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Wyoming, avril 1876, Richard Hatton, fermier, part en ville avec sa fille Anna et son fils Tom, faire quelques courses. Au milieu de nulle part, il laisse sa femme au ranch sans inquiétude.
A peine parti, 3 cavaliers apparaissent au loin.
A son retour, sa vie s'arrête ...
Commence alors pour lui et ses enfants une longue traque à travers plusieurs états ...
Animé par un indescriptible sentiment de haine et de vengeance, il recherche Jim Pickford et ses deux complices.
Entraînant ses enfants dans sa chasse, il a tout abandonné derrière eux ... mais en réalité, que lui restait-il derrière lui ? Plus rien !!!!
Car contrairement aux dires du shériff, même avec le temps, son désir de vengeance ne passera pas ! Et inutile de compter sur les autorités pour retrouver et arrêter les salopards. Elles sont trop peu nombreuses pour se lancer à leurs trousses ...
C'est ainsi que Richard, Anna et Tom se retrouvent dans les montagnes enneigées du Montana en novembre 1876. Malgré un relief hostile, une météo hivernale abominable, ils n'auraient plus que 3 heures de retard sur Pickford et ses hommes !
Pas question de s'arrêter ... pourtant les circonstances pourraient bien les forcer à ...

© David Wautier - Editions Anspach 2024
Un western, certifié "classique", centré sur une vengeance personnelle ! Ce n'est évidemment pas un thème nouveau. Films, romans, BD ... tous l'ont déjà repris, exploité, disséqué en long et en large.
Néanmoins, David Wautier réussit à nous scotcher sur son récit. Un scénario où les grands espaces servent de décors à un phénoménal chemin de rédemption qui passe par l'accomplissement d'une vengeance. Rédemption car il est évident que Richard s'en veut d'être parti ce jour-là en ville, d'avoir laissé sa femme sans défense au ranch, d'avoir ainsi privé Anna et tom de leur mère !
Dans son malheur, il en oublie l'essentiel ... En acceptant que son fils l'accompagne à la dernière minute, il lui a néanmoins "sauvé" également la vie !

© David Wautier - Editions Anspach 2024
Faisant la part belle aux grands espaces enneigés (souvenirs des carnets de voyage qu'il remplit depuis 2012), David Wautier, par son graphisme semi-réaliste et sa palette de couleurs, transcende un récit de vengeance en quête de l'absolu "repos de l'âme" pour son héros. Ce besoin d'assouvir sa haine pour enfin retrouver l'envie de vivre peut-être, de faire son deuil en passant à autre chose ... ses enfants !
Par son trait, ressemblant parfois plus à une esquisse, un croquis semi-fini, un jeu de lumière faisant la part belle aux teintes ogres et chaudes dans la prairie, bleues et froides dans la montagne, David Wautier joue sur l'atmosphère tragique et l'ambiance entourant ses personnages.
Pas de grands actes héroïques, de duels épiques, de longs discours philosophiques ou d'ennuyeux dialogues théâtraux ... rien de tout cela ! Juste un homme cherchant à apaiser sa douleur de la perte de l'être aimé, violemment enlevé par 3 brutes.

© David Wautier - Editions Anspach 2024
Une montée en puissance, une tension parfaitement maîtrisée qui augmente au fur et à mesure que le récit avance, avec ses flash backs familiaux permettant de réaliser que Richard n'a rien d'un héros ! Juste un homme, qui avec sa femme, s'installe au milieu de la prairie pour y construire son foyer, sa famille.
Un découpage aussi bien de la chronologie que des planches judicieux, rendant bien ce sentiment de vengeance nourrissant le père.
L'essentiel pour cerner ce personnage lambda meurtri par une brutale disparition, sa psychologie et son cheminement vers sa quête vengeresse ! Cheminement aveugle et obsessionnel acceptant à la limite de perdre ce qui lui reste d'humanité, de famille, sa fille et son fils !
D'où cette relation père - enfants qui lentement en subit les affres au point de se dégrader petit à petit, notamment entre Tom, le plus jeune, et son père ...
Récit humain avant tout dans un décors somptueux et grandiose à la fois !

© David Wautier - Editions Anspach 2024 - Planche inédite offerte aux contributeurs Ulule
Une tragédie grecque classique en plein western dans ce Montana sauvage du XIXe siècle comme décors !
Thierry Ligot
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Titre : La Vengeance
Scénario, dessin, couleurs : David Wautier
Editeur : Editions Anspach
Genre : western
Thème : vengeance
Parution : 15/03/2024
Pages : 96
Format : 26,7 x 20,7 x 1,5 cm
ISBN : 978-2-93110522-1
Prix : 19,50 €
La vie est un bien précieux dont, dans l'insouciance de notre petit quotidien bien feutré, on peut en oublier le prix, la valeur, l'inestimable unicité.
En 2020 pourtant, alors que rien ne le présageait réellement, nous en avons découvert, de façon mondiale, la fragilité. Fragilité face à une pandémie qui se répandit à travers le globe comme une traînée de poudre ... au point d'en arriver à des solutions extrêmes ... car souvent un rien "désespérées" par nos gouvernants ! Le confinement général et quasi mondial !
Mais parallèlement à ce fléau, la vie de chacun devait se poursuivre avec ses propres affres et combats. Jean-Christophe Chauzy le découvre en apprenant qu'il souffre d'une myélofibrose, maladie de sang rare et très grave ! Seule une greffe urgente de moelle osseuse peut le sauver. La sienne ne produit plus assez de plaquette !

