Nouvelles relatives à la bande-dessinée ou au graphisme
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Coup de coeur : Joseph Carey Merrick, l'Homme-Eléphant

 

Dans les toutes premières années de sa vie, Joseph Carey Merrick ne diffère en rien des autres petits garçons de son âge. Mais progressivement, une maladie inconnue va infliger à son corps entier de terribles déformations, le rendant hideux et repoussant. Personne extrêmement sensible, douce et assoiffée d’amour, le garçon devenu monstrueux va être mis au ban de la société : à peine toléré par sa famille, le reste du monde va le rejeter violemment. Son seul moyen de subvenir à ses besoins sera de s’exhiber dans les foires comme monstre, ce qui pousse Joseph plus loin encore dans la marginalisation et l’isolement. On le présente comme « l’Homme-Eléphant », du fait de ses difformités…

 

 

 

 

 

 

 

Les regards et l’image

 

C’est une étonnante biographie de Joseph Carey Merrick que Sandawe et sa tribu d’édinautes viennent d’ajouter à leur catalogue. Nous écrivions, au sujet de Corpus Christi, qu’à chaque nouvelle sortie, la petite maison d’édition marquait des points, force est de reconnaître que cette fois c’est un véritable bijou que nous dévoile Patrick Pinchart. Denis Van P a, il y a plus de 20 ans, remporté le prix du meilleur espoir et une 12ème place au regretté festival BD de Charleroi. En 1998, il obtient un master en sciences commerciales et financières mais se remet inconsciemment à écrire puis à dessiner. Et s’il travaille comme cadre au sein d’une grande institution financière française, l’auteur réussit un véritable coup de maître avec ce premier album, épaulé au scénario par Serge Perrotin. Il fallait oser se lancer sur un tel sujet, et il fallait oser l’aborder graphiquement sur un mode semi-réaliste… A l’arrivée, une incontestable réussite. Il y a du Will dans le dessin de Denis Van P, mais plutôt que de s’orienter vers la féerie, c’est vers la noirceur de Londres, d’une époque et des sentiments que l’auteur se dirige. On connaît le destin d’Elephant Man, on connaît son histoire essentiellement grâce au film de David Lynch. Si on ne peut parler de phénomène déclenché par cette destinée tragique, on se souviendra d’une pièce de théâtre interprétée par David Bowie et des tractations d’un certain…Michael Jackson en vue du rachat du squelette de Joseph Carey Merrick.

 

 

 

 

 

Ce destin titille nos consciences. Qui se cache derrière l’apparence du monstre ? Qui sont ces gens « normaux » capables d’une telle cruauté ? Denis van P joue sur ces questionnements, entourant parfois son « monstre » innocent d’une foule de visages grimaçants et aussi laids que le sien, mais… « normaux », et on pense parfois à certains masques peints par James Ensor en découvrant ces cases. Qu’est-ce que l’image accolée à quelqu’un. Qu’est-ce que l’apparence et qu’y-a-t’il derrière ? Et puis il y a les regards, tantôt cruels, au mieux dédaigneux, ou innocents et interrogatifs comme ceux de Joseph enfant. Des regards, des silences qui en disent beaucoup. Denis van P fait de son dessin le langage premier de cet album. Les textes sont courts mais certaines cases et leur succession sont d’une puissance évocatrice extraordinaire. On croit connaître Joseph Carey Merrick et son histoire, mais on les redécouvre ici, en y accordant peut-être plus de temps et d’attention que sur grand écran. Encore une fois on est ému, et secoué, et on peut s’interroger sur soi, sur les autres, sur les regards et sur l’image. Denis van P était inconnu, son premier album recèle une émouvante richesse et s’inscrit, pour le moins, parmi les indispensables de l’année. On l’aurait aisément imaginé parmi une collection prestigieuse, c’est un éditeur modeste mais passionné qui nous le révèle, et c’est très bien ainsi !

Pierre Burssens

 

Joseph Carey Merrick, Denis Van P, Sandawe, 72 pages, 16,95 €



Publié le 27/05/2013.


