivés, des cartes à jouer aux vêtements enfantins. En 1908, Little Nemo est monté à Broadway sous forme de comédie musicale, avant de tourner avec succès à travers tous les Etats-Unis. En 1906, le dessinateur commence à apparaître sur les scènes de music-hall.
 
En 1911, en même temps qu’il cède aux offres de William Randolph Hearst, McCay se lance à corps perdu dans une nouvelle aventure. Après avoir porté la bande dessinée jusqu’à des sommets jamais dépassés, il devient l’un des pionniers du dessin animé. Ce nouveau médium, découvert à travers les flip books rapportés par son fils et les premières œuvres d’Emile Cohl et James Stuart Blackton, l’enthousiasme d’emblée. Sa première incursion dans le domaine de l’animation est une aventure de Little Nemo. De nombreux spectateurs ne croient pas à des dessins et pensent à des photographies truquées. Désireux de faire saisir aux spectateurs les enjeux du dessin animé, McCay, toujours entièrement seul, réalise un deuxième film en janvier 1912 : How a Mosquito Operates. « Pour éviter ce genre de malentendus, raconta-t-il, j’ai dessiné un énorme moustique ridicule qui tourmentait un homme endormi (…). Le public fut séduit, mais continua à penser que le moustique était une sorte de marionnette, manipulée par des fils invisibles. (...) Mon troisième essai, avec lequel je comptais bien convaincre les sceptiques, fut le bon. J’y parvins en dessinant ma fameuse Gertie, le monstre préhistorique dont le modèle a vécu il y a quelques treize millions d’années. (…) Cette fois, les gens étaient enfin convaincus qu’ils avaient sous les yeux des images dessinées à la main. » Projetés dans les salles de cinéma, ces différents films enrichissaient le numéro de music-hall présenté par McCay. S’interposant entre le public et l’écran, il faisait en direct les bruitages sonores, allant même jusqu’à donner la réplique à Gertie. Dans ses réalisations suivantes, McCay se montra tout aussi novateur, explorant d’autres possibilités du cinéma d’animation.
Avec Le Naufrage du Lusitania, en 1918, il créait le dessin animé documentaire : en présentant sous tous les angles le navire qui s’enfonçait lentement dans les flots, le dessinateur donnait à voir ce qu’aucune caméra de prises de vues réelles n’était parvenue à montrer. Agacé par le manque de disponibilité de McCay, Hearst exige de lui qu’il arrête son « badinage avec la scène » et dessine des illustrations sérieuses pour accompagner les éditoriaux réactionnaires et moralisants de ses journaux. L’invention se tarit peu à peu, même si la technique demeure éblouissante.

Le jeudi 26 juillet 1934, Winsor McCay pousse un cri : « Ma main droite... C’est fini, fini ! ». Et de fait, il ne survit que quelques heures à sa main paralysée. Le lendemain matin, l’Herald Tribune publie, en même temps que le dessin qu’il n’a pu achever, les témoignages admiratifs des principaux dessinateurs du pays. Au fil des ans pourtant, son œuvre sombre peu à peu dans l’oubli. Il faudra attendre les années soixante pour que, lentement, ses bandes dessinées et ses films d’animation commencent à retrouver leur place. Sa gloire, depuis, n’a cessé de grandir. Admiré par Moebius et Miyazaki, Art Spiegelman, Chris Ware et d’innombrables autres auteurs à travers le monde, Winsor McCay est considéré aujourd’hui, tous domaines confondus, comme l’un des artistes majeurs du début du XXe siècle.


MUSÉE THOMAS HENRY Le Quasar

Esplanade de la laïcité 50100 Cherbourg-en-Cotentin

Contact : +33 02 33 23 39 30

Web : www.ville-cherbourg.fr

Ouvert du mardi au vendredi, 10h-12h30 et 14h-18h samedi et dimanche, 13h-18h Fermé les lundis et jours fériés.


Pays : France

Date de l'événement : du 23/06/2017 au 01/10/2017.

Publié le 18/05/2017.


Source : Bd-best

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