© Jean-Christophe Chauzy, Casterman 2024
Néanmoins, une lueur dans son malheur, le sang de sa sœur Corinne est 100 % compatible avec le sien !
Un long et douloureux combat s'engage alors pour lui. Avec ses espoirs et moments de découragement, de doute, sa vie bascule, ses souvenirs se bousculent, son existence défile dans sa tête.
Remords ... regrets ... que n'avons-nous pas encore réalisé ? Qu'aurions-nous pu faire ? Que devrions-nous encore faire ? Que de questions ? Mais aurais-je le temps de tout faire ?
Jean-Christophe vit avec "sa chérie". Une vie s'ouvrait à eux ... avec ou sans Covid, tout leur était possible ... Mais qu'en est-il subitement ? Avant d'entamer son traitement, ne serait-il pas temps d'officialiser leur relation ... surtout s'il venait à mourir ? Quelle plus belle preuve d'amour que cela ? Un mariage en plein confinement ? Impossible sauf si un pronostic vital était engagé ... et c'est bien le cas ...
© Jean-Christophe Chauzy, Casterman 2024
Dans cette guerre qu'il n'a ni voulue, ni cherchée, sa seule arme sera sa volonté de vivre ! Ses seuls alliés, son entourage ... mais à distance car c'est dans une chambre stérile d'abord qu'il devra livrer ses premiers combats, et isolé ensuite pour cause de confinement. L'objet de ce dernier : la possession de son corps !
Un bouleversant témoignage d'un véritable chemin de croix intérieur pour l'auteur qui dans les 4 tomes de "Le reste du monde" avait déjà abordé le thème de la survivance. Mais si alors, dans une fiction, il s'agissait de survivre à un monde apocalyptique pour une famille, ici c'est face à lui-même et à la maladie qu'il s'agira de résister.
Ode à la vie, à l'espoir d'un doublement "survivant" ! Patient de sa maladie, patient dans sa guérison, survivant de l'un, survivant au Covid, Jean-Christophe Chauzy livre un récit unique ... que lui seul pouvait raconter !
© Jean-Christophe Chauzy, Casterman 2024
Après ses récits d'humour, chroniques sociales, histoires légères tendance thriller, récits post-apocalyptiques, voici désormais le drame humain, témoignage autobiographique poignant d'une lutte de deux années d'épreuves dont la sentence finale restait inconnue au départ ...
Narration sans tabou, ni censure ... âme sensible s'abstenir !
"Il faut que tu gardes le moral !" est l'une des pires phrases que j'ai pu entendre durant ces années. (Jean-Christophe Chauzy)
Découpage classique entrecoupé de planches aérées ou plutôt explosées, jouant sur les espaces en fonction des chocs émotionnels du narrateur, par son graphisme brut et sans concession, Chauzy plonge le lecteur dans les tourments de son esprit, l'invitant dans ses cauchemars et pensées sombres. Difficile de ne pas ressentir sa détresse dans sa lente traversée du désert sanitaire ... Et pour ne pas s'en laisser distraire, une palette de couleurs qui renforce chaque instant ! Entre noir et rouge, entre sa perception du monde et la couleur de son sang, toutes les nuances de gris y passent ...

© Jean-Christophe Chauzy, Casterman 2024
Car finalement, Chauzy peut se dire ...
"j'ai vécu une aventure extraordinaire qui se poursuit chaque jour. Elle me parait consistante, effrayante et belle. Pourquoi ne pas la raconter ? Comment faire ? Par quoi commencer ? C'est simple. On a tous un corps, pas vrai ? Le mien est né un jour ensoleillé d'avril 2020."
Tout cela grâce à un "Sang neuf" !
Thierry Ligot
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Titre : Sang Neuf
Scénario, dessin, couleurs : Jean-Christophe Chauzy
Editeur : Casterman
Parution : 6 mars 2024
Page : 256
Format : 19,5 x 26 cm
ISBN : 978-2-203-25099-4
Prix : 26,90 €
Entre fiction et réalité, Guy Lefranc se retrouve à nouveau confronté à des événements historiques parfois méconnus.
Printemps 1963, profitant de quelques jours de vacances, il part en Espagne dans l'espoir la trace de son oncle disparu à la bataille de l'Ebre en juillet 1938, durant la Guerre civile espagnole.
D'après son ami, l'inspecteur Renard, ce dernier aurait été sauvé par une militante anarchiste du nom de Inès de la Cerna et ne serait, en réalité, décédé qu'en avril 1946 à Mojacar.
C'est ainsi qu'il part pour Garrucha, un petit port de la province d'Almeria, près du village de Mojacar. A peine arrivé, il assiste à une violente altercation entre un pêcheur, Roberto Manzanedo, et une jeune femme descendant du même car que lui.
Le lendemain, alors qu'il rencontre Inès de la Cerna et apprend la vérité sur son oncle, il découvre que la jeune femme du car n'est autre que la fille d'Inès et de son oncle Antoine, bref, sa cousine germaine !
Inès lui raconte sa vie avec son oncle et leurs différents avec Roberto Manzanedo. Ancien membre de la Phalange, de la Légion Azul, c'est un réactionnaire ultranationaliste qui voue une haine sans borne pour les Américains !

© Seiter - Régric - Casterman 2024
Par ailleurs, de l'autre côté de l'Atlantique, en Caroline du Nord, sur la base du 51e Groupe de bombardiers du Strategic Air Command, 2 B-52 Stratofortress décollent. Chacun d'eux embarque 4 bombes H. Leur mission, protéger le monde libre d'une attaque nucléaire soviétique. Ils survolent notamment l'Atlantique, l'Espagne et la Méditerranée. Des missions de 24h comportant plusieurs ravitaillements en vol attendent les équipages de 6 hommes.
A bord du 258, le capitaine Charles F. Wendorf est un habitué de ce type de mission. Malheureusement, lors du dernier ravitaillement, au-dessus de l'Espagne, son bombardier entre en collision avec son ravitailleur ! Les 2 avions explosent en plein ciel et sème au-dessus d'Almeria des tonnes de débris de toutes tailles ... et les 4 bombes H !

© Seiter - Régric - Casterman 2024
Au même moment, le chalutier "Alcazar" de Manzanedo, pêche dans les parages. Assistant au drame, il repère 8 parachutes ! 4 blancs des survivants du bombardier et 4 orange-blanc ... avec les bombes ! Dont une tombe près du bateau ...
Trois sont rapidement localisées et récupérées par les Américains ! Pourtant la 4e reste introuvable ! Tombée en mer, les recherches ne donnent rien et pour cause ...
Guy assiste également à la catastrophe. Pressentant le bon reportage, il décide d'investiguer mais se trouve immédiatement confronté au secret militaire et à la chape de plomb que les autorités américaines et espagnoles jettent sur l'accident.
Plus qu'un simple reportage, il se retrouve plonger dans une intrigue politico-policière aux relents de Guerre civile espagnole et de Guerre froide ! Le tout sur fond d'une histoire d'amour entre l'oncle disparu, Antoine Lefranc et une belle Espagnole, Inès de la Cerna ! Le parfait dosage des aventures classiques de Guy Lefranc tel que Jacques Martin l'imaginait pour ses albums.

© Seiter - Régric - Casterman 2024
Roger Seiter s'inspire néanmoins librement de faits réels.
En effet, le 17 janvier 1966, lors de grandes manœuvres américaines dans la région, un bombardier B-52 entra en collision avec son avion ravitailleur, au-dessus du village de Palomares, dans la province d'Alméria. Il embarquait 4 bombes H. Deux furent détruites sans exploser en touchant le sol, une est récupérée intacte grâce à son parachute. Donc trois furent immédiatement retrouvées.
La dernière plongea dans l'océan. Il faudra 89 jours de recherches intenses aux Américains pour la localiser et la repêcher.
Côté graphisme, dessin, mise en page, angles de vue, ... Régric est bien toujours dans le respect du trait martinien "classique". Un plaisir visuel renouvelé à chaque nouvel album !
Pour les amateurs, Canal BD a évidemment édité une version avec une couverture unique ... même si elle pourrait en rappeler une autre ...