Source : Graphivore


Coup de coeur : Le sourire de Mao

 

Après des années de crise politique, la Belgique s’est finalement séparée en deux états. Afin que l’étoile de la République Démocratique de Wallonie brille au firmament des nations, son nouveau président décide d’acheter au gouvernement Chinois la dépouille de Mao Tsé-Toung. Ludmilla et Manon, deux jeunes adolescentes, membres de Fauves de Hesbaye, une formation scoute, sont de ferventes supportrices du président Delcominette. Un président qui lorgne sur les méthodes de Mao Tsé Toung pour diriger son pays et qui pour cela, n’hésite pas à acheter aux chinois la dépouille embaumée du Grand Timonier. Et cela tombe bien, la Chine, qui a basculée dans l’économie de marché, souhaite se débarrasser de cet encombrant symbole d’un temps révolu. La vie de Ludmilla va être bouleversée par différentes rencontres. Elle est blessée accidentellement par Antoine, un jeune garçon fougueux, très critique envers le régime. De son passage en prison (ou plutôt en camp de rééducation par le travail), Antoine fait la connaissance de Frank, l’assassin présumé d’un jeune scout. À leurs sorties respectives, Frank et Antoine cherchent à revoir Ludmilla, mais pour des raisons bien différentes. Car tous ne sont que les pions d’un complot qui se referme inexorablement sur eux.

 

 

 

 

 

 

Et si … La Wallonie devenait une dictature sous les ordres d’un président admirateur de Mao. Que dire de ces formations telles que les fauves de Hesbaye et les combattants de Liège semblables à certains mouvements de jeunesses ayant existé en Allemagne dès 1933. Jean-Luc Cornette plonge le lecteur dans un scénario qui semble plus que surréaliste. Et pourtant, qui peut deviner les conséquences d’une Belgique victime des adeptes du séparatisme. Il tire la sonnette d’alarme tout en appelant à l’intelligence de chacun d’entre nous avant qu’il ne soit trop tard. Les illustrations de cette « future » utopie sont confiées à Michel Constant. Sous un dessin ligne claire, il nous fait découvrir une république Wallonne confrontée à plusieurs problèmes tels que la crise économique, un réseau routier chaotique, une hausse du pétrole incontrôlable et une pénurie alimentaire. Coup de cœur pour ce récit original, inattendu et surprenant délivré par nos deux compères qui au travers de ces divers éléments nous (re)trace la montée d’un système autoritaire et répressif, alimenté avec la complicité des médias par un sentiment d’insécurité instaurant le nid des extrêmes au point d’en devenir un instrument de mise à mort de toutes oppositions politiques.

 

Niala S.

 

Le Sourire De Mao par Jean-luc Cornette et Michel Constant, 72 pages au prix de 16 € paru chez Futuropolis.



Publié le 14/05/2013.


Source : Graphivore


Coup de coeur : Corpus Christi

 

Le Secret révélé !

Vous aimez Dan Brown, Steve Berry, James Rollins et leurs nombreux confrères bâtisseurs de thrillers ésotériques ? Cet album va vous intéresser. Vous avez horreur des thrillers ésotériques à la Dan Brown, Steve Berry ou James Rollins ? Cet album va vous intéresser.

Le Secret des Papes avait été bien gardé. Il fut même dit que le contenu pour le moins sulfureux de cet album intitulé Corpus Christi empêcha quelques vaillants journalistes d'aller plus avant dans sa découverte... d'autres, en réaction à tant de mystères, avaient même envisagé un appel aux Femen, et pourtant ! Pourtant tout avait bien commencé, avec des gens sérieux, un scénariste connu, un dessinateur appliqué, des érudits, amateurs d'archéologie, un éditeur qui y croyait dur comme fer, entraînant à sa suite son innocente tribu d'édinautes. Et puis...et puis le Secret des Papes se révéla peu à peu. En commençant à tourner les pages de l'album, passé son impressionnante couverture, un dossier narrait l'épique rencontre des différents acteurs de cette production... Et puis, et puis...le doute s'installa et les choses dérapèrent petit à petit... Et si tout cela était à prendre au second degré ?

C'est en effet un véritable ovni dans le petit monde du 9ème art que viennent de publier les éditions Sandawe, selon leur mode participatif. A priori, Corpus Christi a tout d'une aventure ésotérique, mais comme le clamait le slogan d'un célèbre soda, il en a la couleur, la saveur, les allures mais...ça n'en est pas une, ou plutôt si, avec un petit quelque chose en plus, un humour dévastateur et ici, quasi littéralement, joyeusement iconoclaste !