© Seiter - Régric - Casterman - Canal BD 2024
Un 35e tome bien dans la lignée de la série imaginée, il y a plus de 70 ans (1952) par Jacques Martin, dont l'héritage ne cesse de s'enrichir.
Thierry Ligot
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Série : Guy Lefranc
Tome : 35 - Bombes H sur Almeria
Scénario : Roger Seiter
Dessin : Régric
Couleurs : Bruno Wesel
Editeur : Casterman
Parution : 13/3/2024
Page : 46
Format : 32 x 23,4 cm
ISBN : 978-2-2032-4154-1
Prix : 12,50 €
Lucien, sa sœur Violette et leur bande de copains se retrouvent mêler à une étrange affaire de poules massacrées, qui va les mener aux dérives d'un journalisme naissant !
Lucien vient d'intégrer son nouveau collège avec ses amis.
Mme Bertin et M. Martin, leurs professeurs, proposent à sa classe de créer un club journal.
L'objectif sera de faire partie d'un groupe, de savoir s'écouter les uns les autres ... pour travailler ensemble ! Il s'agira d'une réalisation personnelle, au service d'une production collective.
Fan d'investigations et d'enquêtes, Lucien se propose avec d'autres.
Quel meilleur sujet pour Lucien justement que ce monstre s'attaquant aux poulaillers des villageois y faisant des ravages.
Mais voilà que les autres du club décident de s'en occuper eux-mêmes, en exagérant les faits afin de faire du sensationnel !
Ils confient à Lucien la mission de couvrir la fête foraine arrivée en ville dernièrement. Sujet peu passionnant pour lui, bien qu'il lui permette de rencontrer Maria, une jeune foraine de son âge, avec son chien Caboche ! Sorte d'énorme mélange de briard et de berger portugais, plein de poils mais adorable toutou incapable de faire de mal à une mouche.
© Alexis Horellou - Delphine Le Lay - Casterman 2024
Par ailleurs, quelque part dans la région, deux bons à rien participent à des combats de chiens illégaux. A la recherche d'un nouveau combattant, ils échafaudent un plan machiavélique pour capturer Caboche en manipulant les apprentis-journalistes !
Entraînés par leur volonté de surenchérir numéro après numéro, les camarades de Lucien publient tous les jours un nouveau journal ... mais sans en vérifier les informations ! Résultat, ils réussissent à semer la panique en ville, à faire fuir les gens de la foire foraine et donc à se mettre les forains à dos ...
Lucien réussira-t-il à calmer le jeu, à démêler le vrai du faux ... comme tout bon journaliste doit le faire ? A voir ...
© Alexis Horellou - Delphine Le Lay - Casterman 2024
Tous les ingrédients pour une gentille intrigue jeunesse : combats de chiens illégaux, étudiants désirant lancer un journal de collège mais dont certains membres visent le sensationnel, mystérieux mangeur de poules rôdant dans la région, kermesse avec un gigantesque chien, ...
Un scénario bien construit, agréable à suivre, même si peut-être, ici et là, un rien trop dense au niveau de sa mise en page. Ces dernières sont parfois trop chargées en texte, bulles, ... noyant le dessin ... Ceci dit, cela donne aussi le rythme et l'intensité des scènes.
L'idée d'insérer copie du journal de l'école dans la narration rend cependant celle-ci plus légère et autorise certaines ellipses bienvenues.
Côté graphisme, dessin et couleurs conservent les mêmes qualités que les tomes précédents. Un trait avenant que le jeune lectorat a plébiscité, une mise en page originale et sortant du trop classique damier, des couleurs soutenant les ambiances diverses, ... Bref, un joli travail qui plaît, malgré notre bémol exprimé plus haut.

© Alexis Horellou - Delphine Le Lay - Casterman 2024
Après les 3 premiers tomes, ce 4e opus reste cohérent avec les précédents.
Pour rappel, dans le 1, la famille de Lucien s'installait à la campagne ; dans le 2, les enfants partaient en vacances d'hiver chez leurs grands-parents et dans le 3, ils partaient en voyage scolaire dans un vieux château hanté.
4 récits, 4 investigations différentes, 4 histoires qui plairont aux jeunes lecteurs, passionnés d'enquêtes et d'investigations avec un aspect pédagogique intéressant.
L'album est préfacé par Laurent Cordonier, sociologue. Une réflexion sur notre façon d'appréhender le monde de l'information qui nous entoure, sur notre dépendance parfois aveugle aux témoignages d'autrui, y compris de personnes ou sources inconnues et non vérifiées ... sur le seul et unique argument "qu'ils l'ont dit et mis sur internet" ou autre !

© Alexis Horellou - Delphine Le Lay - Casterman 2024
Autre petit "plus", un petit dossier pédagogique présente la démarche à suivre afin de créer un journal en partant de rien ... du choix de son nom à son mode de diffusion ... 7 pages bien pratiques et aisément compréhensibles pour tous.
Un excellent choix de BD "engagée" pour introduire, en classe ou à la maison, à des jeunes de 8 à 12 ans, une réflexion sur l'information et les médias.
Pas pour rien que la série récolte tant de prix littéraire jeunesse !
Thierry Ligot
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Série : Lucien et les mystérieux phénomènes
Tome : 4 - Le colosse de Maria Lhaurens
Scénario & couleurs : Delphine Le lay
Dessin & couleurs : Alexis Horellou
Editeur : Casterman
Thèmes : enquête, journalisme
Public : jeunesse, 8 - 12 ans
Parution : 6 mars 2024
Page : 96
Format : 22,6 x 30,3 x 1,3 cm
ISBN : 978-2-203-23132-0
Prix : 14,95 €
Un nouveau MOOK est toujours une invitation au voyage, à l'aventure, à la découverte ! Et ce numéro 19 ne fera pas exception à la règle.
Son thème ? Un endroit où ses aventures conduiront quelques fois Tintin !
De "L'oreille cassée" aux Picaros, notre reporter arpentera ses sentiers dans tous les sens et quand on parle de sentiers, c'est au sens large ... routes, sentiers, voies ferrées, cours d'eau, pistes à travers la jungle, ...
L'Amérique du Sud évidemment ! Destination ayant toujours eu une sonorité particulière dans l'oreille d'Hergé. N'était-ce pas en Argentine qu'il a, après la guerre, dans un moment de doute sur son avenir de dessinateur, envisagé d'aller s'installer ?
Terres de prédilection de bien des légendes, de mystères, de civilisations anciennes voire perdues, l'Amérique du Sud est un continent propice à tous les rêves d'exploration.
De paysages extraordinaires à des sites légendaires, de nombreux auteurs firent de l'Amérique latine le théâtre des aventures de leurs héros : Bob Morane, Tif et Tondu, Spirou, Corto Maltese, ... pour ne citer qu'eux !
Hergé y voyait également une terre propice au surnaturel où le mot "aventure" s'écrit avec un "A" majuscule.
D'ailleurs en parlant d'aventuriers, d'explorateurs, savez-vous qui a inspiré Ridgewell, l'Occidental vivant au milieu des Arumbayas dans "L'Oreille cassée" ? La réponse dans la rubrique "Face à face", page 74.