 

 

 

 

Thomas Bellec découvre le corps momifié du Christ à Pétra (Jordanie). Une plaquette en araméen semble authentifier ce corps. Mais la preuve finale se trouve depuis 2.000 ans dans un coffre du Vatican. Chaque pape, au moment où il accède à la magistrature suprême, se voit révéler le secret ultime. Le Vatican essaie de persuader Thomas de ne pas diffuser l'information de cette découverte, afin de ne pas perturber des millions de croyants. Pendant que Thomas hésite, Nena Kirsten, qui a appris la nouvelle par Bruno, révèle la trouvaille à quelques personnes. Blake Brennet, un richissime prédicateur, est prêt à offrir une fortune à Thomas pour récupérer le corps, et en faire le clou de sa “nouvelle Rome”. Mais devant le refus de ce dernier, il charge un mercenaire, le major Berry (!), de lui ramener le corps par n'importe quelle méthode, légale ou illégale… » Voilà un “pitch” qui promettait une aventure au suspense haletant !

 

 

 


Et il y en a bien une, d'aventure, mais dans laquelle on pense parfois à Indiana Jones, à Tintin ou même, en ce qui concerne les relations entre certains des personnages principaux, à de vieux films avec Terence Hill et Bud Spencer ! En tous cas, on ne s'y prend jamais au sérieux. François Maingoval et Eric Albert s'en sont visiblement donnés à cœur joie avec ce très décalé Corpus Christi rempli de clins d'œil et de parenthèses décapantes, et, sous des dehors très classiques, avec un dessin réaliste, on s'y amuse de la première à la dernière page, d'autant plus que Maingoval y fait même référence à la récente actualité du Vatican. Son blog (http://maingoval.blogspot.be/ ) est d'ailleurs tout-à-fait dans le ton de ce livre (maudit !) qui pose quand même de grandes questions : le Christ était-il tellement grand que l'on ait envisagé de le couper en morceaux ? Quelle est la solidité réelle des téléphones satellite ? Et puis, l'essentiel, qui va s'envoyer Nena Kirsten en premier ? Ajoutons-y des gendarmes jordaniens tout droits sortis de Tintin, des exploits de varappe dignes de Patrick Pinchart et une nouvelle énigme en suspens : qui était donc la deuxième momie ? Et on tient là un cocktail unique qui fonctionne à merveille. Sandawe marque des points avec chaque nouvel album mais ce que le petit éditeur réussit ici avec cet inattendu Corpus Christi ressemble à un véritable coup de maître. On imagine aisément le battage qu'aurait organisé un mastodonte de l'édition autour d'un tel bouquin... Sandawe a, de son côté, fonctionné à sa manière et a très joliment mené sa barque jusqu'à cette étonnante révélation du Secret des Papes. Quant aux auteurs, ils nous livrent ici un album bien plus marrant que nombre de séries clairement étiquetées “humour”. Tiens, vous avez remarqué, le crâne, en couverture, il a l'air de sourire... Et si la seconde momie était Mona Lisa ? Et si Corpus Christi était la vraie “aventure humoristique” se déroulant à Petra et pas à Marcinelle ? Et si...ben non, pas d'interrogation ni de conditionnel : c'est un coup de cœur ! Amen !



Pierre Burssens

 

Corpus Christi, « le Secret des Papes », Eric Albert, François Maingoval, 46 p., 11, 95 €, Sandawe





Publié le 06/05/2013.


Source : Graphivore


Coup de coeur : Intégrale Gueule de bois

Le marin Woody Woodstock dissimule ses traits sous un masque de bois et n'apprécie guère qu'on lui demande de se montrer à visage découvert. Quand il s'explique sur sa particularité, son nez s'allonge bizarrement ! Voici qu'un certain Chester Darling, exorciste défroqué, lui propose de le libérer de son « infirmité ». Il s'avère que Woody est victime des cryptozoïdes, à savoir des vampires, des fantômes, des fées... Fort comme un ours et quasiment indestructible, il devient l'assistant idéal pour Chester Darling, chargé d'exterminer ces monstres.