© Hergé – Tintinimaginatio 2024
Et des envies d'exploration, certains invités de ce numéro en ont l'ADN.
Eric Fottorino, homme de presse, grand reporter et romancier, reconnaît volontiers une certaine influence d'Hergé et de Tintin dans son choix de vie.
Thomas Ott, connu pour ses cartes à gratter en noir et blanc, muettes, développant un univers obscur, s'inspire fréquemment des albums les plus sombres de Tintin.
A noter encore, deux nouvelles rubriques : "La culture c'est l'aventure" reprenant des livres, films, ... parlant de l'Amérique latine, et "L'aventure des idées". Cette dernière confiée à la philosophe Laurence Devillairs, propose une réflexion sur l'Art dans l'œuvre d'Hergé.

© Hergé – Tintinimaginatio 2024
Côté BD, 2 invités de marque !
Le premier est justement repris dans la rubrique "La culture c'est l'aventure". Fabien Nury, l'auteur de la saga "Charlotte impératrice", dont 8 planches sont reprises ici. Il nous partage quelques confidences sur le 3e tome de sa série. L'occasion pour lui de reconnaître, ici et là, quelques parallélismes possibles avec Tintin, son univers ou certains de ses personnages. Mais également les différences dues à des époques de création différentes. Un savant dosage de fiction dans une réalité historique, mêlé parfois d'ingrédients mythologiques ou religieux, avec quelques enjeux de pouvoir, tout cela enrobant une passionnante aventure du héros ... !

© Hergé – Tintinimaginatio 2024
Le second, Didier Tronchet, est connu pour ses séries "Raymond Calbuth", "Raoul Fulgurex" ou "Jean-Claude Tergal". Lors de son entretien, nous apprenons notamment que pour lui Tintin était l'échappatoire parfait pour échapper au quotidien et à son ennui !
Mais n'était-ce pas le cas pour tous les lecteurs du petit reporter ? Et son sentiment de compréhension de ce qu'a dû ressentir le Yéti dans la dernière case de l'album mythique "Tintin au Tibet" !

© Hergé – Tintinimaginatio 2024
Et comme à chaque revue, des archives et croquis inédits d'Hergé, de superbes photos de GEO qui illustrent ces reportages passionnants, ...
De quoi émerveillés tous les Tintin que nous sommes.
Un 19e numéro rempli d'exotisme et de rêve d'aventure, riche en rencontres et entretiens. A lire pour s'évader vu cette météo maussade de ces derniers jours.
Thierry Ligot
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Série : Tintin c’est l’aventure
Titre : Mondes sud-américains
Tome : 19 (Fév – Avril 2024)
Éditeur : Éditions Moulinsart – Géo – Prisma Media
Parution : 28 février 2024
Nombre de pages : 144
ISBN : 978-2-8104-3918-8
Prix : 19,99 €
- Ne faites pas cette tête, Wayne, c'est une aventure fantastique que nous entreprenons là !
- Enfermés pendant des mois sur un navire puant, je ne vois pas de quoi, je ne vois pas de quoi me réjouir.
- Allons, c'est un immense honneur d'assister le professeur Pool sur cette expédition scientifique ... Un pair du royaume !
- Un vieux gâteux qui s'extasie devant la moindre fiente de goéland ...
- De plus, nos missions sont simples : vous, l'aspect sanitaire, moi, la sécurité du professeur.
- Parce que vous croyez qu'il va se contenter de ça ? Ce type est un tortionnaire !
- MAJOR BURNS, DOCTEUR WAYNE !
- Ça y est, les ennuis commencent.
Voilà de quoi nous avertir immédiatement et nous mettre au parfum !
Cet album ne sera pas de tout repos pour le major Jones et le docteur Wayne. Chargés d'escorter le professeur Pool dans ses expéditions au bord du "HMS Queen Victoria", ils ne risquent pas de s'ennuyer.
Dix étapes, dix petites aventures ou plutôt mésaventures qui les conduiront des Açores en Chine, en passant par les Indes, pour un retour fracassant à Londres ! Un périple rempli de surprises ... et rarement heureuses !
© Devig - Fluide Glacial - 2024
De la carte au trésor, qui n'en est pas une, au monstre Pangu, terrifiant serpent de mer chinois élevé pour "détruire l'envahisseur britannique", autrement dit le "Queen Victoria" au minimum, nos deux enquêteurs auront bien de la peine à garder tout leur flegme so british !
Mais que serait ces 2 gentlemen sans leur humour noir afin de résoudre énigmes et mystères ?
Fort de leur mission de protection du professeur Pool, leur chemin les fait visiter la crypte des Chevaliers de St-Jean, croiser un vaisseau fantôme, rechercher du jus de momie, explorer une île inconnue (Delos W. Lovelace ne l'aurait pas renier ... à moins que ce ne soit l'inverse !), les 3 "héros" réussissent toujours à s'en sortir (quasi) indemnes ...
D'accord, leur "morale" à chacune de leurs péripéties laisse peut-être à désirer ... mais n'est-ce pas aussi cela l'humour anglais ?
Et vu qu'il leur faut bien une "méchante", une "mauvaise" et qu'ils sont anglais, ce sera la Pie, redoutable mais jolie archéologue française sans scrupule !

© Devig - Fluide Glacial - 2024
Sur ce ton qui a fait le succès des deux premiers tomes de la série, Devig poursuit sa parodie des expéditions scientifiques du XIXe siècle. Un savant dosage de Sir Conan Doyle pour le côté détectives anglais, de Jules Verne pour l'aspect aventures, de Jonathan Swift, voire d'Henry Fielding pour cette touche d'humour cruel et cynique à la fois !
Ce charmant exquis mélange rend la lecture de ce 3e opus légère et désopilante.
Devig, avec son humour au second degré, son trait ligne claire bien académique, joue avec le rocambolesque de chaque situation. Il en profite pour insister sur le côté parfois farfelu des embûches auxquelles ils confrontent ses personnages.

© Devig - Fluide Glacial - 2024
Petit "bonus", chaque épisode se clôture par une note pédagogique sur le lieu ou le mystère repris !
Bref, une agréable lecture sans prise de tête, légèrement hilarante et loufoque ! Parfaite pour débuter ce week end !
Thierry Ligot
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Série : Major Burns
Tome : 3 - Les pittoresques expéditions du Major Burns
Scénario, dessin, couleurs : Devig
Editeur : Fluide Glacial
Public : tout public
Parution : 6 mars 2024
Page : 56
Format : 32,1 x 24,2 cm
ISBN : 979-10-38206-79-3
Prix : 15,9 €
Il est des chroniques plus agréables que d'autres. Des chroniques qui donnent "faim". Faim de savoir, de découvertes, de plaisirs, de détente, de rire, ...
Et d'autres qui donnent soif ! Une soif de savoir aussi, mais parfois simplement soif de saveurs, de senteurs, de goûts !
Et celle-ci en fait largement partie !
Evidemment, il s'agit d'être sensible à son sujet ! Mais mea culpa, ici, je ne puis être totalement objectif !
Celles et ceux qui me connaissent un peu vous diront sans risque mon amour pour une certaine bière trappiste ... l'Orval pour ne pas la citer !
Mais pas que ... Amateur à mes heures d'un autre breuvage divin, le whisky !
Ecossais, irlandais entre autres ... mais aussi japonais !
Dès lors, comment ne pas se plonger avec délectation dans "Whisky San" ?
Fabien Rodhain, Didier Alcante nous narrent avec brio et passion l'incroyable "épopée" du créateur du 1er whisky japonais : Masataka Taketsuru.
Car épopée, ce fut bien le cas. Issu d'une célèbre famille de brasseurs de saké depuis 1733, comment imaginer pour son père que son unique héritier rêve de créer le premier whisky japonais ?
A 6 ans, son grand-père lui raconte l'arrivée du whisky au Japon. C'était en mars 1854. Une flottille américaine sous les ordres du Commodore Matthew Perry arrive au Japon pour forcer le Shogun à ouvrir ses frontières au commerce international.
Dans leurs bagages, des cadeaux ... et parmi eux, un tonnelet de "whiskey" inconnu au pays du Soleil levant.
- C'était bon ?
- Bon ? Oh non, ce n'était pas simplement bon. C'était ... inattendu, délicieux, puissant, incroyable ! C'était comme si le soleil était descendu dans ma gorge !

© Rodhain - Alcante - Grande - Grand Angle 2024
Ainsi naît dans la tête du petit Masataka ce rêve insensé !
"Coup de chance", deux ans plus tard, lors d'une petite bagarre avec des condisciples à l'école, il prend la défense d'un gaïjin écossais, nouvellement arrivé dans son école, Craig McConnell et ... un mauvais coup lui casse le nez !
Un nez cassé et surtout la naissance d'une amitié qui lui offre sa première gorgée de whisky !
De son nez fracturé naît également sa faculté exceptionnelle à reconnaître, décortiquer, analyser les différentes senteurs l'entourant ! Cette bénédiction des dieux le mènera de fil en aiguille à rencontrer son mentor, futur partenaire, avant d'être concurrent, Shinjiro Torii, puis à partir en Ecosse parfaire ses connaissances sur la distillation de ce breuvage de "sauvages". Là, il y rencontrera Rita Cowan, sa future épouse !
Et son parcours se poursuivit au hasard de rencontres, avec cette volonté inébranlable de réussir.
Mais le défi est de taille. Réussira-t-il et jusqu'à quel point ce rêve deviendra-t-il réalité ?

© Rodhain - Alcante - Grande - Grand Angle 2024
Ode à l'abnégation d'un homme qui consacrera sa vie entière à réaliser un rêve de gamin. Celui, après avoir entendu le récit de son grand-père, de créer ce premier whisky japonais !
Entre échecs, obstacles, incompréhension de son entourage familial, moqueries, concurrence, allant jusqu'à braver tradition séculaire et autorité paternelle, Masataka s'y plongera corps et âme !
Car oui, oser produire un whisky japonais au pays du saké est pire qu'un sacrilège et mériterait à ces auteurs de se faire seppuku immédiatement !
Un scénario à 4 mains, rythmé et passionné. Alors que le second tome de leur série des "Damnés de l'or brun" sort également en librairie, le duo Rodhain / Alcante s'offre une récréation bien rafraîchissante avec ce "Whisky San".
Et dire que Fabien Rodhain s'y lança suite à une dégustation de whiskies à Orp-Jauche, commune du Brabant Wallon (en Belgique). Il y apprend avec stupeur qu'il existe aussi des whiskies japonais ! Le représentant, devant son étonnement, lui raconte alors l'histoire de ces 2 Japonais à l'origine de cette incroyable aventure : Masataka Taketsuru et Shinjiro Torii !
Partenaires au départ, concurrents à la fin et fondateurs des 2 premières distilleries du Soleil levant : Nikka et Suntori !
2 marques unanimement reconnues, maintes fois primées, aujourd'hui dans le monde du malt !
Au plus il l'écoute, au plus les images défilent dans son esprit ...
Reste à concrétiser l'ensemble en un tout cohérent ...

© Rodhain - Alcante - Grande - Grand Angle 2024
Projet qui mit plus de 10 ans à mûrir, tel un "pure malt", il gagna en maturité et ... en amour ... "élément indispensable" pour distiller un vrai whisky que McCall, grand-père de Craig, demanda à Masataka d'identifier lors de leur première rencontre.
En 2020, apprenant que Didier Alcante, grand connaisseur du Japon notamment après l'écriture de "La Bombe", a une idée similaire, il lui propose de s'associer pour le scénario. Et pour être certain de sa réponse, lui communique ses premières notes ! Malgré une surcharge de travail, un moral à zéro dû au début du confinement, ce dernier est emballé par l'idée. Nous connaissons le résultat ...
Encore restait-il à trouver un "crayon" pour tout traduire en images ! Ce sera à Alicia Grande de relever ce défi. Après sa série "Retour de flammes", elle hésite à poursuivre son métier de dessinatrice BD. Manquant de projets, elle est sur le point d'abandonner quand elle reçoit la proposition de Fabien. Elle lui envoie quelques planches d'essai et la magie opère ! Son style BD - manga fait mouche : une ligne claire, des traits fins avec un soupçon d'art manga ! Le parfait mariage pour un album racontant le mariage entre deux traditions aussi différentes que l'écossaise et la japonaise, le whisky et le saké !
Mais que serait l'association scénaristes-dessinatrice sans le travail de mise en lumière, en ambiance de Tanja Wenisch ? Une palette proche de l'aquarelle pour un dessin mi BD - mi manga !