 

 

 

 

 

 

Grace à une nouvelle (encore ?!) collection d’intégrales, les éditions du Lombard offrent une nouvelle vie bien méritée au tryptique de Philippe Foerster. Alors, ne nous arrêtons pas à la maquette peu engageante de l’ouvrage pour entrer dans l’univers loufoque et horrifiant de l’auteur.

Woody Woodstock est un marin baraqué. Woody Woodstock ment comme un arracheur de dents. Et quand il ment, que se passe-t-il ? Son nez s’allonge. Ça vous rappelle quelque chose ? C’est normal. Foerster nous présente une suite revisitée de Pinocchio, qu’on retrouve à l’âge adulte, dans laquelle le lecteur croisera toute une panoplie de personnages appartenant à l’imaginaire collectif. Bien sûr, depuis la première édition en trois volumes, Once upon a time est passée par là. Mais, Foerster est beaucoup plus original et subversif. Sa Cendrillon mamie est craquante, son Gepetto est sadique. De multiples références parsèment le récit : De Peter Pan au Chat Botté, de Star Wars à Frankenstein, d’Agatha Christie à Edgar Poe, Foerster fait ici un catalogue de tout ses poncifs.

 

 

 

 

 

La fée puzzle pose les acteurs autour de l’histoire de Carlo Collodi. Dix petits golems reprend le mythe de Mary Shelley. La métamorphose d’Alléluia Carabine- titre exceptionnel avouons le- est un final en apothéose complètement délirante.

Foerster est un auteur qui n’a pas la reconnaissance qu’il mérite. Après une bonne dizaine d’albums regroupant ses histoires terrifiantes parues dans Fluide Glacial, il s’est essayé plusieurs fois aux séries sans grand succès. Starbuck, Gueule de bois, Silex Files ont été arrêtées au troisième tome faute de lecteurs. Son trait anguleux ne ressemble à aucun autre. Van Gogh n’a jamais été reconnu de son vivant. Espérons que Foerster ne devra pas attendre autant, mais il est certain qu’un jour, ses albums feront partie des classiques analysés dans les mémorandums de bande dessinée.

 

Laurent Lafourcade

 

Intégrale Gueule de bois par Foerster, 144 pages au prix de 14.99 €, édité chez Lombard.



Publié le 29/04/2013.


Source : Graphivore


Coup de cœur : Millenium

Mis à l'écart du magazine Millenium, Mikael Blomkvist est engagé pour reprendre l'enquête sur l'héritière Vanger disparue 44 ans plus tôt. Le journaliste accepte contre la promesse d'informations sur les cartels suédois. Son chemin croise alors celui de Lisbeth Salander. Pirate informatique surdouée, experte en close-combat et totalement asociale, Lisbeth applique aux « hommes qui n'aiment pas les femmes » sa propre notion de la justice.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Difficile d’évoquer ce premier tome de l’adaptation BD de la trilogie best seller de Stieg Larsson quand on a, justement, apprécié ces romans. Alors, aborder ça avec curiosité, ou, plus facilement, quelque part, attendre les auteurs au tournant ? C’est la première solution que j’ai choisi, en me demandant, dès le départ, comment Homs et Runberg allaient pouvoir tirer l’essentiel du très épais « les hommes qui n’aimaient pas les femmes » pour le faire rentrer dans deux albums de BD, de 64 pages, soit, mais quand même… Et ils y sont parvenus, justement, en allant chercher les faits marquants du bouquin. Certes, les amateurs de polars nordiques n’y retrouveront sans doute pas l’atmosphère lourde et froide qu’ils affectionnent particulièrement, mais Sylvain Runberg reconstruit le scénario du roman en l’articulant sur tous les faits marquants. Et ce qui n’apparaît pas dans le texte est illustré, et de quelle manière, par le dessin de José Homs. Ainsi, bien des longues descriptions peuvent se résumer à une case, ou au visage d’un des nombreux personnages. Mieux, le scénariste met en avant certains éléments (ce qui n’est pas forcément le cas dans le roman, ce premier bouquin pouvant vraiment être lu indépendamment des deux autres) qui constitueront des ponts vers « la fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette ». Et même en construisant l’album de cette manière, on a l’impression que Runberg prend son temps pour exposer toute l’intrigue. Ainsi, à l’issue de ces 64 premières pages, Lisbeth Salander et Michael Blomkvist ne se sont pas encore directement rencontrés, et lui, le journaliste, dispose seulement d’un premier indice solide, partant pourtant d’une intuition. J’avais adoré le dessin de José Homs pour l’Angélus paru sous le label de la collection Secrets. Ici, il choisit un rendu moins « peinture » et la virtuosité de son trait éclate véritablement. Ainsi, le dessinateur ibérique accentue l’expressivité des personnages et aide à (essayer de) situer leur personnalité. On aimera ou pas le résultat, mais force est de constater que cette double démarche, scénaristique et graphique, atteint son but. Il n’y a pas que les 75 ans de Spirou chez Dupuis en 2013… L’annonce de cette audacieuse adaptation constituait, en soi, un petit événement, ce premier tome (chaque roman sera adapté en deux albums) en est un, tout court ! Nul doute cependant que le lecteur lambda se retrouvera face aux mêmes écueils qu’avec le roman. Le tout sera de « rentrer » dedans, de s’y retrouver parmi les multiples personnages d’une intrigue complexe, mais après y avoir goûté…