© Rodhain - Alcante - Grande - Grand Angle 2024
Récit historique, librement adapté de faits réels, mais surtout une ode à la vie, à l'amour, à la passion ... d'un homme pour son rêve, pour sa femme Rita ! Sa foi inflexible, sa conviction intime d'être capable de réaliser l'irréalisable au pays du saké, c'est tout cela que nous offre ce one-shot romanesque.
Par ailleurs, cette parution fut l'occasion pour BD Best d'une nouvelle capsule de "Derrière la palette ...". Ce jeudi 29 février, nous rencontrions Fabien Rodhain à l'hôtel Warwich.
L'occasion de découvrir ce scénariste, amoureux de la terre et de ses combats, de son parcours, notamment avec Didier Alcante, son co-scénariste qui signe également avec lui "Les Damnées de l'or brun", une histoire de chocolat ...
Whisky et chocolat ... de quoi damner bien des amateurs de saveurs exquises !
Pour le plaisir de le revoir, lors de notre entrevue, Fabien nous rappela ces 2 publicités pour le whisky Suntory Crest réalisées par Sean Connery ... :
Kampaï !
Thierry Ligot
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Titre : Whisky San
Scénario : Fabien Rodhain & Didier Alcante
Dessin : Alicia Grande
Couleurs : Tanja Wenisch
Editeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
Public : tout public et surtout amateurs de whisky
Format : 12,3 x 30,0 cm
Page : 136
ISBN : 978-2-8189-8867-1
Prix : 24,9 €
Quartier un rien miteux, dans une ville enneigée marquée par les traces de bombardements récents.
Il fait froid, brumeux en ce petit matin. La vitrine du bar Timo illumine tristement la rue.
L'atmosphère y est enfumée et lourde. Plus grand monde ... quelques clients, 4 - 5 femmes de mœurs légères et Frank. Ado de 17 ans, mais déjà adulte dans sa tête et son vécu, il est l'enfant unique chéri de Lotte. Celle-ci tient la maison close du quartier, visitée par les forces d'occupation et autres notables de cette ville moyenne qui pourrait se situer n'importe où en Europe. Cela lui donne les moyens de continuer à vivre "plus que correctement" et de ne pas connaître les pénuries frappant l'habitant.
Fringuant, légèrement dandy, Frank n'a plus grand chose à apprendre des femmes ... "profitant" à son gré des "pensionnaires" de sa "maquerelle" de mère. Blasé ou perdu, ne sachant qui il est et ce qu'il veut, Frank traîne avec lui une sorte de spleen malsain, une drôle d'étoile rosée, marquée "SWING" cousue sur le revers de son manteau !
D'ailleurs, son nom de famille expliquerait-il cela ? Frank Friedmaier !
Ah oui, j'oublie, également présent chez Timo, Fred Kromer ! Petit caïd mafieux du quartier. Tous les trafics et mauvais coups passent par lui. Ses mains sont déjà rouges du sang de certaines de ses victimes.

© Fromental - Yslaire - Dargaud 2024
Mais ce soir-là, Frank sent qu'il va connaître une sorte de dépucelage ! L'idée lui est venue d'un coup, sans préméditation ... juste une pulsion ... criminelle dont la victime sera un sergent des forces d'occupation, un vicieux qui offre des bonbons aux petites filles. Surnommé "L'Eunuque", Frank décide de l'attendre dans une ruelle sombre et de l'égorger avec le nouveau couteau de Kromer !
Il y a bien Holst, le conducteur de tram, qui l'a croisé mais parlera-t-il ? Nous sommes en guerre et un ennemi reste un ennemi.
Holst, le père de la jolie Sissy. Perle de pureté naïve, Frank n'a aucune difficulté à la séduire et à la manipuler. A moins que ...

© Fromental - Yslaire - Dargaud 2024
Une lente descente de la petite délinquance à un banditisme plus brutal, sans âme, l'entraîne vers un enfer qui est loin d'être pavé de bonnes intentions. Une déchéance insondable dans ce monde en totale perdition.
Pourtant dans ce décor de plus en plus sombre, ne serait-ce pas en touchant le fond du fond que l'on pourrait rebondir, trouver une lumière, une rédemption ?
Et cette neige omniprésente, si blanche, si immaculée tout au long du roman se teintera-t-elle petit à petit de noir, de rouge ... de misère, de sang ?

© Fromental - Yslaire - Dargaud 2024
Lorsque Simenon écrit ce roman, nous sommes en 1948, soit 3 ans seulement après la fin de la guerre. Ces blessures sont loin d'être effacées, guéries ! La noirceur de l'époque doit ressortir ... Et Simenon va nous en offrir un véritable chef-d'œuvre du genre. Tout y est ! Une qualité d'écriture assurée, un thème centré sur toute la noirceur de son personnage principal.
Intrigue, drame humain, violence pure, gratuite, trahison, perte de repères, un monde en perdition noyauté par un occupant (nazi ?), des collabos (Frank reçoit une "carte verte"), police d'Etat qui n'a pas de nom (Gestapo), une croix comme symbole (à la place d'un swastika), torture et exécutions de terroristes, ...
Bref tous les ingrédients également pour un excellent scénario BD ...
Chose que Jean-Luc Fromental se charge de réaliser intelligemment.

© Fromental - Yslaire - Dargaud 2024
Pour l'adaptation graphique ... un nom ! Bernard Yslaire ! Son style s'accommode parfaitement à l'atmosphère des romans noirs de Georges Simenon, et à celui-ci tout particulièrement. Utilisant essentiellement un cadrage serré, Yslaire fixe l'attention du lecteur sur les expressions des protagonistes. Leur état d'âme transparaît à chaque case.
Jouant avec ses crayonnés, ses nuances de gris-noir parfois légèrement rosées, son découpage impose une lecture rythmée et prenante.
Et pour renforcer son trait unique, teintes sombres, rougeâtres ici, jaunâtres là, bleuâtres ou grisâtres en fonction des ambiances, un splendide travail de mise en lumière.
Ne laissant aucun moment de repos dans sa narration graphique, Yslaire plonge le récit dans cette atmosphère si particulière aux romans noirs, et tout particulièrement à ceux de Simenon !
Une adaptation plus que réussie d'un roman noir ... ou simplement d'un roman signé "Simenon". Fidèle au roman initial et traduisant la force de cette écriture, Fromental et Yslaire nous offre clairement un "indispensable" et déjà un "best 2024" !
Pour s'en rendre compte encore plus, quelle meilleure occasion que de pouvoir admirer de plus près les croquis préparatoires et planches de Bernard Yslaire ?
Une remarquable exposition nous l'offre à la galerie Champaka et ce jusqu'au 23 mars !
Thierry Ligot
Adresse de la galerie Champaka : Rue Ernest Allard, 27 à 1000 Bruxelles
Site : https://www.galeriechampaka.com/
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Titre : La Neige était sale
Auteur : Georges Simenon
Adaptation scénario : Jean-Luc Fromental
Dessin et couleurs : Bernard Yslaire
Editeur : Dargaud
Collection : Simenon
Genre : roman noir - drame - guerre
Public : ado - adulte
Parution : 26/01/2024
Page : 104
Format : 22 x 28,8 cm
ISBN : 9782505115809
Prix : 23,5 €
"- Ce bois est immense ! Il est vraiment entièrement à nous ?
- Oui, bien que je ne sache pas exactement jusqu'où va le domaine.
- Huub, il faut que tu voies ça !
- Il y en a ici aussi ... Ah, on dirait un graffiti tout droit sorti de "Blair Witch Project" ! La tempête est aussi passée par ici !
- C'est vraiment dommage ! Celui-là devait bien avoir quelques centaines d'années ...
- Oui, mais il devait sans doute être pourri ou malade ou quelque chose comme ça ...
- Cette eau ... elle est si noire ... Cette eau ... Elle a quelque chose de ... "
Le plus grand malheur pour tout parent est de perdre un enfant ! C'est ce qui est arrivé à Huub et à Sara Kuylder ! Ruben, leur fils de 6 ans, meurt renversé par une voiture alors qu'il accompagnait sa maman au vernissage d'une exposition la consacrant !
6 ans passent ! Sara est incapable de s'en remettre. Elle a arrêté de peindre. Se sentant responsable, elle s'est enfermée dans un monde géré par son traitement psycho-médical !
Pourtant un jour, Huub décide qu'il est temps pour elle de se reprendre en main, de se remettre à vivre ... et à créer !
Il décide d'emménager dans une propriété abandonnée, héritée de son grand-oncle. Elle est située au milieu d'une immense parcelle de forêt primaire.
Au fond de celle-ci, le couple découvre un gigantesque arbre, plus que centenaire, déraciné par une tempête. Couché tout de long, comme un géant terrassé par des forces naturelles maléfiques, une mare noire inquiétante remplit désormais un trou béant à ses pieds !
Une étrange attirance s'en dégage !
Autour d'elle, de vieux hêtres se dressent encore ... Sur leur tronc, de mystérieux symboles y sont gravés !