Après les romans, les films et la série télé, l’éditeur promettait un « Millenium comme vous ne l’avez jamais lu », promesse tenue, et c’est une incontestable réussite qui conduit déjà à attendre le tome 2 de la BD avec impatience et à plaindre le dessinateur du second cycle (chacun des trois cycles étant confié à un dessinateur différent) s’il veut s’attacher à atteindre le même niveau que Homs. Le mythe Millenium compte un jalon de plus, et il est époustouflant !

 

Pierre Burssens

 

Millenium T.1, Runberg et Homs d’après la trilogie de Stieg Larsson, Dupuis, 14,50 €



Publié le 09/04/2013.


Source : Graphivore


Chien d'Aveugle

Taku Ryûmon est un détective solitaire qui vit dans la montagne avec son fidèle chien-loup qu’il a recueilli et dressé. Amateur de chiens de chasse, il est également détective privé; sa spécialité, retrouver les chiens de race qui ont disparus. Dans son domaine, c’est le meilleur ! Un jour, une femme prend contact avec lui pour une enquête très délicate : le chien-guide de sa petite fille aveugle a été subtilisé...

 

 

 

 

 


 

Hormis les liens familiaux et la transmission d’une génération à l’autre, la nature est sans conteste une des principales sources d’inspiration de Jirô Taniguchi. Et, intermédiaire entre l’homme et celle-ci, le chien est un sujet qu’il a abordé plus d’une fois. Ainsi, Blanco fut la première BD pour laquelle il assura à la fois scénario et dessin, et le recueil Terre de rêves est axé sur le rapport à l’animal familier. L’envie d’adapter un roman de Itsura Inami trottait depuis longtemps dans la tête du plus « franco-belge » des mangakas et finalement c’est seulement en 2011 que les Enquêtes du limier furent publiées au Japon. Sous un improbable pitch, c’est tout l’art de Jirô Taniguchi que l’on retrouve dans ce premier tome (le volume 2 est prévu en juin) édité sous le label Sakka. L’enquête laissera sans doute les amateurs de polars sur leur faim, mais c’est avant tout une atmosphère que restituent ces 240 pages. Un héros solitaire et taciturne, l’attachement à la nature, beaucoup de sensibilité assorties cette fois à une palpable documentation sur la formation des chiens guides et de leurs maîtres. . Avec un tel sujet, on pouvait craindre de basculer à un moment ou à un autre dans la sensiblerie, ce n’est jamais le cas…Taniguchi maîtrise son sujet, et surtout son trait qui ne m’a jamais semblé aussi élégant et abouti. A un tel point que j’en regrette presque que ce soit sous sa forme de manga que soit édité Chien d’Aveugle, et qu’il ne bénéficie pas d’une adaptation à l’occidentale dans la belle collection « Ecritures » de Casterman. Pour la première fois, si c’était nécessaire, une comparaison me semble assez évidente avec des auteurs occidentaux, non pour le graphisme mais pour le thème, l’ambiance et la sensibilité. J’aurais en effet pu imaginer Derib ou Cosey (excusez du peu) aborder pareil sujet. Contrairement à nombre de « producteurs » du Pays du Soleil levant, Jirô Taniguchi se renouvelle et renouvelle ses thèmes, surprenant et séduisant à chaque fois. Les Enquêtes du Limier feront le bonheur de ses admirateurs et de tous ceux pour lequel « le meilleur ami de l’homme » signifie quelque chose. Simple et beau…comme un vrai coup de cœur !

 

Pierre Burssens

 

Les enquêtes du Limier T.1 – Chien d’Aveugle, 240 pages au prix de 12.95 € chez Sakka (Casterman).



Publié le 25/03/2013.


Source : Graphivore


Indicible fin de l'humanité

San Francisco. Kyle Matheson fête ses 18 ans avec ses parents adoptifs, qui lui offrent son dossier d’adoption. Kyle feint de s’en moquer pour ne pas vexer ses parents qu’il aime profondément. Tous trois se rendent alors à un match de baseball, lorsqu'en chemin, “quelque chose” surgit de la chaussée ! Kyle se réveille à l’hôpital, sans voix suite au traumatisme de l’accident, mais la mémoire intacte, se rappelant de ce qui l'a provoqué. Le docteur Joanna Bernstein, psychologue, lui annonce alors la terrible nouvelle : ses parents ont péri dans le crash.

Deux semaines plus tard…
Dans le Massachusetts, une ville entière est décimée sans aucune preuve d’explosion. Ni l’armée, ni l’équipe scientifique ne trouvent d’explications logiques. À New York, un individu étrange s'introduit alors dans le bureau de campagne du Président américain. Après avoir tué l’entourage du Président par la seule force de son esprit, cette entité extraterrestre exige qu’on lui amène Kyle Matheson - ou notre monde sera détruit.
Au même moment, Kyle fuit de l’hôpital, pour partir à la recherche de sa mère naturelle…

 

 

 

 

 

 

Un énnemi terrifiant

Comme un de ces bons block-buster cinématographique d'outre atlantique, Indicible est une subtil mélange entre les genres. Amateurs de fantastique, vous serez comblés, amateur de science-fiction, vous serez ravis, fan de thriller cette nouvelle série est faite pour vous. Cette histoire commence sur une erreur de manipulation de particule sub-quantique, qui ouvre la voie à de terrifiantes créatures multidimensionnelles. La fin de l'humanité commence. Seul un jeune garçon semble intéresser de près ces créatures effroyables semeuses de destruction. Pourquoi ? Comment ? Nul ne le sais pour le moment et sur ordre de l'émissaire de ces « Dieux noirs » le président américain, contraint et forcé sous la menace, engage ses troupes à la recherche du jeune homme à tout prix et coute que coute. Le scénariste Renault (Hunter, la colline au mille croix) nous distille un récit très prenant. Les éléments sont parfaitement mis en place, le rythme d'enchainement des événements est judicieusement enchainé, l'intrigue est rondement menée. Il réussi à susciter notre intérêt sur un thème déjà employé mainte fois dans la littérature et le cinéma «  la fin du monde ». Francisco Ruizge, le dessinateur de ce diptyque apporte toute la force de son trait et l'intensité nécessaire. Indicible est le genre de bande dessinée qui ferait idéalement l'objet d'une adaptation hollywoodienne. Le dénouement se déroulera donc dans le prochain tome, une attente qui sera frustrante au vu de la qualité tant narrative que graphique et le seul regret que l'on pourrait ressentir résiderait dans le fait qu'il n'y ai que deux albums prévu pour une histoire aussi passionnante.

 

Laurent Gilles

 

Indicible, "Les Dieux Noirs" tome 1 par Renault & Ruizge, Soleil Production.



Publié le 20/02/2013.


Source : Graphivore


Coup de coeur : La guerre des Lulus

Lucas, Lucien, Luigi et Ludwig sont quatre des pensionnaires de l’orphelinat de l’abbaye de Valencourt en Picardie. Tout le monde les surnomme les Lulus. En cet été 1914, lorsque l’instituteur est appelé comme tant d’autres sous les drapeaux, personne n’imagine que c’est pour très longtemps. Et les Lulus ne se figurent évidemment pas une seconde que la guerre va déferler sur le monde finalement rassurant qu’ils connaissent. Bientôt, le fracas de l’artillerie résonne dans le ciel d’été. Il faut partir, vite. Mais lorsque la troupe évacue l’abbaye manu militari, les Lulus, qui ont une fois de plus fait le mur, manquent à l’appel.