© Erik Kriek - Editions Anspach 2024
Par ailleurs, près de la bâtisse, une vieille remise sera transformée en atelier afin de permettre à Sara de se remettre à la peinture.
Cette mise au vert, le fait de quitter Amsterdam, devrait l'aider dans son processus de deuil ... Elle en est convaincue devant sa thérapeute, lui promettant de continuer à prendre néanmoins ses antipsychotiques !
Bref, si ce déménagement semble pouvoir être bénéfique à Sara, cette mare noire l'attire subrepticement !
Alors qu'ils commencent à s'installer, une vieille voisine, un peu folle, vient jeter un froid en avertissant Sara d'un danger la menaçant !
-Toi ... tu es en danger. Je suis venue t'avertir ! Ta douleur est comme un phare ! Tu ne t'en rends pas compte ! Le portail est fragile, ici ! ...
Le trouble augmente avec la découverte dans le grenier de vieux carnets remplis d'un charabia incompréhensible et de symboles ésotériques semblables à ceux gravés sur les arbres près de la mare noire ... Cette fameuse et étrange mare noire ...
Et voilà que subitement, Sara commence à "revoir" son fils décédé. Perd-elle la tête ou une malédiction liée à l'endroit la frappe-t-elle ??? A moins que ... ???
Un récit partant d'un drame familial terrible, fragilisant Sara à un tel point que sa douleur, son deuil inachevé pourrait servir de portail à ... Qui sait ? Mais ce sera effroyable et sans retour !
Et cette mare noire obsessionnelle, qui attire Sara vers une perte totale du sens de la réalité, qui semble lui prédire ses futurs sombres desseins ... comme elle aurait pu le lire dans le marc de café, au fond d'une tasse ébréchée ... Ebréchée comme elle par la vie et le décès de son fils !

© Erik Kriek - Editions Anspach 2024
Erik Kriek nous offre ici un thriller psycho-effrayant allant en crescendo jusqu'à un dénouement sanglant !
Si certaines clés et éléments classiques du genre sont utilisés pour amener le suspense, la psychose s'installe doucement au fur et à mesure des pages. Les gravures sur les arbres entourant une mare étrange d'une eau noire inquiétante, des carnets remplis de formules et signes diaboliques, le récit maudit de la vie du grand-oncle qui semble avoir perdu la tête, la vieille voisine et ses avertissements, la réputation maléfique du domaine dans le voisinage, ... et j'en passe !
Tous les ingrédients nécessaires à un bon roman d'horreur !

© Erik Kriek - Editions Anspach 2024
Pourtant, si rien de bien nouveau n'apparaît dans ce catalogue d'accessoires, on ne peut pas dire que l'intérêt du récit est inexistant.
La référence de Huub au film "Blair With Project" au moment de découvrir les arbres gravés évite intelligemment l'impression d'un plagiat maladroit. Au contraire, elle nous indique la direction à prendre pour se plonger dans l'intrigue.
Mais cette dernière ne dérape pas brutalement dans le côté horrifique du genre. Bien au contraire, il faut attendre la fin pour en découvrir toute l'ampleur ! Un véritable coup de maître narratif que de réussir à garder ce final, à y amener le lecteur sans lui la "vendre" trop tôt ! Rêves ? Cauchemars ? Visions rédemptrices ? Un chemin étroit au bord d'un précipice ... guérison d'un côté, folie de l'autre ...
© Erik Kriek - Editions Anspach 2024
Intrigue également qui est largement soutenue, renforcée par le style graphique d'Erik Kriek ! Un dessin à la fois sobre et sombre, lourd dans ses traits, offrant aux expressions faciales, aux décors, à l'atmosphère la touche de psychose supplémentaire à assumer. Le tout est éclairé de façon angoissante par une palette de couleur restreinte, comme Erik à l'habitude de faire.
Comme il le précise lui-même dans l'interview qu'il nous a accordée ce mercredi 28 février, on ne peut s'empêcher de remarquer l'influence de Charles Burns dans son graphisme si oppressant.

© Erik Kriek - Editions Anspach 2024
Un captivant roman graphique noir de l'auteur de "L'Exilé", également aux éditions Anspach !
Capsule "Derrière la palette ... Erik Kriek"
© Th. Ligot - BD Best 2024
Thierry Ligot
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Titre : La Mare
Scénario / dessin / couleur : Erik Kriek
Editeur : éditions Anspach
Genre : roman-graphique
Thèmes : horreur, psychose
Parution : 23/2/2024
Page : 136
Format : 20,7 x 28,3 cm
ISBN : 978-2-931105-21-4
Prix : 29 €
"Vacances j'oublie tout
Plus rien à faire du tout
J'm'envoie en l'air
Ça c'est super
Folies légères ..."
Si tout n'est peut-être pas à reprendre tel quel en fonction de l'âge, l'invitation peut être amusante ...
Alors que nous sommes en plein milieu des congés de Carnaval ici et là, pour certains parents, cela ressemble plus à un calvaire qu'à une véritable période de détente et de repos pour leur progéniture. Que faire vu ce temps "extraordinaire" qui ne cessent de changer d'un jour à l'autre ?
Encore ce matin, sur le fil de mon Facebook, une maman qui "pleurait" afin de trouver des activités pour sa fille de 9 ans qui refuse d'aller en stage ...
D'accord, le "qui refuse" laisse un peu patois quant à qui décide dans la famille ! Mais bon, no comment !
Alors voici une idée ... un peu de lecture et justement ... les aventures d'une des premières héroïnes pour petites filles ! Une institution littéraire qui n'a fondamentalement pas changé depuis ses origines, depuis 1954 ! Un "Martine" évidemment !

© Delahaye - Marlier - Casterman 2024
A travers une soixantaine d'albums, cette petite fille sage, accompagnée de son fidèle Patapouf et de ses amis, sa famille en a entraîné des générations de jeunes lecteurs/lectrices dans ses aventures et découvertes. Pas besoin d'aller au bout du monde et de retrouver des trésors perdus au fin fond d'une jungle ou d'un océan. Martine, c'est une invitation à des découvertes du quotidien, de la vie, de l'enfance.
La voici justement qui part pour quelques jours chez sa tante Flo et son oncle Max à Paris ! Ville Lumière, riche en histoire, en culture, en monuments exceptionnels, ce ne sont pas les visites qui manquent. Alors suivons-là dans son jeu de piste, imaginé par sa tante, afin d'aller de la basilique du Sacré-Cœur à la Tour Eiffel évidemment !
7 animaux à retrouver pour gagner une belle surprise ... Quoi de plus tentant pour Martine et son frère Jean ... sans oublier Patapouf évidemment !
Une dizaine d'étapes indispensables pour tout qui ne connaîtrait pas encore Paris : l'Arc de Triomphe, le Louvre (où elle était déjà allée dans un album précédent), le musée d'Orsay, Notre-Dame de Paris (avant qu'elle ne brûle), le centre Pompidou, le Muséum d'histoire naturelle, le jardin du Luxembourg, ...

© Delahaye - Marlier - Casterman 2024
L'album se clôture par une brève présentation de chaque site visité, repris ensuite sur un plan simplifié de Paris. Normal, que serait une chasse au trésor sans carte ?
Un guide touristique parisien à la portée des plus jeunes lecteurs ...
Née il y a 70 ans tout juste (joyeux anniversaire Martine), cette petite fille resplendissante de joie et de bonheur a connu 60 aventures avec ses créateurs, Marcel Marlier et Gilbert Delahaye. Ce dernier en écrira une nouvelle chaque année jusqu'à sa mort en 1997.
Marcel Marlier, lui, décède le 18 janvier 2011, à l'âge de 80 ans.
Mais Martine ne disparaîtra pas pour autant !

© Delahaye - Marlier - Casterman 2024
120 millions d'albums en français et 50 millions en langues étrangères, cette série est devenue un authentique mythe littéraire. Si aujourd'hui encore, il s'en vend environ 400.000 exemplaires par an, ce chiffre peut grimper jusqu'à 500.000 en cas de nouvelle sortie, comme en 2021 avec "Martine au Louvre" !
Des chiffres à faire pâlir d'envie bien des auteurs et des éditeurs !
Icône populaire, héroïne aux exploits du quotidien, un style et un graphisme qui ont immédiatement fait mouche ... et continuent à le faire auprès de son lectorat. Une saga devenue un incroyable phénomène de société.
Car "phénomène de société", Martine l'est sans conteste. En plus de promouvoir, depuis 70 ans, des valeurs parfaites d'une société idéalisée (politesse, respect d'autrui, tolérance, ouverture d'esprit, ...), Martine est, avant l'heure, le modèle du "non-genrée".
Ses activités et jeux sont autant pour garçons que pour filles et ce sans manière, ni préjugé ou autres ... Il en sera de même dans la répartition de certaines corvées ou responsabilités "ménagères" et familiales.
Entre Jean, son petit frère, et elle, certains rôles ont néanmoins parfois été "mal" interprété et compris de certains détracteurs qui ont tenté de voir dans quelques albums une volonté des auteurs d'encourager une vision fort "sexiste" du rôle de la femme et de l'homme !
Erreurs et mauvaise foi !
Cependant, si les valeurs sont restées identiques depuis le début, Martine a évolué au cours des décennies dans ses thèmes et enjeux. Ces derniers ont suivi les évolutions de la société, comme la suppression petit à petit de stéréotypes, l'importance grandissante des questions environnementales, ...
Par ailleurs, il n'y a pas que cela qui s'est "modernisé" ou plutôt adapté à l'époque ! Si le graphisme général, le trait, le style global est quasi semblable depuis le début, notamment afin d'inscrire une continuité d'identification des générations de lecteurs à l'atmosphère de "Martine", cette dernière a connu plusieurs "modèles". Marcel Marnier n'hésitait jamais à "remplacer" son modèle, sitôt que sa "Martine" devenait trop "grande".
Les textes eux-mêmes connaissent cette "modernisation", cette mise à niveau ne dénaturant d'aucune manière son image aux yeux de son lectorat. Bien au contraire, en restant compréhensible, `la Martine du XXIe siècle confirme sa légitimité d'héroïne "toute génération".
Tel Tintin, Martine ne vieilli pas, ne grandit pas ... mais s'adapte à son époque, comme à son environnement !
Tel Tintin, Martine est également internationale ! Publiée dans une trentaine de langues, Martine se voit diffusée partout dans le monde ! Plus qu'un simple succès francophile, un lectorat international qui se justifie aisément par l'absence de toute référence trop régionaliste, religieuse ou culturelle de Martine. Mais également une uniformisation des formats, couvertures, ... un canevas quasi identique quel que soit la version ! Bref tout est fait pour rendre la série "universelle" !
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© Laurence Boudart - Delahaye - Marlier - Casterman 2024
Et pour bien marqué cet aspect "universel", le nombre sans cesse croissant des détournements de couverture, mises à toutes les sauces en fonction d'événements ou de faits d'actualité ! Preuve que Martine est clairement passée dans l'ADN culturel de chacun ! Référence d'un côté et source d'inspiration de tout qui souhaite moquer d'une situation, que demander de plus pour une héroïne qui connut un succès immédiat dès ses premiers albums !
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© Laurence Boudart - Delahaye - Marlier - Casterman 2024
Mélange texte - dessin ... dessin - texte ... une success-story littéraire jamais démentie et que Laurence Boudart décortique, analyse et développe dans un ouvrage richement illustré, documenté de nombreuses archives, "Martine, L'éternelle jeunesse d'une icône" !
Plus de 120 pages pour mieux appréhender cette véritable et unique icône populaire de la littérature jeunesse !
Une mine d'informations de premier plan, d'anecdotes parfois inédites, une réflexion, une étude approfondie du pourquoi et comment "Martine, icône intemporelle". Laurence Boudart s'attarde notamment sur la capacité des auteurs à toujours coller l'évolution de Martine aux évolutions de la société ! Une réussite étincelante rarement atteinte sur une durée aussi longue !
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© Laurence Boudart - Delahaye - Marlier - Casterman 2024
Un nouvel album doublé d'une ouvrage-hommage pour celle qui accompagna, et continue d'accompagner, tant et tant de générations de jeunes lectrices / lecteurs !
Thierry Ligot
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Série : Martine
Titre : Martine à Paris
Scénario : Rosalind Elland-Goldsmith, d'après Gilbert Delahaye
Dessin : Marcel Marlier (tirés et adaptées des albums "Martine à la maison", "Martine au zoo", "Martine, les 4 saisons", "Martine en bateau", "Martine fait du camping" et "Martine prend l'avion".
Editeur : Casterman
Parution : 20/3/2024
Page : 32
Public : jeunesse, de 5 à 9 ans
Format : 20,1 x 25,2 x 0,8 cm
ISBN : 978-2-203-22451-3
Prix : 7,95 €
Livre-hommage :
Titre : Martine, L'éternelle jeunesse d'une icône
Auteur : Laurence Boudart
Illustration : Marcel Marlier
Editeur : Casterman
Parution : 20/3/2024
Page : 126
Genre : documentaire
Format : 21,6 x 28,8 cm
ISBN : 978-2-203-25214-1
Prix : 19,90 €
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©BD-Best v3.5 / 2025 |