 

 

 

 

 

C'est suite à une conversation avec la directrice de communication de l'Historial de la Grande guerre de Péronne, dans la Somme, qu'est venue à Régis Hautière l'idée de donner une vision de la première guerre mondiale différente des tranchées, des grandes batailles etc. Et cette vision, c'est celle que l'on perçoit à travers les yeux de ces quatre gamins dont le prénom commence par « Lu », rejoints au cours de cet album et de l'année 1914 par une petite réfugiée belge prénommée Luce. Et qu'est-ce que ça fonctionne bien ! Evitant tout pathos, c'est avec énormément de sensibilité, et autant d'émotions pour le lecteur, que l'on perçoit ce début de guerre au quotidien. Les Lulus ont fait le mur, ils retrouvent un orphelinat désert, mais aussi tout un village qui ressemble d'un coup à un village fantôme dans lequel ils vont devoir (trouver de quoi) survivre. Mais la région n'est pas déserte, les coups de canon se rapprochent, et un jour, c'est un orphelinat occupé par les allemands que regagnent les gamins... Avec ce premier album, c'est d'abord de magnifiques portraits de gosses que l'on découvre, des vrais mômes avec leur langage et leurs (petites) questions qui vont tout-à-coup se retrouver confrontés à des préoccupations d'adultes, des préoccupations vitales, ici. Et puis, on a aussi l'impression de découvrir une véritable déclaration d'amour à une belle région. Breton d'origine, Régis Hautière habite Amiens depuis 20 ans. Hardoc (Vincent Lemaire de son vrai nom) réside lui dans l'est de la Somme. Une bien belle région mais qui, lors de la première guerre mondiale, servit de décor à l'une des plus sanglantes batailles du conflit et...de l'Histoire. Et cette région, Hardoc nous la livre notamment à travers des décors particulièrement soignés. J'ai beaucoup pensé à Loisel en découvrant cette Maison des Enfants Trouvés. A ses gamins qui forment la petite bande de son Peter Pan, et à son très beau Magasin général pour la délicatesse du traitement de cette histoire. L'année prochaine, on commémorera le centenaire du début de la Grande guerre (mais y en a-t-il des « petites » ?) On peut imaginer que livres et albums sur le thème se multiplieront, mais d'ores et déjà, il y a fort à parier que celui-ci sortira du lot. Plus loin que la vision d'un conflit, plus loin que l'histoire de ces gamins, il traite d'un sujet universel : celui des enfants dans la guerre. Les Lulus se débrouillent, parfois non sans humour, mais notre regard d'adulte mesure lui, toute la tragédie qui constitue le fond de leurs aventures. Remarquable !



Pierre Burssens

 

La Guerre des Lulus T.1 – 1914 la Maison des Enfants trouvés par Hardoc & Régis Hautière , 48 pages, 12.95 €, édité chez Casteman.

 

 



Publié le 21/01/2013.


Source : Graphivore


Coup de coeur : Luisa Amann, dite La Casati.

Luisa Casati Amman, passée à la postérité sous le nom de « La Casati », dilapida un immense patrimoine, dans le seul dessein de devenir une oeuvre d'art vivante. Ses apparitions sulfureuses, ses tenues choquantes et ses fêtes pharaoniques la firent entrer dans la légende. Un personnage qui marqua les mémoires, sorte de Lady Gaga de la Belle Époque.

 

 

 

 

La Casati, ou connue aussi sous le nom de Luisa Amann, c'est le récit d'une femme pas comme les autres, atypique, surprenante, une femme des années trentes à la richesse immense et qui n'à qu'une seule obsession, devenir une oeuvre d'art vivante et marquer profondement l'esprit de ses contemporains. elle est l'inspiratrice des peintres de son temps, des photographes qui ne restaient pas indemnes après son passage dans leur vie car, la Casati, savait provoquer les excès les plus insensés. Et c'est cela qui la plongera dans la pauvreté la plus extrême et la poussera vers la mort vers le milieu des années cinquantes. L'auteur a voulu faire la lumière sur cette égérie oubliée et résultat est très réussi. La Casati est la représentation de la muse dans les lettres de noblesse de l'art, de celle qui passe du simple objet de fantasme à la prise et la possession des artistes qu'elle à convoité et qui parvient à en faire ce qu'elle veut...qui parvient à ses fins les plus désirées, les plus convoitées. Non seulement vous aurez entre les mains, un album au graphisme étonnant, à la texture agréable mais vous aurez aussi affaire à une écriture élégante, véritable témoignage et miroir d'une époque folle. Pour en savourer toute l'essence, je vous conseille de vous documenter un peu sur le personnage afin de profiter de façon optimale de chaque page de cet album. La Casati, un récit qui vaut le détour car il n'est jamais inutile de céder à la culture artistique et de ses personnages aux frasques les plus surprenantes.

 

Jérôme Leeman

 

La Casati par Vinvi Vanna, 88 pages au prix de 16,45€ édité chez Dargaud.



Publié le 15/01/2013.


Source : Graphivore


Coup de coeur : Louca

L'adolescence est une période horrible pour beaucoup de monde. Pour Louca, c'est pire ! Paresseux, mauvais élève, menteur (pour épater son petit frère), maladroit avec les filles, ce type est vraiment une catastrophe ambulante. Mais, c'est décidé : dès demain, il va changer ! Mais c'est plus facile à dire qu'à faire (surtout quand, en plus, on est versatile).
Heureusement, Louca va recevoir un coup de main d'un dénommé Nathan : beau garçon, super doué au foot, intelligent... ce Nathan a vraiment l'air d'être le mec idéal et le coach rêvé pour Louca. À une petite exception près : Nathan est mort et c'est son fantôme qui va aider Louca...

 

 

 

 

 

 

 

 



Je n'ai jamais vraiment compris l'engouement pour le foot, encore moins les fortunes orbitant autour du ballon rond. Heureusement, cette nouvelle série signée Dequier, c'est bien plus que cela. Louca, c'est d'abord une belle histoire, avec suffisamment d'émotions et de sourires pour séduire un public bien plus large que celui des terrains de foot. Une histoire très joliment mise en images aussi. Bruno Dequier travaille dans l'animation (Moi, moche et méchant 1 et 2, le Lorax, un Monstre à Paris...) et a créé Louca parallèlement à cette activité. Il semble appliquer en dessin certaines recettes employées dans l'image animée. Résultat : des personnages dotés d'une expressivité hors du commun, la priorité à l'efficacité (pas de détails inutiles), de l'espace dans les cases et une lisibilité assez extraordinaire. Côté scénario, même chose, là aussi l'efficacité prévaut. L'auteur construit une intrigue prenante en mettant en scène un nombre très limité d'acteurs un peu à la manière de Matthieu Reynès pour sa « Mémoire de l'eau », et ce Coup d'envoi fonctionne à merveille. Initialement prépublié dans Spirou, ce tome 1 a été largement retravaillé et complété pour sa sortie en album. Ce qui explique le délai relativement important écoulé depuis cette première découverte, mais ce qui nous vaut aussi, pour un premier album, un joli volume de 80 pages complété par la présentation des personnages principaux. Un bonus sympa qui fournit certaines clés pour une compréhension plus fine de cette histoire...et de sa suite (les tomes 2 et 3 sont respectivement annoncés pour juin 2013 et janvier 2014). Quant à l'aspect fantastique (et fantômatique) des aventures de Louca, si, de prime abord, on peut avoir tendance à le rapprocher de celui de Mon Pépé est un fantôme de Taduc et Barral, la comparaison s'arrètera là tant les univers des deux séries sont différents. Si un début d'année doit correspondre à une forme de renouveau, Louca nous offre, en BD en tous cas, un très joli moment de fraîcheur. Quant à Bruno Dequier, plutôt qu'avec un coup d'essai, c'est avec un très beau tir au but qu'il fait son, entrée sur le terrain du neuvième art. Goal !



Pierre Burssens

 

Louca par Bruno Dequier, 80 pages au prix de 12 €, édité chez Dupuis.





Publié le 07/01/2013.


Source : Graphivore


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